Ello n'est pas une utopie mais une start-up qui sait créer le buzz

Ello n'est pas une utopie mais une start-up qui sait créer le buzz Le réseau social se présente comme un fervent adversaire de la publicité. Mais son organisation, comme sa première levée de fonds, montre que ses ambitions ne sont pas qu'humanistes...

Chaque mois, si ce n'est chaque semaine, émerge un candidat à la succession de Facebook. Souvent, le nouveau venu se présente comme une alternative plus respectueuse de la vie privée des internautes. Une posture par exemple adoptée par le projet Diaspora qui, après un lancement en fanfare dans l'Hexagone courant 2010, est rapidement retombé dans l'anonymat. Aujourd'hui c'est au tour d'Ello d'agiter les médias et de cultiver savamment le buzz grâce à une beta accessible uniquement sur invitations. La nouvelle coqueluche de la presse tech US, qui ambitionne de proposer un réseau social sans publicité et financé par des dons, reçoit ainsi près de 31 000 requêtes par heure sur la simple promesse de "connecter", "créer" et "célébrer la vie" comme on peut le lire dans le manifeste publié sur le site

Un discours anti-Facebook qui repose sur des contre-vérités

Les 7 fondateurs sont volontiers virulents vis-à-vis des Facebook et consorts où, comme ils aiment à le rappeler, "chaque post que vous partagez, chaque ami que vous ajoutez, et chaque lien que vous aimez est tracké, enregistré et converti en données. Les publicitaires achètent vos données et peuvent ainsi vous présenter toujours plus de pubs. Vous êtes un produit qui est acheté et vendu." Ou l'art de faire sien une maxime qui a cours sur le Web : si c'est gratuit c'est forcément que vous êtes le produit.
Problème : le postulat de départ "Facebook vend votre data" est plutôt erroné. Si le réseau social permet bien évidemment aux annonceurs de cibler une audience qualifiée sur la base des informations qu'il récolte, il ne leur communique en aucun cas directement ces informations. De fait, la segmentation d'une audience à des fins publicitaires est aujourd'hui une pratique largement démocratisée. Tous les groupes médias en font aujourd'hui un des enjeux majeurs de leur développement commercial pour contrebalancer la gratuité de leur service. Tout en garantissant, comme le préconise la Cnil, le respect de la vie privée des utilisateurs en anonymisant les données récoltées.

Une levée de fonds de 435 000 dollars

Au-delà du discours marketing, on constate également que le vernis des bonnes intentions d'Ello se craquèle après quelques recherches qui révèlent que le projet n'est pas en open-source et que la start-up a déjà levé des fonds. Des décisions étonnantes de la part d'une société qui ambitionne de bâtir "un réseau social qui redonne le pouvoir aux utilisateurs. Pas un outil pour décevoir, contraindre et manipuler - mais un espace pour connecter, créer et célébrer la vie", comme le rappelait Ello dans un manifeste qui a tôt fait de l'ériger médiatiquement en réseau social qui casse les conventions.

Mais c'est surtout la découverte d'une levée de 435 000 dollars réalisée en mars par Ello et annoncée en catimini par le fonds FreshTracks Capital qui interpelle. Si le montant de la levée est anecdotique, il n'en est pas moins un premier coup de canif dans le contrat "moral" qui lie Ello à ses utilisateurs : être transparent. Car il est impossible d'en retrouver la trace sur le site d'Ello, où tout laisse à croire que cette société créée par 7 sympathiques humanistes dans leur garage est encore indépendante.

En outre, si un fonds est entré à son capital, c'est pour en sortir avec une plus-value. Pour cela, Ello devra donc monnayer d'une manière ou d'une autre ses services pour créer de la valeur. Et quand bien même la publicité serait laissée de côté, la monétisation de l'audience passera par un service payant. Derrière le discours de "célébrer la vie", l'objectif est donc entrepreneurial. Au-delà d'un buzz savamment orchestré se cache donc bien une start-up comme les autres.