Réseaux sociaux en Afrique : pourquoi les médias francophones doivent s’adapter

En 2014, on compte plus de 700 sites de réseaux sociaux dans le monde. La vague 2.0 n’a épargné aucun continent, à l’image de l’Afrique qui a profité du développement des TIC pour plébisciter en masse le web social.

Pour survire, les médias francophones doivent s’adapter à ces nouveaux comportements et à ces nouveaux médias. Des pistes de réflexion seront développées lors de la Conférence internationale sur l’avenir des médias francophones organisée par l’OIF, à Montréal du 8 au 10 octobre.

À quoi ressemble le web social africain ?

Selon l’UIT (Union internationale des télécommunications) le monde comptera fin 2014 presque 3 milliards d’internautes, dont les deux tiers vivront dans des pays en développement. Même si l’Afrique semble un peu à la traîne lorsqu’on parle d’Internet, avec le taux de pénétration le plus faible tous continents confondus (13,5 %), ses efforts pour favoriser les Nouvelles Technologies de l’Information (NTIC) sont encourageants et remarqués. Les infrastructures numériques se développent et si on relevait 4,5 millions d’internautes en 2000, ils étaient 140 millions fin 2011.
Pour avoir accès à Internet, les Africains ont majoritairement recours à un téléphone mobile et non à un terminal pensé à cette occasion. En effet, l’équipement des foyers en Smartphones, matériel informatique et connexion Internet est très faible pour cause de coûts trop onéreux, alors que la téléphonie mobile a explosé ces dix dernières années avec un taux de progression de plus de 500 %. Les Africains surfent donc la plupart du temps sur le web grâce aux MMS et aux SMS. Pas encore de 3G mais le système semble bien rodé et faire l’affaire.

Dès que les Africains sont sur Internet, c’est majoritairement sur les réseaux sociaux qu’ils vont naviguer. L’essor des NTIC a imposé le web 2.0 dans leur quotidien, alors qu’ils sont tous les jours plus nombreux à rejoindre le monde connecté. Pour Facebook, c’est l’Egypte qui arrive en tête des pays utilisateurs avec plus de 11 millions d’abonnés, suivie par l’Afrique du Sud et ses 5 millions de profils. Quant aux pays du Maghreb, ils sont bien placés avec pour exemple le Maroc qui pointe à près de 4,8 millions d’internautes inscrits sur Facebook.

Moins populaire, Twitter séduit quand même, notamment au Ghana où on compte plus de 200 000 twittos. Les réseaux sociaux ont la côte mais les Africains n’ont pas hésité à lancer leurs propres plateformes, à l’image de Mxit qui revendique déjà plus de 10 millions d’abonnés, principalement situés en Afrique du Sud. « Au départ, c’était un simple chat, c’est devenu un réseau social sur lequel ont aussi lieu des campagnes officielles sur la contraception ou le permis de conduire. Ça sert aussi de portefeuille : on achète des crédits sur le site qu'on réutilise dans les magasins en payant via son téléphone portable », indique le journaliste congolais Cédric Kalonji.

Pour l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), les médias francophones ont un défi à relever

L’avenir des médias francophones fait partie des grandes préoccupations de la Francophonie, qui voit là une évolution nécessaire à entreprendre pour continuer de se faire entendre. Cet avenir sera fortement questionné dans quelques jours à Montréal car l’engouement des Africains pour les réseaux sociaux a non seulement eu des répercussions significatives sur leur façon de vivre en communauté mais a également modifié leur manière d’accéder et de consommer l’information. Devant la difficulté que rencontrent régulièrement les médias pour travailler et rendre compte de l’actualité, les réseaux sociaux jouent le rôle essentiel de relai de l’information et permet aux Africains de prendre la mesure de chaque situation, chaque événement. 
Mise en lumière lors des printemps arabes, l’importance des réseaux sociaux dans l’accès à l’information donne une nouvelle dimension au web social en Afrique. Les internautes vont sur les réseaux sociaux pour trouver des réponses à leurs questions et partager entre eux l’actualité, leurs opinions en temps réel. Le site internet Ushaidi propose un logiciel de cartographie de crise et s’est fait largement connaître en 2008, lorsqu’il a permis au Kenyans de communiquer sur les malversations qui entouraient les élections présidentielles.
L’attention que les Africains portent aux réseaux sociaux, la considération qu’ils donnent à l’information qui y circule doit encourager les médias francophones à y voir une formidable opportunité pour toucher le plus grand nombre. La presse, la télévision et les médias ont tout intérêt à amorcer un virage 2.0 pour être lues, vues et entendues par les Africains. Une mutation est en route, et les entreprises médias de faire en sorte d’accroître leur présence sur ces « médias personnels », devenus de véritables canaux d’information et plateformes de communication en tout genre. Du format à la ligne éditoriale, en passant par la publicité, tout doit être pris en compte pour que la Francophonie puisse jouir des possibilités qu’offre cet espace de partage et optimiser l’impact des médias francophones en Afrique.

Erik Hersman, cofondateur du site Ushahidi, est catégorique : « une fois qu'on aura atteint une masse critique d'internautes dans certains pays africains (Kenya, Afrique du Sud, Ghana, Nigéria, Égypte), la forte pénétration de la téléphonie mobile sur le continent entraînera des bouleversements sismiques dans les services et l'information ». Les médias francophones sont au fait de ces changements et prêt à révolutionner leur modèle pour s’y adapter.