Laurent Solly (Facebook) "Nous ciblerons les internautes non-membres de Facebook via un cookie"

Le DG France du réseau social détaille au JDN comment le groupe va bientôt permettre à ses annonceurs de cibler les internautes non inscrits. Un nouveau front ouvert contre Google.

JDN. Votre réseau publicitaire Audience Network va donner la possibilité aux marques de diffuser des campagnes ciblées aux internautes, même lorsqu'ils ne sont pas membres de Facebook. Vous marchez ouvertement sur les plates-bandes de Google…

Laurent Solly, DG de Facebook France © S. de P. Facebook

Laurent Solly (Facebook). Je pense que Facebook a réussi à mettre sur pied un modèle publicitaire qui fonctionne, avec des publicités ciblées qui ne sont ni intrusives, ni omniprésentes. C'est un modèle que nous appliquions jusque-là aux seuls membres de Facebook, qu'ils naviguent sur notre plateforme ou sur un site partenaire. Nous allons désormais l'élargir aux non-membres du réseau social. C'est pour nous un moyen d'élargir à tous cette expérience publicitaire de qualité qui est devenue une nécessité face à la démocratisation des adblockers.

Vous faites une entorse au modèle de l'identifiant unique qui a fait votre succès et adoptez le système si souvent critiqué du cookie. Expliquez-nous votre démarche.

Le modèle du cookie est un standard adopté par le marché publicitaire depuis un petit moment. Il n'est donc pas si étonnant de nous voir l'adopter. Mais nous allons le perfectionner avec la puissance du pool data que nous octroient nos près de 1,6 milliard d'utilisateurs dans le monde.

Nous allons donc déposer des cookies au sein du navigateur des internautes qui ne sont pas membres de Facebook, après que l'éditeur ait recueilli leur consentement préalable. Ensuite, à partir de leur comportement de navigation, nous identifierons des "look-alike" parmi nos membres. Cela permettra à nos annonceurs de cibler ces internautes selon des centres d'intérêts.

Pourtant, le 8 février dernier, la Cnil a exigé que Facebook cesse de pister les internautes non-inscrits chez lui dans les conditions où il le faisait. Vous expliquiez alors utiliser ces données pour des raisons de sécurité. Aujourd'hui, vous officialisez le fait que vous allez le faire pour des raisons publicitaires.

Ce n'est pas contradictoire. Par ailleurs, tout se fait en totale transparence avec les autorités européennes et la Cnil. A l'époque des faits, nous n'utilisions absolument pas ces données à des fins publicitaires. Nous allons bientôt le faire, mais en toute transparence. L'utilisateur gardera le contrôle sur toutes les publicités auxquelles il est exposé via un gestionnaire de préférence des publicités. C'est l'un des garants de la réussite de notre modèle.

"Les discussions avec la Cnil sont toujours en cours"

Un bandeau est en cours de déploiement en haut des pages d'accueil des utilisateurs de Facebook pour les informer qu'en continuant à naviguer sur la plateforme, ils acceptent que nous leur déposions un cookie. Les non-utilisateurs pourront aussi refuser de voir ces publicités basées sur leurs centres d'intérêts, via un "opt-out". Tout comme les membres de Facebook pourront dire qu'ils ne préfèrent pas être exposés à ce type de publicité en dehors de Facebook.

C'est également l'argument brandi par Google qui explique que l'internaute peut à tout moment s'opposer au ciblage. Mais dans les faits, il a rarement conscience d'une telle possibilité. Les utilisateurs de Facebook utilisent-ils vraiment ces outils ?

Ils sont peu à le faire, en effet. Mais tout simplement parce qu'ils n'en ressentent pas le besoin. Seuls 5 à 7% des posts que vous voyez sur votre fil d'actualités sont sponsorisés. En télévision, on peut diffuser jusqu'à 12 minutes de publicité par heure de diffusion. C'est beaucoup plus.

Au risque de me répéter, si notre modèle publicitaire est accepté c'est parce qu'il n'est pas interruptif et pondéré. D'ailleurs, l'arrivée de la publicité chez Facebook n'a jamais entravé le développement de son audience. Et nous faisons le même constat sur Instagram où le modèle est en cours de déploiement.

Début février, la Cnil vous mettait en demeure de vous conformer dans un délai de trois mois à la loi "Informatique et Libertés". Le délai est écoulé. Où en êtes-vous ?

Les discussions avec la Cnil sont toujours en cours.

Facebook a annoncé l'arrivée des bots sur Messenger mi-avril. Les médias et marques US se sont rués sur le service mais aucun Français n'a encore officiellement franchi le pas. Où en est-on ?

Les entreprises françaises sont nombreuses dans le domaine de la finance, du voyage ou de la rencontre, à développer leur propre bot. On devrait donc en voir arriver dans les prochaines semaines.

"Si notre modèle publicitaire est accepté c'est parce qu'il n'est pas interruptif et pondéré"

N'oublions pas que les entreprises françaises ont été les premières en Europe à investir Messenger et y mettre en relation nos utilisateurs avec leurs équipes de relation client.  Voyages-SNCF, Axa et d'autres en ont fait un support clé de leur stratégie CRM. Les premiers retours sont très bons car l'outil leur permet d'apporter une réponse rapide et simple à leur clientèle.

50 millions d'entreprises sont aujourd'hui sur Messenger. 60 milliards de messages sont envoyés chaque jour sur des applications de messagerie instantanée. C'est trois fois plus que les SMS. En 2019, près des trois-quarts des discussions se tiendront sur ce type d'espace. C'est pourquoi Messenger a vocation à représenter une nouvelle forme de CRM, que ce soit avec des humains ou des bots.

Allez-vous renforcer les équipes françaises dédiées à Messenger ?

Comme nous l'avons fait pour Instagram, nous allons procéder étape par étape. Si nous sentons une demande du marché, nous dédierons des collaborateurs exclusivement à ce sujet. Mais attendons de voir si la situation le justifie.

Le gros sujet du moment, côté média, c'est Facebook Live. Le succès est tel que certains patrons de médias attendent avec impatience l'arrivée d'un modèle de monétisation…

Je me réjouis d'un tel engouement. Mais je tiens à rappeler que Facebook a toujours eu à cœur d'installer d'abord un usage auprès des partenaires et de leur audience et de ne réfléchir aux moyens de le monétiser qu'ensuite. Donc je ne pense pas que la question se posera avant un ou deux ans.

L'outil a été ouvert à tous il y a peine quelques mois. Il faut laisser le temps aux utilisateurs de l'appréhender. Mais je ne me fais pas de soucis quand je vois les résultats d'audience obtenus par certaines stars comme David Guetta qui a fait près de 3,7 millions de vues sur son dernier Live, ou le chef Jean Imbert qui réussit à chaque fois à rassembler une grosse communauté de fidèles.