Audience, CA, diversification : le rachat d'Auféminin, un beau coup pour TF1

Audience, CA, diversification : le rachat d'Auféminin, un beau coup pour TF1 S'il devrait débourser plus de 300 millions d'euros dans l'opération, le groupe audiovisuel reviendra à hauteur de ses rivaux Figaro-CCM Benchmark, Prisma et Webedia.

Depuis l'arrivée de Gilles Pélisson à sa tête début 2016, TF1 avance à marche forcée dans le digital. Un an après l'acquisition de Minutebuzz, le groupe s'apprête à accueillir un nouveau membre de poids dans la famille : TF1 a annoncé ce lundi 11 décembre être entré en discussions exclusives pour racheter les 78,43% que détient Axel Springer dans Auféminin. Les parts concernées étaient valorisées près de 200 millions d'euros en bourse avant l'annonce de ces discussions. Sans surprise, le cours est monté en flèche depuis, en hausse de 18% pour atteindre les 31,35 euros au moment où la société a demandé sa suspension. La capitalisation boursière du groupe avoisinait alors les 295 millions d'euros. Soit à peu de choses près le montant de sa valorisation (284 millions d'euros) au moment de son rachat par Axel Springer en 2007

Passé sous pavillon allemand il y a 10 ans, Auféminin est une des plus belles réussites du Web français, avec des marques historiquement dédiées aux cibles féminines (Auféminin.com, Marmiton, MyLittleParis...) et un petit dernier, Merci Alfred, qui se concentre sur une audience plus masculine.

Audience : TF1 - Auféminin talonne Webedia et Prisma 

En France, le groupe totalise près de 19 millions de visiteurs uniques (VU) en septembre 2017 tous devices confondus. Ajoutés aux 15,6 millions de TF1 pour la même période, ces visiteurs conféreraient une audience dédupliquée de 25,5 millions de VU à la nouvelle entité. Une audience qui lui permettrait d'entrer dans le top 10 des groupes dans le classement "Internet global" de Médiamétrie//Netratings. Le duo TF1-Auféminin talonnerait même Prisma Media (26,4 millions) et Webedia (26,3 millions). Il aurait en ligne de mire les 31,4 millions de VU du groupe Figaro-CCM Benchmark (propriétaire du JDN).

L'audience "Internet global" des principaux groupes médias français
Groupe Audience en septembre 2017 (en millions de VU)
Figaro - CCM Benchmark 31
Prisma Media  26,4
Webedia  26,3
TF1 - Auféminin 25,5

"C'est un véritable coup de maître. Auféminin a un business très solide et bien diversifié, entre publicité et e-commerce", analyse Benoit O'Mahony,  cofondateur de la boutique de M&A Raphaël Financial Advisory. Selon lui, "le succès rencontré par les équipes commerciales de TF1 auprès des annonceurs depuis le rachat de Minutebuzz a sans doute conforté le groupe dans sa décision d'accélérer sur le digital." 

Avec un chiffre d'affaires qui provient à près de 75% de la publicité (et pour une grande majorité de la TV), TF1 doit effectivement aller plus vite dans le digital, un secteur où il a historiquement eu du mal à trouver de la croissance. Ce dernier ne contribuait qu'à 5% de ses revenus en 2016, selon des estimations. Le rachat de Minutebuzz, dont les revenus se sont établis à 5 millions d'euros sur cette période, n'avait de ce point de vue pas beaucoup pesé. Alors que le marché publicitaire TV navigue d'année en année entre stabilité et décroissance, il était temps pour la chaîne d'agir. Le chiffre d'affaires du groupe, qui était de 2,62 milliards d'euros en 2012, est tombé à un peu plus de 2 milliards en 2016.

Le chiffre d'affaires de TF1 est en net recul entre 2012 et 2016. © JDN

Les revenus d'Auféminin se sont, eux, établis à 107 millions d'euros en 2016. Dans le lot, beaucoup d'opérations de brand content vendues par son agence de brand publishing Studio Pompadour et de native ads par sa régie. Mais pas seulement. "Aufeminin est, grâce à My Little Paris, un des rares groupes médias à avoir réussi dans l'e-commerce", estime Benoit O'Mahony. Près des deux-tiers du chiffre d'affaires de My Little Paris proviennent des 150 000 box que la marque vend chaque mois.

Près de 20% du CA d'Aufeminin provient de l'e-commerce

My Little Paris est sans doute la pépite qui justifie à elle seule le deal. Valorisée près de 200 millions d'euros en octobre dernier (lorsqu'Aufeminin est monté à 92% de son capital), la marque a su se créer une véritable rente avec son business de box sur abonnement. Son chiffre d'affaires avoisinant la trentaine de millions d'euros en 2016, c'est donc près de 20% des revenus d'Aufeminin qui proviennent de l'e-commerce sur cette période. De quoi rendre le groupe un peu moins exposé que la concurrence aux soubresauts du marché publicitaire display traditionnel. Le chiffre d'affaires d'Auféminin a d'ailleurs affiché une croissance de 5% au premier semestre 2017 pour s'établir à 53,7 millions d'euros porté par le triptique programmatique, content marketing et e-commerce.

Bien sûr, le rapprochement avec Auféminin, qui compte tout de même près de 450 salariés, sera d'autant moins évident à piloter que TF1 n'est pas connu pour être performant en la matière. Mais l'opération lui permet de doubler son chiffre d'affaires en provenance du digital. Selon nos calcul, celui-ci pèserait 10% des revenus globaux de la nouvelle entité pour l'année 2016. TF1 resterait malgré tout encore loin de ses rivaux sur ce point. Le groupe Figaro-CCM Benchmark réalisait près de 35% de son chiffre d'affaires total dans le digital et Prisma 30% sur la même période. En valeur, la nouvelle entité fait toutefois mieux que ses deux concurrents et quasiment aussi bien que Webedia sur l'année 2016. 

Poids du digital chez les principaux groupes médias français
Groupe Chiffre d'affaires digital en 2016 (en millions d'euros) Pourcentage des revenus issus du digital Chiffre d'affaires 2016
Webedia  230 100% 230
TF1 - Auféminin Environ 217 Environ 10% 2 170
Figaro - CCM Benchmark 186 35% 530
Prisma Media  115,2 30% 384

Après avoir acquis 51 % de Bonzaï Digital, une société spécialisée dans le marketing digital, et annoncé prendre une participation minoritaire dans la plateforme de création de vidéos israélienne Wibbitz, TF1 profite donc du recentrage d'Axel Springer dans le business des petites annonces. En France, l'Allemand reste  propriétaire de Seloger.com, La Centrale ou Caradisiac. Reste encore à connaître le montant de l'opération. Une source anonyme estime probable que la transaction se fera autour de 300 à 350 millions d'euros.