Le casse-tête des radios pour monétiser les podcasts
Les audiences de ce format audio décollent mais leurs revenus restent pauvres. Les éditeurs sont tentés d'imiter les start-up du secteur qui proposent du sur-mesure aux annonceurs.
Les podcasts ont trouvé leur public : selon Médiamétrie, quatre millions de Français écoutent chaque mois ce format audio accessible depuis des plateformes numériques comme iTunes ou Soundcloud. Problème : il rapporte encore trop peu d'argent aux éditeurs. Qu'il s'agisse des groupes de radio traditionnelle (Europe 1, RTL, RMC et Radio France…) ou des sociétés nées sur Internet, comme Binge Audio, Nouvelles Ecoutes ou BoxSons.
Les radios tentent de monétiser ce support via de la publicité, en l'occurrence un spot d'une dizaine de secondes, généralement identique à celui diffusé à l'antenne. "Nous proposons à l'annonceur de sponsoriser une de nos émissions en direct et sa déclinaison podcast, qui permet souvent de toucher une audience plus jeune", explique Maxime André. Le directeur marketing du pôle radio de M6 Publicité commercialise l'inventaire de RTL, RTL 2 et Fun Radio, soit près de 21 millions de podcasts téléchargés tous les mois selon Médiamétrie/eStat, dont un des plus populaires, Les Grosses Têtes. Malgré un tel inventaire, les podcasts représentent moins de 5% de son chiffre d'affaires.
"Les podcasts sont une niche qui entre dans les plans médias des agences mais peine à grandir faute d'indicateurs de mesure de la performance"
"Les podcasts sont une niche qui commence à entrer dans les plans médias des agences, mais qui peine à grandir faute d'indicateurs détaillés de mesure de la performance", explique Kamel El Hadef, cofondateur d'Audion, un spécialiste de la publicité audio. Exemple le plus criant : l'impossibilité de savoir quand un podcast téléchargé a été écouté. "C'est problématique pour l'un des plus gros annonceurs de la radio, la grande distribution, dont les promotions mises en avant risquent d'être caduques au moment de l'écoute", illustre Maxime André.
Le marché du podcast pâtit également de l'absence d'une mesure d'audience globale. "Les agences voudraient une mesure indépendante, comme en TV", témoigne Maxime André. Elles doivent pour l'instant se contenter des statistiques piochées par les radios au sein d'iTunes. La plateforme d'Apple, qui compte pour une majorité du marché des écoutes de podcasts, communique depuis fin 2017 des informations comme la durée d'écoute par appareil, pays… Plusieurs producteurs de podcasts natifs, dont Binge Audio et Nouvelles Ecoutes, publient cependant leurs chiffres chaque trimestre en utilisant un même outil de mesure : Podtrac.
Contrairement aux radios, Binge Audio n'a pas d'autre choix que de tirer le maximum de ses podcasts s'il veut survivre. Pour cela, "nous proposons toujours du sur-mesure", explique son dirigeant Joël Ronez. "Dans le cadre du pré-roll (publicité en amont du podcast, NDLR), c'est la voix de l'animateur de l'émission concernée qui sera sollicitée. Et sur l'émission "No Fun" consacrée au film Avengers Infinity War, c'est Disney, le studio, qui était le partenaire."
Le sur-mesure permet à Binge Audio de revendiquer des coûts pour mille impressions (CPM) très élevés, parfois "au-delà des 50 euros". De quoi donner des idées aux grandes radios ? "Nous réfléchissons à lancer des podcasts natifs", c'est-à-dire indépendants du programme à l'antenne, confie Maxime André. Objectif : permettre aux marques de sponsoriser des contenus périphériques à leur activité, comme le fait le fabricant de matelas Casper avec une émission consacrée au sommeil aux Etats-Unis. Joël Ronez, lui, se félicite d'avoir réalisé "le même chiffre d'affaires au 1er trimestre 2018 que sur l'ensemble de l'année 2017".
Un article paru dans le Figaro Tech
Cet article est originellement paru le 18 juin dans le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.