Bertrand Gié (Le Figaro) "Le mobile pèse aujourd'hui plus de 30% du trafic de notre site"

Le directeur des nouveaux médias du groupe de presse évoque comment il a construit son offre de vidéo et comment il répond à la montée en puissance du mobile.

JDN. Aujourd'hui tous les groupes médias se structurent pour avoir une offre vidéo la plus complète possible. Pourquoi ? 

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Bertrand Gié, directeur de nouveaux médias du Figaro.  © Le Figaro

Bertrand Gié. Cette volonté de mettre l'accent sur la vidéo répond à un double objectif. Le premier est éditorial. On est aujourd'hui obligé de proposer aux internautes de visionner des images pour accompagner la lecture de nos articles, si l'on ne veut pas se faire voler le leadership. La forte progression de chaînes de la TNT telles que BFMTV ou iTélé témoigne de l'engouement des Français pour de la vidéo d'information en continu. Le second est économique. Le CPM du display ne cesse de baisser et la vidéo reste l'un des rares leviers de croissance, comme en a attesté l'Observatoire de l'ePub début 2014.

Vous estimez-vous pénalisés, dans cette course à l'inventaire, par rapport aux groupes TV, voire aux groupes radios ?

Nous n'avons bien sûr pas la force de captation que certaines chaînes possèdent, fortes de leurs centaines de journalistes reporters d'images. Mais nous n'avons pas vocation à aller sur ce terrain-là. Je vous rappelle que nous avons, tout de même, 400 journalistes qui écrivent du contenu tous les jours et près de 500 articles postés quotidiennement online. Or le Web n'a jamais référencé un contenu mieux que l'écrit. Là est déjà l'une de nos armes : pouvoir capitaliser sur l'écrit pour pousser notre offre vidéo.  

Que représente aujourd'hui la vidéo, en termes d'audience et de chiffre d'affaires, pour le groupe Le Figaro ?

Nous postons depuis janvier 2013 une centaine de vidéos par jour sur le site et on regroupe le tout sous l'égide Figaro TV. L'objectif est de créer des contenus qui plaisent à l'internaute avec des formats qui collent à son usage plutôt snacking. Il ne s'agit ici encore pas de singer la télévision. A peu près 80% de notre inventaire vidéo est constitué de production "en propre", le reste étant issu de partenariats avec des agences ou des chaînes de télévision. Nous veillons toutefois toujours à ajouter notre patte, en éditant un minimum les vidéos. Idem sur le contenu en froid pour lequel nous avons nombre de magazines tels que le Talk, le Buzz Media, le Clash qui sont très prisés. Ce virage nous a permis de passer de près d'1 million de vidéos vues il y a 15 mois à 12-13 millions de vidéos vues il y a un mois. Avec à la clé un fort engagement : plus de 80% des utilisateurs de la chaîne Le Figaro TV visionnent plus de 75% de chaque vidéo. 

Les résultats publicitaires viennent-ils également valider ce virage ?

Les investissements ont été conséquents, avec l'embauche en 15 mois d'une douzaine de JRI et l'achat de nombreux programmes. L'investissement total sur 5 ans est ainsi de plusieurs millions d'euros. Aujourd'hui, la vidéo pèse pour près d'1 million d'euros de notre chiffre d'affaires sur l'exercice 2013. Cela reste peu comparé à l'ensemble - moins de 5% - mais c'est très encourageant.

A ce jour, c'est la régie Advideum qui commercialise majoritairement notre inventaire vidéo en l'intégrant dans un couplage "sites d'informations". Vous savez, nous restons petits comparés à d'autres galaxies de groupes et c'est cet assortiment qui nous permet d'attirer les annonceurs en nous intégrant dans un reach conséquent. Quant au CPM, il se situe autour d'une vingtaine d'euros : moins que le pré-roll d'une catch-up de programme TV, plus que celui d'une vidéo Youtube.

Youtube, justement, est-il un allié ou un concurrent ?

Nous ne sommes clairement pas dans la même logique qu'un TF1 ou M6, qui sont eux dans une phase défensive et veulent à tout prix contrôler la diffusion de leur inventaire. De sorte que nous diffusons nos vidéos partout où nous le pouvons, dans la mesure où ce qui compte est qu'elles soient vues, et ce même si c'est moins rentable parce qu'il s'agit de Youtube ou Dailymotion. Cela reste quoi qu'il en soit difficile d'émerger sur ces plateformes, quand bien même elles font de plus en plus de curation. 80 à 90% de nos vidéos sont vues sur nos sites.

Vous venez d'adopter la solution de Brightcove Video Cloud pour garantir la qualité de visionnage sur tous les canaux. Le mobile est-il important aujourd'hui ?

Entre 30 et 50% du trafic du site provient aujourd'hui du mobile. D'où l'importance de s'assurer de l'unicité de l'expérience, quel que soit le support : Web fixe, site mobile ou appli mobile. Chose dont nous nous assurons grâce au responsive design, notamment. La prochaine version de l'application devrait d'ailleurs mettre l'accent sur la vidéo, avec un accès à l'inventaire plus intuitif. Clairement, la vidéo est portée par l'essor du mobile. Et je peux vous garantir que la démocratisation de la 4G va accentuer le phénomène. 

Bertrand Gié est directeur des nouveaux médias du Figaro depuis 2006. Ce diplômé de l'ESCEM Tours est également président de la commission numérique de l'OJD et vice- président du Geste. Avant d'entrer au sein du groupe Le Figaro, il a occupé divers postes au sein de la filiale Internet de RTL.