Comment Netflix est devenu un géant mondial de la vidéo

Comment Netflix est devenu un géant mondial de la vidéo C'est par une série de choix aussi osés que payants que son fondateur, Reed Hastings, a fait de la plateforme de SVOD un business florissant.

La légende dit que c'est après avoir dû payer des pénalités de retard dans un vidéo-club que Reed Hastings aurait eu l'idée de lancer un service similaire, proposé avec un abonnement au forfait. L'anecdote, en fait complètement inventée, aurait sa place aux côtés des fictions disponibles sur Netflix.  Elle témoigne en tout cas du talent de son instigateur en matière de storytelling. Une arme que le fondateur de Netflix a souvent utilisée au cours des 17 années qui ont jalonné la vie de sa société et qu'il brandit encore aujourd'hui lorsqu'il s'agit de faire campagne en faveur de la neutralité du Net (le site pèse pour près de 30% de la bande passante US lors de ses pics d'activité)...

C'est en 1997, donc, que Reed Hastings lance Netflix avec le concours d'un développeur de talent, Marc Randolph. Il vient d'empocher près de 75 millions de dollars grâce à a la revente de sa première société, Pure Software, et positionne alors son nouveau bébé comme un loueur de DVD équipé d'un site sur lequel les utilisateurs peuvent passer commande. Il abandonne très vite le modèle et passe dès 2000 au système de l'abonnement. Moyennant 20 dollars par mois, l'abonné peut alors louer n'importe quel DVD, le reçoit par courrier et le renvoie lorsqu'il le souhaite. Le service passe de 300 000 à 4,2 millions abonnés en l'espace de 5 ans. Entretemps, Netflix a recruté un véritable expert des contenus, Ted Sarandos, débauché chez West Coast Video, s'est introduit en bourse (en 2002) et est enfin devenu rentable. 

Des relaxions compliquées avec les studios US

Très vite, Reed Hastings pressent la nécessité de transformer son service en une plateforme de streaming de vidéos sur abonnement. Problème, il se retrouve confronté à une industrie du cinéma qui commence à subir les ravages du piratage et accueille les sociétés du Web avec circonspection. Il mettra plus d'un an à convaincre son premier partenaire, Starz, de lui confier son catalogue online. L'investissement est énorme, près de trente millions de dollars par an, mais s'avère vite payant. Netflix dépasse les 12 millions d'abonnés fin 2009. Surtout, les studios US prennent conscience de la valeur ajoutée du service qui leur permet de recycler les précédentes saisons de leurs séries phares et recruter de nouveaux fidèles pour leurs épisodes en cours de diffusion sur... Hulu, le concurrent lancé par les principaux networks américains en réponse à Netflix. La frontière entre bonne entente et guerre ouverte reste plus que jamais ténue.

Soucieux de faire de l'ombre aux géants que sont HBO et Showtime, Reed Hastings décide en 2011 qu'il est temps de se lancer dans la production originale. C'est ainsi que verront le jour les deux premières saisons de "House of Cards". Netflix consent à débourser près de 100 millions de dollars pour les financer, sans même avoir vu un pilote. Déjà sûr de la force de sa data, Reed Hastings est en effet persuadé que la série dirigée par David Fincher et portée à l'écran par Kevin Spacey saura trouver sa place dans le cœur des abonnés Netflix. Il porte même l'audace jusqu'à casser les codes habituels de diffusion en proposant l'intégralité de la première saison dès la sortie du premier épisode. Une décision qu'il justifie par la popularité du "binge viewing", cette pratique qui consiste à visionner plusieurs épisodes d'une série à la suite. Et il voit juste, House of Cards devient un carton planétaire et gagne trois Emmy Awards en 2013. Un premier succès qui encouragera Netflix à renouveler l'expérience et à sortir "Orange is the new black" un an plus tard.

Une décision qui entraîne le départ de 800 000 abonnés en quelques semaines

Alors que son parcours est jusque-là cousu de fil blanc, Reed Hastings va commettre sa première grosse erreur fin 2011. Définitivement visionnaire mais sans doute un peu trop pressé, il veut à tout prix mettre de côté l'activité DVD qu'il estime condamnée. C'est ainsi qu'il la sépare de l'offre de streaming online, laquelle doit être portée par une nouvelle entité spécialement créée à cet effet, Qwikster. Une décision brutale qui se traduit par une hausse de 60% du prix combiné des deux services et le dépôt de millier de plaintes par des consommateurs qui se sentent trahis. Ce sont en l'espace de quelques semaines 800 000 abonnés qui décident de quitter le navire. Reed Hasting est contraint de faire marche arrière.

Netflix est aujourd'hui une machine de guerre de 50 millions d'utilisateurs répartis dans 40 pays et un chiffre d'affaires de 4,3 milliards de dollars en 2013. Ses bénéfices ont été multipliés par 5 entre 2012 et 2013, pour atteindre 112 millions de dollars. Le groupe s'est d'abord lancé en dehors de ses frontières au Canada, en 2010, avant l'Amérique Latine l'année suivante. En 2012, l'américain s'installe au Royaume-Uni, qui devient la tête de pont de son expansion en Europe, ainsi qu'en Irlande, en Suède, en Finlande, en Norvège et au Danemark. L'année suivante est plus calme avec l'ouverture de la Hollande. Fort d'une récente levée de 400 millions de dollars, la société s'attaque désormais à 6 nouveaux pays : France, Allemagne, Autriche, Suisse, Belgique, Luxembourg.

A lire également dans notre dossier spécial "Netflix"