Qui de Facebook ou Twitter gagnera la bataille de la Social TV ?

Qui de Facebook ou Twitter gagnera la bataille de la Social TV ? Si Twitter a pris les devants, Facebook vient d'annoncer une série de partenariats qui pourraient permettre au géant des réseaux sociaux d'inverser la tendance.

Longtemps cantonnée à la seule sphère Web, la bataille entre Facebook et Twitter s'est déportée sur le terrain du mobile et de la télévision. Tout un écosystème a vu le jour cette année, avec notamment des applications synchronisées à la diffusion des programmes TV. Dans ce mariage entre le Web et le petit écran s'invite un témoin de taille : les réseaux sociaux, au travers desquels les chaînes alimentent et aiguillent les conversations autour de leurs programmes. Et pour cause, l'étude Social TV réalisée par Médiamétrie avec Mesagraph révélait début octobre qu'un internaute sur 5 avait déjà posté un commentaire en lien avec un programme TV sur un blog, un réseau social ou le site de la chaîne. Même constat aux Etats-Unis où eMarketer estime que de 15 à 17% des téléspectateurs Américains sont engagés en temps réel avec la TV live via les réseaux sociaux.  

Une belle longueur d'avance pour Twitter 

Conscients de ces nouveaux usages, Facebook et Twitter jouent donc des coudes pour capter les réactions des téléspectateurs et les investissements des annonceurs, avec comme principaux enjeux la nécessité pour les uns et les autres de s'entourer de partenaires médias, d'ouvrir leurs données et de calibrer une offre publicitaire sur mesure. A ce petit jeu, le site de micro-blogging a incontestablement une longueur d'avance, lui qui a fait du second-écran l'un des axes forts de sa proposition de valeur. Il s'est imposé comme la mesure d'audience sociale de référence en lançant en partenariat avec "Nielsen Twitter TV rating", une mesure de l'engagement des téléspectateurs pendant la diffusion des programmes TV. Même constat en France, où Mesagraph publie chaque semaine un observatoire de la données du site de micro-blogging. "Aujourd'hui, Twitter est un véritable focus group en temps réel, explique Valéry Gerfaud, directeur général de M6 Web. Pas forcément représentatif de l'avis général, mais intéressant à suivre au moment d'identifier ce qui marche et ce qui peut améliorer la pertinence d'un programme." 

Le site micro-blogging s'est imposé comme la mesure d'audience sociale de référence

Incontournable dans les usages, Twitter a surtout très tôt cherché à attirer les investissements en provenance des chaînes de télévision comme des marques. Fort des rachats de Bluefin Labs et Trendrr, il permet aux annonceurs de cibler les personnes parlant d'une émission de télé qu'ils regardent. Son outil, Amplify, lui permet notamment de proposer à un annonceur de s'associer à un extrait de programme télévisé, édité, puis promu sur Twitter via des tweets sponsorisés. Un format déjà déployé aux Etats-Unis avec une trentaine de médias. En France, seul TF1 est pour le moment partenaire via son émission "Danse avec les stars". A la clé, un partage de revenus entre Twitter et la chaîne partenaire. Preuve de la maturé de la société sur le sujet, Twitter semble déjà sortir du paradigme "second écran" pour transformer le mobile en écran principal. Le réseau social vient en effet de lancer aux Etats-Unis un bouton "See it" qui permet aux abonnés de l'opérateur Comcast de regarder une émission de télévision en live sur leur téléphone. Un bouton que Twitter adosse automatiquement à tous les tweets évoquant l'émission concernée. 

pub
Exemple de publicité déployée sur Twitter via Amplify. © Capture d'écran

 

Et Facebook dans tout ça ?  

"Médias comme annonceurs n'ont pas eu le même engouement car Facebook s'était jusque-là refusé à rendre ses données publiques", avance Sébastien Lefèvre, fondateur de Mesagraph. C'est chose faite depuis quelques semaines avec la mise à disposition des médias partenaires de deux interfaces de programmation (API) qui permettent de diffuser en temps réel les conversations ayant lieu sur le réseau social autour d'un mot-clé (émission, participant, etc...), puis de les analyser et les mesurer pour savoir quels sujets font le plus réagir. Les partenaires gagnent également accès, sur Facebook, aux informations publiques et à des résultats privés agrégés de manière anonyme par sexe, âge ou localisation des utilisateurs. Aux Etats-Unis quatre grands réseaux américains de télévision ABC, NBC, Fox et CBS reçoivent même toutes les semaines un rapport détaillant le nombre d'actions (j'aime, commentaires ou partages) générés sur Facebook autour d'un programme et le nombre d'utilisateurs l'ayant commenté. Autant d'initiatives, certes tardives, qui pourraient laisser penser que Facebook, fort d'une audience de plus de 1,15 milliard d'utilisateurs, risque de déloger rapidement son concurrent. Mais la bataille n'est pas gagnée.

Vie privée et manque de temps réel, les deux lacunes de Facebook

"Facebook est un très bel espace pour construire une communauté sur la durée mais souffre de la comparaison avec Twitter sur le temps-réel", constate Valéry Gerfaud. Car Facebook doit composer avec un aléa majeur : le nombre de discussions qui s'y tiennent restent circonscrites à la sphère privée. Le lancement des "hashtags" sur le réseau social a, à ce titre, quelque peu eu l'effet d'un pétard mouillé. Sans forcément aller jusqu'à prétendre, comme cette étude, qu'ils ont des conséquences néfastes en termes de viralité, on est bien obligé d'admettre qu'ils n'ont pas eu l'effet escompté en matière d'emballement de l'information, celle-ci se propageant essentiellement par cercles d'amis. Un constat que partage cet expert américain qui, se prêtant à une petit expérience lors de la diffusion du programme X-Factor, a noté que la recherche sur le hashtag #xfactor amenait vers du contenu de marque sur Facebook, contrairement à Twitter où les réactions d'utilisateurs prédominaient. Surtout, rejoignant Valéry Gerfaud, il remarquait que Facebook avait vraiment besoin de gagner en vitesse : la page de recherche n'avait presque pas changé en l'espace d'une heure. Et pour cause, les discussions sont souvent d'ordre privé. Ce qui est public n'évolue donc que très lentement.

fb vs twitter
A gauche Facebook, à droite Twitter. © Photomontage JDN

Facebook va, quoi qu'il en soit, avoir besoin d'un peu de temps pour construire son écosystème, quand bien même il a multiplié les partenariats en quelques semaines, avec TF1, Canal +, et France Télévisions plus récemment. "Le simple fait d'ouvrir ses données à tous ne lui sera pas suffisant, avance Sébastien Lefebvre. Même si, dans la mesure où les chaînes de télévision chercheront à amplifier les discussions là où elles se tiennent, elles n'auront pas nécessairement envie de choisir entre les deux." Car c'est peut-être bien de cette manière que se dessinera le futur écosystème de la social TV, avec deux univers non pas concurrents mais complémentaires. Twitter pour le live et l'interactivité TV - second écran, Facebook pour la construction d'une communauté de grande ampleur et l'analyse de data a posteriori. A chacun, ensuite, de faire preuve d'une véritable valeur ajoutée. D'autant que, pour l'instant, les revenus de chacun sur ce créneau restent minimes. Pour cause, les annonceurs désireux de s'associer à un programme télévisé investissent pour l'instant massivement... en TV.