Nortel se protège de ses créanciers

L'entreprise canadienne choisit de se mettre sous la protection du chapitre 11 aux Etats-Unis, et de la loi LACC au Canada. Une faillite qui ne signifierait pas pour autant la fin du groupe.

Nortel Networks, le géant canadien des télécommunications et certaines de ses filiales se sont placés mercredi sous la protection d'une cour américaine du Delaware, en vertu du chapitre 11 du Code des faillites. L'entreprise a fait de même pour ses avoirs basés au Canada, en utilisant la Loi sur les Arrangements avec les Créanciers des Compagnies (LACC).

Ces procédures devraient permettre à Nortel de procéder à une restructuration et rembourser d'ici à la fin de la semaine 107 millions de dollars, soit environ 82 millions d'euros, en intérêts sur sa dette tout en se protégeant de ses créanciers pendant un temps. Nortel possède encore 2,4 milliards de dollars en liquidité, un magot qui lui sera nécessaire pour sa restructuration, et c'est aussi cette somme que la société souhaite protéger. Nortel précise dans un communiqué que certaines de ses filiales vont entreprendre des démarches similaires en Europe.

Dans ce même communiqué, l'entreprise assure que ses activités ne sont pas interrompues et qu'elle continue ses activités commerciales et de support vis-à-vis de ses clients partout dans le monde. "Nortel doit retrouver des assises financières solides une fois pour toutes", a déclaré Mike Zafirovski, président et chef de la direction de Nortel. "Ces mesures sont essentielles pour que Nortel puisse miser sur ses forces et devenir le chef de file du secteur des communications. (...) J'ai confiance dans les mesures annoncées aujourd'hui et je crois qu'elles constituent le moyen le plus rapide et le plus efficace pour que notre efficacité opérationnelle accrue, notre productivité dans les deux chiffres, notre engagement en R-D et notre position de premier plan en technologie se traduisent en succès à long terme ".

Approbation unanime de son conseil d'administration

" Ce n'est pas un dépôt de bilan. Le recours à la protection du Chapitre 11 n'a pas le même sens en aux Etats-Unis qu'en France. Il s'agit de se protéger des créanciers, mais Nortel devrait pouvoir rebondir avec ses bases installées, et assainir la situation " explique Saïd El Ketrani, fondateur et président d'Ilexia, très bon connaisseur de Nortel, et qui y a travaillé pendant plus de 10 ans. " La restructuration va être très importante de mon point de vue, et les deux prochains trimestres vont être terriblement négatifs sur le plan des affaires pour Nortel ".

Cette décision a été prise suite à l'approbation unanime de son conseil d'administration, et après avoir envisagé d'autres scenarii qui n'ont pas été retenus. De nombreuses rumeurs faisaient état depuis quelques temps de la très mauvaise santé financière de l'entreprise. Au troisième trimestre de 2008, Nortel avait enregistré une perte nette de 3,413 milliards de dollars, pour un bénéfice de 27 millions de dollars un an auparavant à la même période. Côté emploi, Nortel avait annoncé la suppression cumulée de 2 500 emplois en 2008. A l'ouverture de la bourse américaine, ce mercredi, l'action a plongé de 0,39 dollars à 0,15 dollars en milieu de journée. L'action valait plus de 120 dollars en 2000.

Nortel avait réussit à sortir de la crise récurrente qui l'avait accablé dès 2001 et suite à une série de scandales en 2004-2005, mais ses dirigeants expliquent que la crise financière mondiale et la récession l'ont fait rechuter, avec pour conséquence sa mise sous protection des autorités judiciaires compétentes sur le Code des faillites.

" Je pense que l'on va s'acheminer vers un démantèlement de Nortel " précise Saïd El Ketrani. " Il y a des unités encore très profitables, et des personnes très compétentes sur le plan technique. Mais c'est la mauvaise gestion de l'entreprise et des choix stratégiques malheureux qui ont amené a ce résultat. Il y a un grand paradoxe. Nortel a cru au 3G avant tout le monde, dès 1998, mais ils ont vendu la partie accès à Alcatel, et n'ont pas récolté les fruits de leur travail sur cette technologie. L'implémentation de lignes de produits n'a pas été faite correctement ".

La faillite de Nortel n'est cependant pas un cas isolé dans le secteur des télécoms. Sans arriver à de telles extrémités, des acteurs tels que le franco-américain Alcatel-Lucent font face à des baisses de commandes, un renforcement de la concurrence, et une érosion des marges. Le titre d'Alcatel-Lucent cédait 2,62% à 1,558 euros deux heures après l'annonce de Nortel. Par ailleurs, d'autres entreprises du secteur telles que Siemens et Avaya sont détenues majoritairement par des fonds de pension, ce qui leur laisse peu de marge d'investissement.