Georges Epinette (DSI, Stime Intermarché) "Nous avons une obligation de disponibilité de 100%"

JDN Solutions. Votre virage vers le Cloud a-t-il été difficile à négocier sur le plan de la gestion du changement, notamment au sein de vos équipes ?

Georges Epinette. J'avais attiré l'attention de tous les collaborateurs sur ce phénomène début 2009. A cette époque, je prévoyais un bouleversement de l'écosystème. Sur ce postulat, deux attitudes étaient possibles : être protectionniste et attentiste, ou mordre dedans. J'ai martelé cette analyse auprès des collaborateurs de la Stime. En 2009, très peu de gens abordaient le sujet par pudeur ou pusillanimité. 


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Georges Epinette a participé à la création d'un groupe de réflexion sur la question du cloud au sein du Cigref. © Cécile Debise / JDN

C'est d'ailleurs suite à cette réflexion que nous avons décidé de mettre en place une commission de réflexion sur la question du cloud au sein du Cigref. Nous avons lancé ce groupe avec Bernard Duverneuil, [ndlr DSI d'Essilor] pour attirer l'attention des membres du club sur les conséquences du cloud et de la virtualisation dans les entreprises. Mon implication au sein du Cigref a également eu pour effet de crédibiliser la démarche en interne. Le message est passé au sein des équipes : "N'ayez pas peur".


Nous avons ainsi pris le temps de préciser notre positionnement et nos attitudes à avoir sur le cloud dès 2009. Si j'ai été assez pointu sur le sujet, l'un de mes adjoints, Hubert Tournier, qui a repris le dossier en mains, est maintenant largement plus compétent que moi ! Tout comme l'est aussi, Jean-Marie Alcaras, le directeur de la production, qui l'a mis en œuvre.


Plus précisément, quelles sont les grandes lignes de votre politique en matière de Cloud ?

Le SaaS venait bousculer les modèles économiques. C'était donc la première problématique sur laquelle il fallait être clair. On commençait en effet à être confronté à des démarches d'éditeurs qui venaient nous proposer des offres en mode SaaS. Ces démarches n'étaient parfois pas très construites, mais surfaient sur la nouveauté. Nous avons dédié une équipe de six personnes pendant 6 mois à temps plein sur des applications basées sur ce nouveau modèle économique. Elles portaient volontairement sur un domaine vital pour nous. Ce chantier m'a fait prendre conscience qu'en terme de business-case, un projet SaaS est incomparable avec un projet "traditionnel". Il a davantage d'affinités avec une projet classique d'externalisation IT en termes de business model.

"Nous essayons de faire tout nous même pour rester indépendant du marché"

Depuis, avez-vous lancé des projets SaaS ?

Je me suis appuyé sur la théorie des coûts de transaction inventée par Ronald Coase et améliorée par Oliver Williamson, pour analyser ce type d'offre en matière de risque, d'incertitude, de réversibilité... Ce qui m'a permis de mettre en évidence que dans certains cas, le SaaS peut être pertinent, mais pas toujours ! Suite à ce travail, nous avons notamment décidé de basculer en mode SaaS la gestion des notes de frais, et la gestion de trésorerie qui est pourtant très sensible pour nous. Mais, cela n'a pas été le cas d'autres domaines applicatifs, tout aussi critiques, mais pour lesquels la réversibilité était plus difficile.

Rappelons que nous sommes un groupement d'indépendants, je dois donc toujours garder en tête la question de savoir jusqu'à quel moment une décision va devenir irréversible, et risque d'aliéner l'indépendance des Mousquetaires. Pour conclure sur cette question, j'essaie de concilier la tranquillité du DSI, la performance, et la capacité de retour en arrière. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous sous-traitons très peu à l'extérieur. Nous essayons de faire tout nous-mêmes, sauf pour les projets que nous ne savons pas mener ou qui ne disposent pas des ressources en interne.


Avez-vous envisagé de basculer la bureautique et la messagerie dans le cloud ?

Nous l'avons envisagée en 2008-2009. Mais, le business case que nous avons réalisé n'était pas probant. Le coût total de possession s'est révélé élevé, notamment en prenant en compte de tous les à-côtés : la sécurité et les coûts de transition notamment. Même si les coûts ont s'en doute baissé depuis, il est difficile de réinstruire un tel dossier sans avoir une nouvelle expression de besoins métier. C'est en effet un travail de plusieurs mois.

Nous avons par ailleurs une obligation de service de 100% de disponibilité. Sur certaines applications, une indisponibilité, ne serait-ce que de quelques minutes, peut être dramatique. C'est le cas du mail. D'où le choix de conserver pour le moment la pleine maitrise de notre bureautique en interne.