Migration de cloud à cloud : trois entreprises témoignent Mediatech, migrer du cloud privé au cloud public sans rupture

Mediatech est éditeur d'un service SaaS dans le secteur de la vidéo. La cible de la start-up porte exclusivement sur les entreprises qui vont venir déposer, enrichir et diffuser leurs vidéos sur sa plateforme cloud. Mediatech opérait une plateforme de cloud privé infogérée par un hébergeur. La plateforme consistait en une vingtaine de machines virtuelles Linux. Ces VM assuraient l'encodage et le stockage des fichiers vidéo, et supportait le backoffice du service et la partie diffusion. Christophe Bernard, co-fondateur et directeur technique de Mediatech  explique : "les entreprises conservent leurs contenus vidéo sur la plateforme environ 1 an, ensuite ils sont archivés. Nous avons donc environ une dizaine de téraoctets de contenus chauds par entreprise. C'est assez faible, or certains de nos clients nous ont demandés de pouvoir intégrer rapidement un grand nombre de contenus afin de les mettre à disposition."

Le directeur technique étudie alors la possibilité d'étendre les capacités de sa plateforme technique en ajoutant des disques. Une stratégie de "scalabilité" verticale pour augmenter la capacité totale qui est finalement repoussée. "Nous avons évalué les coûts de cette approche et nous avons compris que, pour avoir un stockage redondant en haute disponibilité, l'investissement n'était pas négligeable", indique Christophe Bernard. Autre point qui a incité le responsable à envisager la solution du cloud public : la puissance machine nécessaire pour encoder les vidéos. "Nous étions capables d'instancier des machines virtuelles automatiquement, mais nous étions limités par notre cloud privé." Difficile de garantir un SLA sur l'encodage de gros volumes de vidéo sur un nombre plafonné de machines virtuelles, d'autant que l'encodage est un traitement ponctuel et qui nécessite une forte puissance machine pendant un court laps de temps.

Parmi les critères de choix : pouvoir piloter le cloud par API

La solution du Cloud public est ainsi apparue évidente. Christophe Bernard a néanmoins réalisé une étude soigneuse des offres cloud disponibles, notamment avec l'aide du service Cloudscreener. "Nous avons clairement posé nos besoins et les résultats que nous attendions. Nous recherchions à la fois plus de 'scalabilité' sur les volets encodage et stockage, ainsi que la possibilité de payer à l'usage", commente Christophe Bernard. L'option du cloud privé a été rapidement écartée, et Christophe Bernard a étudié à la fois une approche mono-fournisseur cloud et multi-fournisseurs. Le coût était un critère important pour la start-up,  mais aussi la possibilité de piloter la plateforme cloud par des API, via du code - notamment pour pouvoir "scaler" horizontalement la plateforme.

Le cloud de Google et Amazon Web Services retenus pour le projet

Une première sélection de fournisseurs a été réalisée avec l'outil en ligne Cloudscreener, puis le directeur technique a poussé plus avant son évaluation (en analysant les offres SFR Business Team, Google, Cloudwatt et Alterway). Aux côtés des capacités théoriques des fournisseurs, le responsable a évalué la présence d'un portail de services et d'API de pilotage de la plateforme afin de pouvoir être autonome et piloter la plateforme par logiciel. Un pilote avait déjà été mené sur Amazon Web Services. A l'issue de l'étude, le cloud de Google est retenu pour la plateforme d'encodage, et Amazon Web Services pour l'archivage des fichiers via S3. Les tests réalisés ont notamment mis en évidence que les machines Google étaient un peu plus performantes que celles d'Amazon en Irlande - mais c'était avant qu'Amazon Web Services n'ouvre un data center à Frankfort. En outre, la facturation à la minute de Google (au-delà de 10 minutes), et non pas à l'heure commencée, présentait un gros avantage pour Mediatech dont les encodages dépassent rarement 1 heure.

Ne pas changer de version de Linux pour limiter les effets de bord

Pour limiter les risques d'incompatibilité logicielle, le responsable a préféré ne pas avoir à mener d'évolution sur l'OS Linux, cherchant à retrouver exactement la même version de Linux dans le cloud public que sur son cloud privé. "Nous avions déjà un petit travail de développement à mener sur le volet pilotage de la 'scalabilité' sur les API, donc nous avons voulu limiter au maximum les risques d'incompatibilité des logiciels sur les VM", argue Christophe Bernard.

Dès que le choix du prestataire a été acté, les transferts de données ont commencé. "Les transferts sont un point sur lequel il faut être très vigilant, notamment sur le volet des coûts d'entrées/sorties. Si, par exemple, Netflix voulait quitter Amazon, je pense que leurs coûts de transfert de données sortantes correspondraient à leur chiffre d'affaires sur une année ! Il y a un phénomène d'enfermement qui n'est pas technique, mais financier", analyse le directeur technique. Un point dont il faut tenir compte dans l'équation économique du cloud si on souhaite garder sa liberté de choix.

La migration de la plateforme Mediatech a été menée en novembre 2014. 24 heures avant le jour de la bascule, Christophe Bernard avait demandé aux clients du service de ne plus poster de nouveaux fichiers afin que le transfert puisse s'achever avant d'opérer la bascule lors du week-end suivant. "Il n'y a pas eu de rupture de service et le routage des requêtes de notre ancienne plateforme vers la nouvelle n'a pas pris plus de 5 minutes", prècise-t-on chez Mediatech. Si le directeur technique déclare ne pas avoir eu de mauvaise surprise à l'occasion de cette bascule, il reconnait s'être heurté à un imprévu lors des phases de test. Alors que les tests battaient leur plein, le data center de Google a soudainement refusé toute nouvelle instanciation de machine virtuelle... tout simplement parce qu'il était complet !  Un message d'erreur qui a été intégré aux algorithmes de provisioning de Mediatech et qui a permis de ne pas avoir à faire face à une telle situation en production. "La seule chose que nous avons faite évoluer depuis le moment de la bascule, c'est la puissance des VM. Nous nous sommes rendu compte qu'il était intéressant pour nous de prendre des machines plus puissantes que celles dont nous disposions en cloud privé. Cela nous a permis de diminuer les temps d'encodage, offrir ainsi un meilleur service à nos clients, mais aussi abaisser le coût de location des VM pour nous", conclut Christophe Bernard.