Cloud souverain : Numergy est-il crédible ?

Cloud souverain : Numergy est-il crédible ? Disponible depuis près d'un an, l'offre de cloud souverain Numergy est passée récemment à la vente directe. Si son prix et certaines performances restent perfectibles, ses ambitions à l'international semblent réelles.

Article mis à jour le 16 juillet 2013

Alors que l'on attend toujours la disponibilité de l'offre IaaS de puissance informatique à la demande de Cloudwatt - tout comme la sortie de la beta de son offre de stockage cloud -, les offres de Numergy, elles, sont là depuis près d'un an. Il faut dire que ce cloud souverain est parti avec un coup d'avance, ce dernier ayant pu être lancé en production dès le 1er septembre 2012 en faisant reposer ses infrastructures techniques sur celles de SFR, son actionnaire à 47% aux côtés de Bull (20%) et de la Caisse des dépôts (33%).  

philippe tavernier
Philippe Tavernier  est PDG de Numergy. Il a notamment été PDG de Sogeti France, et directeur général adjoint de Capgemini France. © Numergy

Mais que vaut Numergy face aux autres offres de cloud internationales (Windows Azure, Google Cloud Compute, Amazon EC2/S3...) ou bien hexagonales (Ikoula, Gandi, OVH...) ? Si ce cloud souverain dispose d'indéniables qualités, certaines faiblesses pourraient cependant bien lui jouer des tours.

"Numergy propose des instances packagées pouvant satisfaire des besoins variés et une gamme d'options et de services assez large dont plusieurs SLA en option, du trafic sortant gratuit, une garantie de bande passante et la réversibilité des données", fait savoir Anthony Sollinger, co-fondateur du comparateur de clouds CloudScreener. Pour autant, plusieurs limites sont à déplorer.

Une ouverture vers la vente directe limitée

"Quelques options manquent toutefois encore à l'appel, notamment la gestion automatisée de la capacité, c'est-à-dire l'autoscaling. Et il y a également une limite assez forte concernant le mode d'achat en ligne : seuls les environnements légers peuvent être achetés directement en ligne. Au-delà de cinq machines virtuelles, il faut passer par un revendeur sachant que cette limite n'est présente chez aucun autre fournisseur", précise Anthony Sollinger.

Si l'un des principaux freins de Numergy (à savoir : le passage obligé par la case vente indirecte), a donc récemment été levé, ce n'est pas le cas d'autres aspects plus bloquants pour les entreprises.

Numergy ne dispose pas (encore) d'un support multi-hyperviseurs et se limite pour l'heure à VMware. Une solution certes aussi robuste que répandue mais que Numergy pourrait bien traîner comme un fil à la patte. "Pour un opérateur qui veut grandir, rester sur une technologie d'hyperviseur VMware va finir par lui revenir cher sur le long terme. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant qu'il commence à se tourner vers des technologies open source pour maîtriser totalement son infrastructure et baisser ses coûts de manière efficace", analyse Guillaume Plouin, responsable Prospective chez Octo Technology.

"Numergy devrait se tourner vers l'open source pour réduire ses coûts" (Guillaume Plouin - Octo Technologies)

Des coûts pour le moment élevés qui se traduisent justement dans un positionnement prix, également bien plus élevé que d'autres acteurs. Comparé à Windows Azure, Numergy est en effet 51% plus cher sur le prix d'une instance "Type M" Linux, et 39% plus cher qu'AWS (cf. notre classement des clouds et notre service permettant de comparer la performance des clouds sur les dernières 24h). Et dans le cadre d'un scénario d'hébergement d'application métier pour 750 à 1 000 utilisateurs et un taux de disponibilité de 99,9%, ce n'est guère mieux. Le tarif proposé par Numergy est 50% plus cher que celui de Windows Azure, et 36% plus cher par rapport à AWS.

La messe est cependant loin d'être dite pour Numergy. Son virage vers l'open source, et en particulier vers OpenStack, devrait tout d'abord lui permettre d'alléger la facture. De même, face aux autres offres de cloud français en place, et en attendant l'arrivée "officielle" de Cloudwatt, Numergy pourrait bien attirer des entreprises encore sceptiques vis-à-vis du cloud.

"Il manque encore clairement des retours d'expérience du côté des acteurs français comme Ikoula, Gandi ou OVH en matière de cloud public. S'ils proposent des offres de qualité, je n'ai pas l'impression qu'ils soient en mesure de rassurer suffisamment les entreprises sur leur stabilité financière comme peuvent le faire Numergy ou Cloudwatt", indique Guillaume Plouin. 

L'accord avec Belgacom, un premier pas vers l'international

Une situation qui a eu de quoi faire grincer des dents les fournisseurs historiques du cloud en France qui ont accueilli très fraîchement la nouvelle des subventions étatiques dans les deux clouds souverains Numergy et Cloudwatt (à hauteur de 75 millions d'euros au total).

Ayant fait de la sécurité et de la localisation des données en France un étendard, dans un contexte de protection des données devenu encore plus explosif depuis les révélations autour de l'affaire Prism, Numergy aura cependant fort à faire pour convaincre les entreprises françaises menant des projets tournés vers l'international.

Et à l'heure où les premières places de marché d'échange de ressources IaaS émergent, Numergy a-t-il les reins assez solides pour exister en dehors du territoire ? Ses dirigeants veulent y croire et n'ont d'ailleurs pas manqué d'enclencher des partenariats à l'échelle européenne, le premier étant avec Belgacom. Une stratégie d'internationalisation à laquelle Numergy ne peut en réalité pas échapper.  

"L'offre franco-française de Numergy ne répond que partiellement aux entreprises ayant des problématiques internationales tel qu'un site web mondial ou une application métier d'une multinationale. Pour se différencier et s'imposer en Europe, Numergy devra certainement tisser des accords locaux pour construire une réponse multi-locale, basée sur des infrastructures et des équipes au plus près des enjeux des entreprises. Au niveau mondial, il sera difficile de rivaliser avec les acteurs existants et leurs datacenters sur chaque continent, et Numergy devra trouver des partenaires d'envergure pour apporter une réponse globale", conclut Anthony Sollinger.