Comparatif : avec le Covid-19, Microsoft Teams change de visage face à Slack

Comparatif : avec le Covid-19, Microsoft Teams change de visage face à Slack Avec l'intégration de Skype, l'application de team messaging de Microsoft s'est illustrée avant tout dans la gestion des meetings à distance. A la différence de son concurrent plus que jamais star du ChatOps.

La guerre fait rage entre les deux ténors de la messagerie d'équipe Microsoft Teams et Slack. Dans le sillage de l'épidémie de Covid-19, les télétravailleurs en confinement se sont rués sur les deux offres collaboratives. Et à ce jeu-là, Teams sort gagnant. Du moins si l'on s'en tient aux chiffres. Au cours de la dernière semaine d'avril, l'application de Microsoft enregistre 75 millions d'utilisateurs actifs quotidiens, contre 44 millions six semaines auparavant. Quant à Slack, il avait indiqué en octobre 2019 avoir atteint les 12 millions d'utilisateurs actifs quotidiens. Si elle n'a pas recommuniqué depuis sur cet indicateur, la pépite de San Francisco a annoncé avoir franchi le cap des 10 millions d'utilisateurs connectés simultanément à sa plateforme le 10 mars, puis celui des 12,5 millions le 25 mars. Conclusion : là où le nombre d'utilisateurs actifs de Teams a littéralement explosé, le confinement s'est plutôt traduit par une intensification du recours à Slack par ses clients existants.

"Avec le travail déporté, les organisations qui disposaient de Teams via leur abonnement à Office 365 se sont massivement tournées vers l'application pour leurs meetings en viso"

Mais derrière ces chiffres se cache une différence profonde d'usage entre les deux offres. Alors que Slack demeure avant tout prisé pour sa messagerie collaborative, Teams est désormais moins considéré comme un ChatOps que comme un outil de visioconférence. Depuis l'intégration de Skype for Business à l'application de Microsoft fin 2018, cette dimension tend à primer sur le reste, du moins aux yeux des clients. La tendance a éclaté au grand jour avec le coronavirus. "Avec le confinement et la montée en puissance du travail déporté et distribué, les organisations qui disposaient de Teams via leur abonnement à Office 365 se sont massivement tournées vers lui pour leurs meetings en visio", assure Arnaud Rayrole, directeur général de Lecko, un cabinet de conseil français spécialisé dans la digital workplace. En ligne avec cette analyse, Microsoft affirme avoir enregistré en avril un pic de plus de 200 millions de participants à des réunions virtuelles organisées via Teams sur une seule journée. Un pic qui a généré à lui-seul plus de 4,1 milliards de minutes de meetings.

Slack propose certes des possibilités de visioconférence, mais elles sont pour le moins minimalistes et restent cantonnées aux utilisateurs d'un même compte. Les appels vidéo sont disponibles dès la version gratuite de l'outil. Quant aux meetings, ils sont limités à 15 participants, et réservés aux clients des offres payantes de Slack. Pour aller plus loin, l'éditeur renvoie aux solutions de web conférence présentes sur sa plateforme, parmi lesquelles figurent BlueJeans, Cisco Webex ou Zoom. Conscient du recours croissant à Teams sur ce segment, Slack n'a pas attendu Microsoft pour lancer une passerelle vers la solution de son concurrent : baptisée Microsoft Teams Call, cette extension, encore en bêta, permet de lancer ou rejoindre un meeting Teams depuis Slack.

"Slack reste la référence du ChaOps, et son principal point fort la richesse de son catalogue d'applications"

"Slack reste la référence du ChaOps, et son principal point fort demeure la richesse de son catalogue d'applications", résume Thomas Poinsot, consultant chez Spectrum Group, un autre cabinet de conseil français expert de la digital workplace. Slack pousse à l'extrême l'exercice de la messagerie de productivité. A l'instar de Teams, sa plateforme permet évidemment de structurer les conversations, par thématique, par projet, en donnant la possibilité de les partager si besoin avec un client ou un partenaire externe. Mais elle ne s'arrête pas là. Sous le capot, une IA classe les canaux par niveaux de priorité, en fonction des thématiques de prédilection de l'utilisateur et de son historique relationnel. En parallèle, les channels peuvent être organisés dynamiquement, par glisser-déposer, au sein d'un menu personnalisable, au même titre d'ailleurs que les flux d'alertes, les fils de commentaires ou les applications.

Côté passerelles logicielles, Slack affiche plus de 2 000 applications au compteur. Au programme :  suites de productivité (avec Office 365, G Suite, Zoho...), logiciels métier (avec Concur, Salesforce, SAP, ServiceNow, Workday...), gestion de projet (Asana, Trello...), outils de développement (GitHub, GitLab...). Depuis son lancement en 2014, Slack est ainsi parvenu à s'imposer comme un point de passage obligé pour les éditeurs d'applications SaaS. Face à cette offre pléthorique, Teams se limite à quelque 250 applications tierces. Certes, Microsoft a lancé sa messagerie collaborative trois ans après Slack, en mars 2017. Mais ce retard n'explique pas tout. Force est de constater que la sauce n'a pas pris. Pour mieux enfoncer le clou, Slack revendique de son côté plus de 500 000 extensions applicatives conçues en propre par ses clients.

"Microsoft intègre néanmoins les applications de collaboration les plus populaires, comme Evernote, Confluent ou Jira", pondère Thomas Poinsot. Teams embarque également des outils qui ne sont pas présents chez Slack. "C'est le cas par exemple d'environnements de digital visual management comme klaxoon, Miro ou iObeya qui permettent de partager et interagir autour d'un tableau numérique de gestion de projet", ajoute Thomas Poinsot. "En intégrant le management visuel, Teams fournit un cadre pour faire évoluer en douceur les utilisateurs d'un usage centré sur la réunion en visio vers des pratiques collaboratives plus évoluées."

Slack intègre le workflow à la messagerie

Autre point fort de Slack comparé à Teams :  via son Block Kit Builder, il permet de déporter des workflows applicatifs complets au cœur des conversations. "Il peut s'agir de gérer des tâches dans Trello, de piloter et mettre à jour des opportunités commerciales dans Salesforce, ou encore de dérouler des processus documentaires, créer des webinar... Le tout directement orchestré au sein d'un canal Slack", éclaire Arnault Rayrole.

Du côté de Teams, l'intégration d'applications tierces passe historiquement par des onglets ouvrant accès à leurs interfaces graphiques en parallèle des canaux de discussion. "A un onglet correspond une application. L'approche a le mérite d'être claire et facile d'accès, estime Thomas Poinsot. Slack est mécaniquement plus difficile à prendre en main, la configuration et l'appréhension d'un workflow par chat étant plus complexes à appréhender." En réponse à ces critiques, Slack a décidé fin 2019 d'introduire lui-aussi un dispositif d'intégration par onglets, baptisé App Home.

"Teams devient un hub d'accès aux produits Microsoft"

L'orchestration de workflows dans les canaux Teams n'en reste pas moins possible. Mais elle nécessite de recourir à Power Automate qui n'est disponible qu'à partir des forfaits E3 et E5 de Microsoft 365 (ex-Office 365), soit les abonnements plus hauts de gamme de la suite. "Le potentiel de Power Automate est encore bien loin de ce que propose IFTTT ou Zapier", observe Arnaud Rayrole. Quant aux briques Office, certaines bénéficient d'intégrations aux conversations Teams, mais elles sont assez légères. "Par exemple si une tâche est assignée dans Planer (l'application de gestion de projets d'Office 365, ndlr), elle pourra générer une alerte dans un canal Teams, mais sans donner la possibilité d'y répondre directement", pointe Bastien Le Lann, directeur associé au cabinet Lecko.

Pour l'heure, Microsoft semble miser avant tout sur les onglets pour équiper Teams de passerelles vers des briques extérieures. Les onglets sont là aussi pour accueillir les logiciels de la suite Office. Au premier rang desquels Word, Excel, PowerPoint, OneNote, SharePoint, et plus récemment Yammer. "Teams devient un hub d'accès aux produits Microsoft", reconnait Bastien Le Lann. Manque à l'appel une application Office, et pas des moindres : Outlook. "L'intégration de la messagerie accompagnée de son gestionnaire de contacts et son calendrier contribuerait à dédoublonner l'information au sein d'Office 365", regrette le consultant, avant de préciser : "Dans Slack, les canaux intègrent nativement les échanges par mail au sein des conversations. Ce n'est pas encore le cas dans Teams."

Teams doit répondre à ses clients

Face à ses grands clients historiques en quête de hiérarchisation et de cloisonnement des informations et applications, Microsoft est tenté de complexifier le paramétrage de Teams en termes de politique d'accès. "Teams permet de bénéficier d'une vue SharePoint. Et c'est une excellente chose. Mais, de fait, il est difficile de répliquer dans Teams les droits d'accès aux fichiers gérer par le portail", souligne-t-on chez Lecko. "De même, il est désormais possible de créer des canaux privés dans Teams. Mais quid des nouveaux utilisateurs y accédant, auront-ils l'autorisation de consulter l'historique des échanges ? Ce ne sont que deux exemples. Pour bénéficier de toute la valeur de Teams, il est nécessaire de se poser beaucoup de questions." L'approche aura le mérite d'être structurante. A contrario de Slack qui est beaucoup plus souple (et agile), mais au prix d'une approche nettement moins cadrée.

"Au final, Slack se révèle une solution intéressante localement pour améliorer, optimiser la productivité d'une équipe indépendante sur la manière de gérer ses projets et activités, là où Teams et la suite Office 365 demeureront meilleurs comme digital workplace commune à toute l'entreprise", conclut Arnaud Rayrole.