François Ajenstat (Tableau) "Tableau Public offre 4 millions de dataviz créées par 2 millions d'utilisateurs"

La plateforme de data visualisation est une des applications phare de Salesforce. Son chief product officer revient sur ses dernières évolutions et sa feuille de route pour les mois à venir.

François Ajenstat est chief product officer de Tableau Software. © Salesforce

JDN. Salesforce a acquis Tableau mi-2019. Comment l'application s'intègre-t-elle à son offre ?

François Ajenstat. D'abord, nous fournissons des connexions vers les données stockées dans Sales Cloud et Service Cloud (respectivement les applications de gestion des ventes et de service client de Salesforce, ndlr). Nous avons accru le nombre de ces passerelles. Tableau peut désormais recourir aux APIs de MuleSoft, ce qui lui donne accès aux données de centaines d'applications tierces. Mais aussi se connecter à la customer data platform du groupe. Nous venons d'ajouter à cela le support de Commerce Cloud et Marketing Cloud. Tableau peut ainsi intégrer l'ensemble des informations de la plateforme Salesforce 360.

Ensuite, Tableau fournit des accélérateurs de tableaux de bord. Accessibles par le biais de la place de marché Tableau Exchange (un nom qui fait référence à App Exchange, l'app store historique de Salesforce, ndlr), ils prennent la forme de modèles de visualisation préconstruits qui recouvrent un très grand nombre de cas d'usage et de secteurs. Ils sont basés sur les applications Salesforce, mais pas uniquement. Dans le cas de templates Salesforce, ils permettent par exemple d'obtenir en un clic des dashboard sur votre pipeline de ventes, sur les opportunités par localisation ou secteur, ou encore sur la performance de vos comptes, etc. Enfin, il est également possible d'accéder à Tableau dans Salesforce par le biais d'une intégration native.

Vous proposez désormais des fonctionnalités issues de Salesforce dans Tableau...

Lors de notre événement mondial mi-novembre, nous avons en effet complété l'édifice avec les Actions Tableau. Ces clic-to-action permettent à l'utilisateur de Tableau d'activer des fonctionnalités ou des workflows Salesforce depuis ses tableaux de bord en réponse à un indicateur ou plusieurs indicateurs.

Comment Tableau s'intègre-t-il à Slack dont Salesforce a finalisé l'acquisition en juillet 2021 ?

L'intégration de Tableau à Slack est très récente. Elle permet d'abord (via la brique Slack-First Analytics, ndlr) de rendre l'utilisateur plus proactif vis-à-vis des données, de l'informer par le biais d'alertes de l'évolution de ses métriques clés et des insights importants qui pourraient impliquer une action de sa part. Ensuite, il a désormais la possibilité de parler à ses données depuis un canal Slack (via un bot baptisé Ask Data, ndlr). Il pose des questions en langage naturel et obtient des réponses sous forme de visualisations de données générées automatiquement.

C'est un changement de paradigme. Historiquement, il fallait aller chercher la donnée, et ouvrir un tableau de bord dans une application dédiée. Aujourd'hui, c'est la donnée qui vient à vous dans le flux de travail.

Tableau va-t-il rester un produit indépendant ?

Absolument. La donnée est partout. C'est par conséquent important pour nous de proposer un produit autonome et flexible. Les clients doivent pouvoir utiliser Tableau avec des plateformes de données où qu'elles se trouvent et quelle que soit la technologie sous-jacente. Tout ce que nous avons réalisé depuis l'acquisition de Tableau par Salesforce démontre que nous ne sommes pas limités à Salesforce, nous nous élargissons et allons bien au-delà. Nous souhaitons être une excellente solution pour Salesforce, mais aussi pour les autres technologies.

Quelle est la taille de la communauté des utilisateurs de Tableau ?

L'une des tendances fortes de Tableau au fil des années est la croissance de sa communauté. Cette montée en puissance ne s'est pas arrêtée avec l'acquisition de Tableau par Salesforce. Loin s'en faut. Tableau Public, la version gratuite de notre offre qui a été lancée en 2010, offre désormais 4 millions de dataviz créées par 2 millions d'utilisateurs. Sur 2021, ce programme a donné lieu à la création de 100 000 groupes d'utilisateurs, un record depuis sa sortie.

"Le machine learning est mis en œuvre en tâches de fond pour rendre l'application plus intelligente"

Des dizaines de milliers de structures issues de presque tous les pays du monde recourent à Tableau, depuis des PME jusqu'à des groupes du Fortune 500 en passant par des agences gouvernementales, des universités et des instituts de recherche ou encore des organisations non-gouvernementales. Côté écosystème, nous comptons plus de 1 200 membres au sein de notre Tableau Partner Network, et plus de 250 partenaires technologiques parmi lesquels DataRobot, Amazon Web Services, Google Cloud, Informatica et Snowflake.

Quel est le positionnement de Tableau dans le machine learning ?

Dans Tableau, le machine learning est mis en œuvre en tâche de fond pour rendre l'application plus intelligente. Il permet d'abord de recommander des données et indicateurs à l'utilisateur en fonction de ses besoins. Cette fonctionnalité est prise en charge par Einstein, l'IA de Salesforce, qui a été intégrée à Tableau. Ensuite, des modèles de machine learning génèrent des explications automatisées pour expliciter le contenu des tableaux de bord. Pourquoi les ventes dans une région du monde sont-elles en chute ? L'objectif est de répondre à ce type de question. Enfin, l'IA sert de base à un environnement de business science. Il s'agit de créer une expérience de data science pour les utilisateurs business moyens, par opposition à une solution ciblant les spécialistes et les programmeurs.

En plus de ces possibilités, nous venons d'annoncer la sortie de Model Builder qui permettra aux équipes business de recourir à l'auto ML pour créer des modèles de prédiction. A cette brique s'ajoute Scenario Planning. Adossé également à Einstein, il permet de simuler le résultat de différents scénarios. Par exemple si j'augmente les forces de vente sur telle ou telle zone géographique, il prédira l'impact sur le chiffre d'affaires.

Avec cette approche, Tableau semble se rapprocher d'un outil comme Alteryx ?

Comparé à Alteryx, qui s'adresse plutôt à des data analyst, l'objectif de Tableau est de démocratiser l'IA plus largement en se mettant à la portée des utilisateurs métier lambda comme évoqué précédemment. D'ailleurs, nous ne considérons pas Alteryx comme un concurrent, mais comme une brique complémentaire. C'est l'une des solutions partenaires que nous intégrons.

Quid des clients français de Salesforce qui utilisent aussi Tableau ?

Il y en a beaucoup. En France, Engie est un cas intéressant. Cette entreprise a déployé Salesforce au niveau mondial pour optimiser son service et son engagement client. En parallèle, elle recourt à Tableau pour analyser les niveaux de consommation, notamment en termes d'énergies renouvelables. Elle exploite Tableau via Salesforce pour communiquer avec ses clients sur ses indicateurs en matière d'objectifs d'environnement durable. Cet exemple montre que Tableau n'est pas seulement utilisé pour optimiser les opérations et le service client. C'est aussi un outil pour monétiser la donnée en vue de proposer un service différencié. (Autres groupes français ayant opté à la fois pour les applications historiques de Salesforce et pour Tableau : Accor Luxury et Kiloutou, ndlr).

François Ajenstat est chief product officer (CPO) de Tableau Software. Après dix ans chez Microsoft où il a notamment été directeur produit SQL Server, il rejoint Tableau en 2010. D'abord directeur sénior puis vice-président du management produit, il est nommé CPO en 2016. François Ajenstat est diplôme d'un Bachelors of Science en computer science à l'université d'Ottawa.