Les acteurs IT résistent encore à la crise financière

2008 restera une année de croissance des dépenses informatiques. La prudence et l'attentisme dans les projets sont néanmoins attendus pour 2009. Les PME innovantes souffrent, elles, déjà de la crise.

Les marchés financiers ont cru un temps avoir laissé derrière eux le pire de la crise. Celle-ci les a rattrapés dès le 15 septembre avec la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers, puis de l'assureur AIG. Merrill Lynch, qui a perdu 52 milliards de dollars depuis le début de la crise des subprimes, a été racheté par Bank of America.

Le secteur financier tente donc progressivement d'assainir sa situation dans un contexte marqué par le ralentissement économique. Du fait de l'inquiétude des investisseurs, les places boursières, à la baisse depuis le début de l'année, se sont effondrées en l'espace d'une semaine. Mais les valeurs de la banque, de l'assurance et de l'immobilier ne sont pas les seules à pâtir de cette forte volatilité boursière.

Les acteurs de l'IT voient également leurs titres frapper d'hémorragie, sans corrélation avec la qualité de leurs résultats. Ainsi Microsoft a perdu près de 30% de sa valeur en bourse depuis janvier 2008 et Oracle 17%. Même Google, le prodige des marchés, abandonne 36,98%. IBM en revanche gagne plus de 6% depuis janvier (mais perd 6,07% sur le dernier mois).

Le secteur informatique souffre donc en 2008 de la crise de confiance des marchés. La tendance est toutefois générale pour l'ensemble des secteurs de l'économie. Mais pour l'année, la demande de solutions et de services est demeurée à un niveau élevé, nettement supérieur à celui de la croissance économique, notamment en France.  

Les banques amenées à suspendre les projets IT non prioritaires

"D'après les données dont nous disposons, nous constatons que le premier semestre 2008 s'avère très bon, dans la lignée de ce que nous avions pu voir en 2007. L'activité commerciale - aussi bien dans les facturations que dans les prises de commande - est orientée à la hausse. Le deuxième semestre du marché des logiciels et services ne sera peut-être pas aussi dynamique que le premier, mais de bien peu", estime Frederic Giron, directeur des études au sein du cabinet PAC.

Forrester Research dresse des prévisions assez similaires, après avoir pourtant en mai prévu un ralentissement. En 2008-2009, le cabinet table ainsi sur une croissance de 5,4% par rapport à 2007, contre 3,4% pour sa précédente estimation. Le marché des serveurs en est une illustration, avec une croissance de 6,4% au 2e trimestre (chiffres IDC). Les ventes de PC en France, en un an, progressent quant à elles de 24%.

La prudence est cependant de rigueur pour 2009. Forrester préfère en effet revoir à la baisse ses prévisions, ramenant la croissance de 9,4% à 6,1%. Les coups durs endurés par la banque-finance devraient peser sur les dépenses IT de ce secteur, qui représente près du tiers de l'ensemble des dépenses. Editeurs et prestataires de services pourraient donc voir leurs recettes réalisées auprès de ce marché reculer.

Le cabinet d'études américain Financial Insight juge ainsi que Merryl Linch devrait réduire ses dépenses informatiques de 6%. "Le secteur financier est naturellement marqué par des hésitations qui se caractérisent par un allongement du cycle de vente. Les acteurs de la finance procèdent à des priorisations. Les grands programmes de refonte doivent quoi qu'il en soit arriver à leur terme. D'autres, moins prioritaires, seront vraisemblablement ajournés. Toutefois le questionnement sur les budgets dans la finance pourrait être compensé par le dynamisme d'autres secteurs, comme le transport et l'énergie", conjecture Frederic Giron.

43% des PME innovantes subissent les effets de la crise

Pour 2009, la tendance est néanmoins à la circonspection, qui pourrait se traduire par un certain attentisme sur les dépenses IT. Le ralentissement économique, et les incertitudes qu'il engendre, encourage en effet à la prudence. Un nouveau bouleversement dû à la crise des subprimes n'est pas non plus à écarter. En ce qui concerne les PME, les effets de la crise financière semblent bien être déjà nettement perceptibles.

C'est en tout cas ce qui ressort d'un sondage réalisé par le Comité Richelieu auprès de 468 PME. Plus de 40 % de ces PME innovantes françaises déclarent en subir déjà les effets. "Parmi les réponses reçues, beaucoup de commentaires expliquent que les banques ne répondent plus aux demandes de prêts, notamment pour les investissements immobiliers. A court terme, cela fragilisera plus encore les PME", constate Emmanuel Leprince, délégué général du Comité Richelieu.

La défiance des banques à l'égard des PME innovantes n'est cependant pas que conjoncturelle. Les établissements financiers peinent toujours à appréhender les business models de ces entreprises. Leurs grilles d'évaluation ne sont pas toujours non plus adaptées à ces PME qui peuvent donc paraître aux banques risquées. Essuyant déjà de lourdes pertes du fait des subprimes, celles-ci se montrent plus frileuses encore.

La récente décision du Conseil des ministres des Finances de l'UE devrait répondre en partie aux difficultés rencontrées par les PME innovantes en matière de crédit. Celui-ci a en effet demandé à la BEI (Banque européenne d'investissement) de consacrer 15 milliards d'euros aux prêts bancaires aux PME, à des taux avantageux. La mise à disposition des fonds étant assurée par l'intermédiaire des établissements bancaires, encore faut-il que ces derniers jouent effectivement le jeu, et en toute transparence.