L'emploi informatique frappé par la crise aux Etats-Unis et en Europe

En novembre, 34 000 postes ont été supprimés dans l'informatique aux Etats-Unis. L'Europe n'est pas épargnée. En France, les observateurs se veulent prudents, certains affichant un discours à contre-courant.

Cités fréquemment comme la nation du plein emploi, les Etats-Unis sont à présent en première ligne face à la crise. Confrontées au ralentissement économique, les entreprises du pays réduisent drastiquement leurs coûts, notamment par le biais de suppressions d'emplois. Le taux de chômage a ainsi atteint sont plus haut depuis les 15 dernières années, à 6,7%. Les analystes s'accordent à dire que cette hausse devrait se poursuivre.

En novembre, l'économie américaine a perdu 533 000 emplois. 403 000 et 230 000 emplois ont été supprimés en octobre et septembre. Le secteur informatique n'échappe pas non plus à la tendance. La NACCB, National association of computer consultant businesses, évalue la suppression de postes dans l'informatique en novembre à 0,87% de la masse salariale, soit 34 000.

Comme le Syntec en France, tout en soulignant un ralentissement de la croissance, l'association se veut confiante et estime à 2,1% la progression de l'emploi dans le secteur par rapport à 2007. Un constat qui peut paraître paradoxal tant les annonces de licenciements se sont multipliées ces dernières semaines, y compris parmi les géants du secteur informatique, et pas seulement parmi les personnels IT des entreprises, dont les banques.

Sun, BT, Alcatel-Lucent, Infineon licencient déjà en Europe

Il est vrai toutefois que nombre de ces suppressions de postes s'échelonneront sur les prochains mois et n'ont donc pas été pris en compte sur la période du mois de novembre. Sony a notamment fait savoir qu'il se séparerait de 16 000 collaborateurs, AT&T de 12 000, Adobe de 600 et Yahoo de  1 500. Quant à Sun, déjà à la peine en début d'année, il a revu à la hausse l'ampleur des licenciements, désormais de l'ordre de 5 000 à 6 000.

Et ces restructurations n'affectent pas uniquement les Etats-Unis. Sun encore va ainsi fermer son usine écossaise de Linlithgow, licenciant ainsi 130 salariés, soit 15 à 17% de ses effectifs dans le pays d'ici juin 2009. Chez nos voisins allemands, la situation n'est guère plus enviable. L'industrie des semiconducteurs souffre particulièrement de la crise.

Qimonda, déjà en situation de faiblesse avant la crise, avait licencié 600 salariés en mai. Sa maison mère, Infineon, supprimait ensuite 3 000 postes en juillet, soit 10% de ses effectifs. Et la situation de l'entreprise allemande pourrait encore s'aggraver, ses pertes ne cessant de se creuser : 763 millions d'euros pour le seul quatrième trimestre. Sur le même secteur, Intel dément pour le moment toute volonté de réduire sa masse salariale. Certains analystes évoquaient le chiffre de 7 000 suppressions.

Les opérateurs souffrent eux aussi du climat actuel, même si pour certains les difficultés étaient déclarées bien avant la crise. Celle-ci joue alors le rôle d'accélérateur en fragilisant plus encore les entreprises. Alcatel-Lucent en est un exemple. Le français n'en finit plus de se restructurer. L'équipementier a annoncé le 12 décembre la suppression de 1000 postes de managers. Le nombre de sous-traitants sera en outre réduit de 5000.

Le ralentissement des dépenses IT fait pression sur les prix et incite à l'offshore

Deutsche Telekom souffre aussi : 32 000 suppressions d'emplois annoncées au printemps, puis 2000 supplémentaires en août et 30 centres d'appels fermés d'ici 2011. L'anglais British Telecom n'est guère mieux loti. En novembre, suite à la publication de ses résultats trimestriels, l'opérateur s'apprête à licencier 10 000 employés.

En France, à l'image du président Sarkozy qui clame tenir la crise au-delà d'une Ligne Maginot, les discours se veulent pour l'instant rassurants. Au quatrième trimestre, la Banque de France note néanmoins une baisse de 0,7% du PIB. L'incertitude est de mise pour 2009. Les cabinets Forrester et Gartner ont déjà revu à la baisse leur prévision de croissance des dépenses informatiques.

Ce ralentissement des dépenses pourrait avoir des répercussions sur l'emploi. La France se caractérise déjà par des prix de prestations en SSII sensiblement plus bas en comparaison de ceux pratiqués par nos voisins européens, dont l'Allemagne. Les tensions sur les prix pourraient encore s'accentuer, et se traduire notamment par un plus grand recours aux prestations offshore.

Les créations d'emplois en France seraient alors pénalisées au profit de pays à faibles coûts de main d'œuvre. L'offshore a progressé de 50% au cours des deux dernières années, passant de 2% à 4% du marché.

Dans une précédente enquête consacrée à la crise, Nicolas Marry d'Avanade déclarait d'ailleurs "que la dernière tendance lourde, c'est la volonté de certaines directions générales de pousser les chefs de projet à faire appel à des projets multisite. Pour cela, elles se tournent plus vers des sociétés positionnées dans l'offshore, disposant de localisations dans plusieurs pays de façon à baisser les coûts."