L'informatique toujours sévère avec les seniors

Avec seulement 11,2% de plus de 50 ans, l'informatique a beaucoup à faire pour favoriser l'emploi des plus expérimentés. Les syndicats reprochent aux SSII des stratégies de réduction des coûts et des discriminations.

Avec l'allongement de la durée de cotisation à 41 ans, l'emploi des seniors revient de nouveau sur le devant de la scène. De nouveau, puisque le gouvernement avait déjà amorcé les grandes manœuvres en 2006 avec le lancement du Plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors 2006-2010. L'objectif : faire remonter le taux d'emploi chez les 55-64 ans qui en 2005 était de 37,8%, soit inférieur à la moyenne européenne, à 42,5% - ce qui est encore inférieur aux 50% visés par l'UE en 2010.

L'informatique fait déjà office de mauvais élève en France. Selon les chiffres officiels 2001 de la Dares, la part des plus de 50 ans dans l'informatique n'est que de 11,2%. De même (source : Insee 2003), la part des plus de 40 ans est deux fois moins élevée dans les services informatiques que pour l'ensemble du marché du travail.

Ce faible taux d'emploi se confirme par un taux d'embauche lui aussi réduit. L'enquête Apec Panel Entreprise 2007 souligne ainsi que les recrutements des seniors ne représentent que le tiers de celui de l'ensemble de la population des cadres. Les métiers de l'informatique (SSII, SCT et éditeurs) n'ont recruté que 2% de cadres de plus de 50 ans. Ces difficultés d'embauche se traduisent pour les cadres seniors par des périodes longues de chômage. Seuls 28% d'entre eux retrouvent un emploi dans les 12 mois, contre 70% en moyenne.

"Le modèle économique du secteur des services s'enfonce dans le jeunisme" (R. Granarolo - Munci)

Pour le président du Munci, Regis Granarolo, même s'il ne faut pas céder à la fatalité, "l'informatique se caractérise par une forte discrimination à l'embauche. Celle-ci commence parfois dès 35 ans, notamment sur les postes de développeurs dans les SSII. Et cette discrimination est le résultat d'un dictat des clients qui laissent aux SSII la responsabilité d'assurer le recrutement tout en imposant les critères de sélection. Le modèle économique du secteur des services s'enfonce dans le jeunisme où les marges sont faites principalement sur les débutants."

Mais les difficultés rencontrées par les seniors ne se manifestent pas uniquement sur le marché de l'emploi, comme en témoigne Jean-Michel Daire, délégué syndical CFDT chez IBM France. "Ces dernières années, les anciens ont été parmi les plus touchés par les mesures proposées dans les plans de suppressions d'emplois successifs, notamment au travers de mesures de mise à la retraite d'office. En 2002, l'inspecteur du travail de Noisy-le-Grand avait aussi démontré que les notations des salariés d'IBM se dégradaient avec l'âge".

Ces évaluations des salariés se traduisent en général par des licenciements pour insuffisance professionnelle. Les syndicats dénoncent ici en réalité l'application de quotas et de décisions visant avant tout à alléger la masse salariale. Un avis partagé par Regis Granarolo : "La réduction des coûts prime largement. Cela se traduit par des schémas de carrière accélérés dans lesquels un salarié devient par exemple chef de projet très tôt. Cette politique ne contribuera pas à réduire le taux d'échec des projets. Les référentiels s'ils sont nécessaires ne remplaceront pas l'expérience dans notre secteur."

"L'accès à la formation professionnelle se complexifie plus encore avec l'âge" (B. Tyl - CFDT IBM)

Pour remédier à ce que les représentants des salariés s'accordent à qualifier de discrimination, Bertrand Tyl, délégué syndical CFDT chez IBM France, attend "que les seniors puissent avoir le choix de partir ou rester, mais aussi qu'ils bénéficient d'un développement de carrière, de la reconnaissance de leurs compétences et d'un accès à la formation professionnelle, qui se complexifie plus encore avec l'âge".

La formation est en effet l'un des vecteurs de lutte contre l'obsolescence des compétences, et permet de s'assurer ainsi de disposer de salariés formés aux dernières technologies, et ce tout au long de leur carrière. Les employeurs cotisent d'ailleurs en faveur de la formation. Le Fafiec (organisme collecteur de la branche IT) dans son rapport d'activité 2006-2007 faisait d'ailleurs état d'un excédent de 70 millions d'euros, signe que les fonds restent encore sous-utilisés.

Autres solutions envisageables pour relancer l'emploi des seniors : pour le Munci, le respect de quotas intelligents, par exemple basés sur le pourcentage de demandeurs d'emploi seniors de façon à avoir des effectifs représentatifs. Le Munci propose également une réglementation interdisant à la SSII la présentation préalable au client du candidat à la mission, tout en reconnaissant un risque d'accentuer plus encore le recrutement exclusif de jeunes collaborateurs.

Chez IBM, les délégués syndicaux CFDT se montrent plutôt pessimistes quant à une possible d'évolution au cours des prochaines années. "Aucune mesure vraiment significative n'a été avancée lors de la dernière réunion sur l'emploi, hormis des actions de tutorat. Mais compte tenu de la charge actuelle de travail, les seniors effectuant du tutoring risquent d'être débordés et d'être par conséquent critiqués dans les notations annuelles", s'inquiète Jean-Michel Daire.