Un salaire pour soutenir les créateurs d'entreprise

Maintenir le pouvoir d'achat des salariés qui décident de se lancer dans la création d'entreprise permettrait de développer l'esprit entreprenarial en France. Voici comment pourrait fonctionner le dispositif.

Alors que l'annonce par le gouvernement des mesures en faveur des PME a été retardée et que le projet de Budget pour 2008 n'apporte pas de nouvelles réponses, il convient d'affirmer à nouveau la nécessité d'aider la création d'entreprises en France.

A ce titre, une mesure intéressante à mettre en place serait de généraliser à tout créateur d'entreprise le système d'aide qui existe actuellement pour les chômeurs créateurs d'entreprises : pour les salariés qui souhaitent créer leur entreprise mais dont le projet ne permet pas au départ leur rémunération, l'Etat français, sous certaines conditions, pourrait subventionner le maintient de 75 % de leur salaire net pendant un an.

Cette aide pourrait être gérée par le réseau local des Assedic et serait attribuée après validation du sérieux du projet par un comité d'experts sur la base des expériences passées du futur dirigeant, de sa motivation, de son analyse pertinente du secteur d'activité ciblé... Elle viendrait en complément de l'aide Accre qui permet d'exonérer de charges sociales la rémunération du chef d'entreprise pendant au moins un an.

L'objectif serait ici de pallier l'une des principales raisons d'abandon des projets de création d'entreprise. Si beaucoup de salariés peuvent être tentés un jour ou l'autre de créer leur entreprise, peu en réalité vont au bout de la démarche. Ils abandonnent généralement lorsqu'ils s'aperçoivent qu'ils ne pourront pas être rémunérés dans l'immédiat par cette nouvelle activité. L'effort financier est en effet souvent trop important pour un salarié, statistiquement âgé entre 35 et 40 ans, possédant un niveau de vie déjà bien établi et une charge familiale. L'étude du business plan montre ce point de blocage dans le cadre de l'équilibre financier du projet, une fois l'ensemble des dépenses planifiées en face du prévisionnel des revenus. Cette aide serait donc déterminante et permettrait d'envisager de se lancer avec le minimum de sérénité nécessaire : créer sa société sans attendre au début qu'elle permette de vivre de ses revenus.

Si le projet réussit et génère des bénéfices au terme de cette première année, le chef d'entreprise est désormais capable de se payer dans son entreprise sans l'aide de l'Etat. Il possède un peu de trésorerie par l'économie de son salaire et le développement de l'activité. Dans ce cas, l'avance des salaires nets faite par l'Etat serait remboursable la deuxième année dans la double limite de 50 % du montant avancé et des bénéfices réalisés. Le solde de l'avance serait définitivement acquis et mis en réserve pour permettre de subvenir aux aléas futurs et pallier le manque de fonds propres chronique des PME françaises : 35 % des entreprises disparaissent en effet actuellement au bout de 3 ans.

Si le projet réalise des pertes la première année, la subvention reçue est définitivement acquise. Le projet s'arrêtera sans trop de dommage pour le chef d'entreprise qui reprendra un emploi salarié.

On peut calculer le coût d'une telle mesure sur la base d'une moyenne actuelle de 225.000 créations pures d'entreprises par an (ex nihilo), en corrigeant ce chiffre des éléments suivants :
- déduction de 75.000 entreprises (un tiers) correspondant au nombre estimé de sociétés créées par des chômeurs et relevant d'un autre système d'aide,
- déduction de 50 % du solde pour tenir compte du fait que la moitié des créateurs d'entreprises ne souhaitera pas utiliser cette aide dans le cadre de projets initialement bien dotés financièrement,
- un taux de croissance du nombre de créations d'entreprises de 10 % dû à l'effet positif de cette nouvelle mesure,
- un taux d'échec des projets subventionnés de 30 % au bout d'un, pour lesquels la subvention versée par l'Etat n'est pas remboursable,
- un salaire moyen net subventionné de 1.500 euros par mois (après abattement de 25 %).

Le coût de cette mesure pour la collectivité, après remboursement d'une partie de l'aide en deuxième année par les projets bénéficiaires, pourrait ainsi être estimé à moins de 1 milliard d'euros.

Ne nous méprenons pas : cette aide signifie quand même un effort financier du porteur de projet, gage de sa motivation. Outre 25 % du salaire net non subventionné, elle ne couvre pas l'investissement matériel et la mise du capital social initial. Cependant, l'effort financier restant deviendrait beaucoup moins rédhibitoire et d'autres aides existent déjà spécifiquement pour ces points. De plus, dans le secteur des services où la majorité des créations d'entreprises est réalisée, la mise de fonds initiale n'est pas insurmontable : un peu de matériel informatique et des locaux suffisent à démarrer.

La compétitive économique et la création d'emplois en France dépendent en grande partie de notre capacité à favoriser la création de nouvelles entreprises sur le territoire. Cette aide, si elle permet significativement de convaincre davantage de porteurs de projet de se lancer et si elle pérennise davantage leur existence par une meilleure dotation en fonds propres, mérite d'être tentée.

Marc Dana
marc.dana@dana-associes.com