Chartes informatiques à l’heure des smartphones et du Web 2.0 : le retour de la loyauté

Les smartphones estompent les frontières entre vies professionnelle et personnelle. Le Web 2.0 donne à chacun de puissants moyens d’expression en dehors de l’entreprise. De nouvelles règles du jeu s’imposent. La charte informatique a vocation à rassembler ces règles.

Le contenu d'une charte informatique est hybride par nature. Il a évolué pour passer d'une vision technique à une approche éthique, ayant pour socle la loyauté.

La première génération de chartes informatiques faisait la part belle aux directives techniques destinées à protéger l'intégrité du système informatique. Elles interdisaient notamment les modifications des configurations des logiciels de sécurité, les manipulations anormales du matériel ou l'introduction de logiciels tiers, voir parasites tels que virus ou chevaux de Troie. À cette époque, tout était simple : il suffisait d'interdire dans le but de protéger des ressources techniques.

Internet et le Web 2.0 ont rendu nécessaire l'adjonction de nouvelles règles.
Des notions complexes sont apparues. Il s'agit notamment des "sites Internet présentant un lien direct et nécessaire avec l'activité professionnelle", des "opinions personnelles susceptibles de porter préjudice à l'entreprise", de "l'usage à titre personnel dans le cadre des nécessités de la vie courante" ou de la "parfaite correction à l'égard de ses interlocuteurs dans les échanges électroniques".

Toutes ces nouvelles règles ont en commun leur caractère flou. Elles rendent délicat le tracé de la frontière entre ce qui est permis et ce qui est interdit. En définitive, leur principal dénominateur commun est de reposer sur le critère de la loyauté. Celle du salarié mais aussi celle de l'employeur.

Malheureusement, la loyauté ne se mesure pas ! En fait, elle est devenue l'un des principaux standards juridiques d'aujourd'hui. Seul le juge peut trancher et dire si un comportement est déloyal ou loyal. Il convient donc de s'interroger sur les enjeux sous-jacents.

Le premier enjeu porte sur la qualification de la faute. Aux termes de l'article L.1222-1 du Code du Travail, "Le contrat de travail est exécuté de bonne foi". La méconnaissance d'une obligation édictée par la charte informatique peut être analysée comme un défaut de loyauté. Elle est donc de nature à justifier la rupture du contrat de travail au tort du salarié.

Le second enjeu porte sur l'opposabilité de la preuve. Pour pouvoir être opposée à un adversaire, une preuve doit avoir été obtenue de manière loyale. La jurisprudence est constante pour rappeler ce principe. Le cadre légal impose d'ailleurs que tout dispositif de surveillance soit porté préalablement à la connaissance des salariés (Art. L.1222-4 du Code du travail). La charte informatique peut constituer avantageusement le support d'une telle information, notamment en faisant connaître les prérogatives de surveillance des administrateurs de réseaux.

Le troisième enjeu porte sur la responsabilité civile ou pénale de l'entreprise. A défaut de prévenir les utilisateurs du caractère illicite de certains comportements, celle-ci peut voir sa responsabilité engagée. Il en est ainsi notamment lorsque sont méconnus les droits de propriété intellectuelle des tiers ou stockées des informations pour le compte de tiers, notamment sur des forums ouverts au public. Là encore, la charte informatique permet d'informer les salariés quant à la ligne jaune à ne pas franchir.

La charte informatique a donc vocation à être connue de tous. Sa mise en œuvre loyale impose l'information et la consultation du CHSCT, du comité d'entreprise et de chaque salarié individuellement.

Partie intégrante du règlement intérieur, elle doit aussi satisfaire le critère de la proportionnalité des restrictions imposées aux salariés, conformément à l'article L.1321-3 du Code du travail prohibant "les dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché".
 
En définitive, si la charte informatique doit être profondément remaniée à l'heure où vies professionnelle et personnelle se chevauchent, le critère de la loyauté en constitue la boussole. Il faut cependant garder à l'esprit que seul le juge pourra finalement dire où se trouve le nord !