La modélisation des données revient en grâce

La modélisation n’est pas une démarche démodée et stérile. Elle retrouve au contraire une seconde jeunesse par son importance dans la réussite des projets, notamment décisionnels, et son rôle essentiel dans la structuration de la fonction informatique.

Apparue il y a une trentaine d'années, notamment en France avec la méthode Merise, la modélisation de données était, jusqu'à récemment, passée quelque peu au second plan. On privilégiait en effet d'autres approches de formalisation et de représentation, notamment autour de la modélisation des processus ou du langage UML.

La modélisation des données apparaissait démodée, au point que s'était parfois installée une certaine méconnaissance de ce que sont, et à quoi servent, les modèles conceptuels, logiques et physiques de données. Or, depuis peu, on constate un regain d'intérêt pour cette démarche certes exigeante, mais qui, en définitive, se révèle toujours payante.

La principale raison de ce retour en grâce est la révolution que connaît aujourd'hui la fonction informatique : après avoir été pendant des années l'agent de la structuration, de la rationalisation et de l'optimisation de l'entreprise, son tour est venu de se pencher sur son propre fonctionnement. Désormais, il est partout question de référentiels, d'industrialisation des méthodes, d'urbanisation du système d'information...

Poussées par un contexte économique qui les incite à toujours faire plus avec moins, les organisations informatiques sont contraintes de se structurer à grand pas si elles veulent pouvoir répondre aux attentes de leurs clients en matière de coûts, de qualité et de délais. Et pour cela, elles ont besoin de disposer d'une vision complète, à jour, documentée et dynamique du système d'information. Ce qui passe obligatoirement par une connaissance de la nature, du sens, de l'organisation, des interactions et de l'emplacement des données.

Les données sont l'élément persistant du système d'information. Celui qui survit à toutes les évolutions applicatives, à tous les changements de plate-forme, à toutes les migrations. Elles constituent le matériau brut du capital informationnel de l'entreprise. Mais leur présence va parfois tellement de soi qu'on en oublierait presque qu'elles ne sont pas des commodités banalisées, malléables à volonté et sans précaution. Elles possèdent chacune leurs propriétés, leurs règles, leurs contraintes propres. Bien connaître son système d'information, c'est avant tout bien connaître ses données : quelles sont-elles ? où sont-elles ? que représentent-elles ?

À l'origine des démarches de modélisation des données actuelles, on trouve principalement les projets décisionnels ou de Master data management. Sur de tels projets, méconnaître ses données, c'est courir le risque de rencontrer des problèmes de qualité, de fiabilité ou de dispersion de l'information, qui hypothèquent grandement la réussite des projets. Dans le décisionnel, en particulier, le succès repose entièrement sur l'adoption de l'outil par l'utilisateur : s'il n'obtient pas les résultats escomptés, s'ils sont incomplets ou inexploitables, il va perdre confiance dans la solution, et il sera très difficile ensuite de regagner son adhésion. On constate que les données sont à l'origine de la plupart des échecs de projets décisionnels, et que bien souvent, les difficultés auraient pu être évitées si elles avaient été correctement modélisées et documentées dès la phase de conception.

Il ne s'agit donc pas de modéliser pour le principe, mais toujours dans le but de rapprocher les données du besoin métier. La démarche doit être pragmatique et surtout ne jamais perdre de vue l'utilisateur final, car il s'agit d'aligner (ou réaligner) les données sur ses attentes : pertinence, qualité, disponibilité et lisibilité. Effectuée en amont, la modélisation de données porte alors ses fruits en aval : qualité des développements, facilitation du transfert de compétences, simplification et accélération des tâches de maintenance, meilleure évolutivité des applications...

Au-delà d'une vision projet par projet - et c'est la tendance émergente aujourd'hui - tous ces bénéfices sont démultipliés lorsque l'on dépasse ce cadre de travail. Si les projets constituent l'environnement naturel dans lequel initier et mûrir la démarche, il est nécessaire d'aller au-delà si l'on veut la pérenniser et faire vivre les modèles. C'est la raison pour laquelle on constate actuellement une extension progressive des périmètres et des pratiques.

On consolide les modèles, on crée des méta-structures de référence, on développe des approches structurées pour enrichir la modélisation et aller plus loin dans l'automatisation des processus, comme l'analyse d'impact... En élargissant son horizon, du projet à l'architecture du système d'information ou l'architecture d'entreprise, la modélisation de données passe ainsi d'un outil d'aide à la conception à un élément structurant de la fonction informatique. De plus en plus riche et partagé, le modèle constitue notamment un excellent terrain de discussion entre maîtrises d'œuvre et maîtrises d'ouvrage, voire avec les prestataires extérieurs. Ce type de gain étant long à obtenir, mieux vaut toujours commencer à l'échelle du projet. Les bénéfices viendront naturellement, ce qui permettra ensuite d'avancer. Car quoi qu'il arrive, une chose est certaine avec les modèles de données : ils finissent toujours par rendre de grands services.