Industrialisation informatique : Ou en est-on ?

ITIL, CMMI, Six Sigma, Lean, rationalisation des projets… Autant d’éléments dont nous avons tous entendu parler pour améliorer le fonctionnement des services IT, et pourtant où sont passés ces grands projets dans le contexte économique qui nous touche actuellement ?

ITIL, CMMI, Six Sigma, Lean, rationalisation des projets… Autant d’éléments dont nous avons tous entendu parler pour améliorer le fonctionnement des services informatiques, et pourtant où sont passés ces grands projets dans les méandres du contexte économique qui nous touche actuellement ?


Tout est là et pourtant l'informatique continue de tomber en panne et coûte toujours trop chère aux yeux des métiers. Le Directeur des systèmes d'informations (DSI) passe une grande partie de son temps à expliquer la cause des incidents, si possible en montrant que cela n'est pas de sa responsabilité seule, ce qui est souvent vrai, et à justifier aux yeux de ses clients le coût des services proposés. L'informatique connaît une banalisation qui, au même titre que des technologies révolutionnaires dans le passé, a vocation à perdre son statut de technologie exclusive pour devenir un facteur de production comme un autre, utilisé par tous.

  

Que signifie aujourd'hui la notion de services ?

La notion de "services" mériterait à elle seule un ouvrage pour tenter de mettre sur la même longueur d'onde la DSI et les métiers. Pourquoi, lorsque que la DSI met à disposition un PC, cela devrait être perçu comme un service rendu aux utilisateurs alors que par exemple, la livraison d'un matériel high-tech via un site Internet est une simple formalité, l'option d'installation et de réglage étant considérée comme le véritable service qui mérite un coût supplémentaire ? Dans une société dite de services, quels doivent être les modes de relation entre prestataire et utilisateur liés à la production même du service ? Où se situe la frontière de la notion de service ?

 

Un problème de méthodologies ?

Mais revenons au DSI qui essaie d'expliquer les causes des dysfonctionnements perpétuels - "perpétuels" car à écouter les utilisateurs et les directions métiers, cela ne fonctionne jamais - alors qu'il a lancé depuis quelques mois, ou quelques années, cette fameuse "industrialisation" à grands coups de méthodologies pour une grande partie héritées du monde industriel. La question est donc de comprendre où le bât blesse.


Les méthodes ne sont-elles pas bonnes ? Difficile à croire, même un néophyte trouvera dans les référentiels ITIL ou CMMI des évidences tell qu'il n'y a pas matière à remettre en cause le bon sens qui s'en dégage. Ces méthodes d'optimisation de la gestion de son infrastructure et de ses services informatiques permettent de tracer des pistes d'amélioration et donnent des outils pour les atteindre. Elles recommandent des bonnes pratiques à adapter en fonction de l'entreprise, et facilitent la mise en exergue des dysfonctionnements ou pertes d'efficacité.


Alors si ce ne sont les référentiels qui posent problème, cela pourrait venir des méthodologies de mise en place et de pilotage des processus ? Là aussi, les mises en cause sont trop simples d'autant plus que ces méthodologies sont, pour le coup, largement éprouvées, en prenant pour simple référence le monde de l'industrie automobile.

 

Un défaut dans l'effort d'industrialisation ?

Peut-être est-ce l'effort consacré à cette industrialisation qui est insuffisant en intensité ou en durée. C'est possible, selon les entreprises, sachant qu'il n'y a pas de recette établie en la matière qui permette d'indiquer la dose exacte d'efforts à fournir. Nous voyons cependant autour de nous des entreprises déployant des efforts colossaux en la matière et pourtant, en parcourant les couloirs de leurs services informatiques, nous continuons de voir s'affairer des dizaines de collaborateurs pris de panique autour du nouvel incident majeur, incident qui va réduire à néant les efforts des dernières semaines et le fameux indicateur de disponibilité à 99,8%... Ces mêmes organisations gèrent régulièrement des reports de réunions ou d'entretiens du fait de l'indisponibilité soudaine d'un manager mobilisé en urgence pour une mise en production qui se passe mal. Il ne s'agit donc vraisemblablement pas non plus d'une insuffisance d'effort généralisé, mais alors, où est le problème ?

 

Et si finalement tout reviendrait à se poser la question : où sont les problèmes ?

Le vrai sujet de l'industrialisation, la vraie marche à gravir qui peut changer profondément la performance et le coût de l'informatique est de s'intéresser enfin et de façon soutenue à la question : "où sont les problèmes et comment les éliminer ?"


Le coût complet des incidents et anomalies informatiques n'est généralement pas calculé dans les organisations. Ce "coût complet" devrait notamment inclure le temps passé par l'ensemble des collaborateurs impliqués dans la réparation ou impactés par le dysfonctionnement, y compris le DSI et le DG amenés à discuter fréquemment des incidents qui ont perturbé la bonne marche de l'entreprise par exemple lors des réunions hebdomadaires de reporting sur la qualité de service comptant généralement pas moins de huit personnes. Avec cette approche objective du coût complet des incidents, il ne serait pas surprenant qu'il représente une part significative du budget informatique.

 

La proposition est donc la suivante : faire rimer Industrialisation avec éradication des incidents et des anomalies. Évidemment, si les organisations informatiques réussissaient à éliminer la plupart des dysfonctionnements, les entreprises se retrouveraient avec de nombreux experts et techniciens disponibles (ceux qui passent aujourd'hui la plupart de leur temps à résoudre les dysfonctionnements, qu'ils avaient éventuellement eux-mêmes créés....). Ainsi l'industrialisation permettant de passer d'une attitude de défense corrective à une stratégie proactive dans la gestion des menaces ouvrirait la porte à de vraies voies de progrès : faire des économies ou, mieux, concentrer davantage d'effort à développer de vrais services à valeur ajoutée.