SEO et droit : 5 jurisprudences à connaître impérativement
La première place dans les résultats des moteurs de recherche est la quête de tout référenceur. Quelle que soit la méthode de référencement choisie, la jurisprudence impose plusieurs principes.
Dans le cadre de sa mission, le
référenceur est chargé d'améliorer la visibilité et l'audience d'un site
internet. Cette mission et son résultat parfois incertain représentent un enjeu
crucial pour tout site internet : la visibilité sur le Web est directement
associée à la rentabilité d’un site marchand quel qu’il soit.
Ainsi, la première place dans les résultats des moteurs de
recherche, et plus particulièrement ceux de Google, est la quête de tout
référenceur.
Or, une telle bataille peut
donner lieu à certains excès, et autres raccourcis visant notamment à tromper
le fonctionnement des moteurs de recherche. Ces excès son parfois de
l’initiative du client qui demande toujours plus à son prestataire de
référencement ; parfois ils ne le sont pas.
Dans tous les cas, se pose la
question de la responsabilité d’éventuelles sanctions prononcées par les
juridictions ou par les moteurs de recherche. Qui du client ou du prestataire
supportera la charge de cette responsabilité ?
Cette question se pose avec
acuité en observant la recrudescence de contentieux intervenant dans le
domaine. Il en résulte une insécurité juridique devant pousser les intervenants
du secteur à attacher une attention toute particulière à la rédaction de leur
contrat de référencement et à la délimitation de leurs droits et obligations.
La gestion contractuelle du
risque juridique inhérent aux prestations de référencement suppose de connaître
en amont les sanctions prononcées par les Cours et Tribunaux lorsque les
opérations menées pour le compte du client ont conduit à franchir la limite de
la légalité.
Ainsi, quelle que soit la
méthode de référencement choisie, la jurisprudence impose aux éditeurs de sites
référencés les principes suivants en
matière de référencement naturel (SEO).
Ni les métatags contenus dans
les codes informatiques, ni les mots clés retenus auprès des annuaires ne
doivent être susceptibles de porter atteinte aux droits des tiers.
Dans de nombreuses
jurisprudences, les tribunaux ont ainsi été amenés à condamner sous astreinte les
auteurs de tels faits litigieux:
* à la modification des
codes et métatags des pages composant leur site Internet.
* au déréférencement de
celui-ci des moteurs de recherche.
* au versement de dommages et intérêts.
Il ressort de ces décisions le
principe suivant : les sites Internet référencés ne doivent, sauf à engager
leur responsabilité civile, reprendre de quelque manière que ce soit (notamment
à titre de métatags) le nom patronymique d’une personne (1), la dénomination
sociale ou le nom commercial d’une société concurrente (2) un nom de domaine identique ou similaire
à celui d’un tiers (3), ou encore une marque de commerce déposée (4).
Une étude de la jurisprudence
révèle en outre le prononcé de condamnations complémentaires sur le fondement
de la concurrence déloyale, notamment lorsque la preuve est apportée que ces
agissements ont créé un risque de confusion entre les sites internet et parfois
un détournement de clientèle (5).
(1) Cf. Ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Paris, 22 mai 2006, Jean Yves F. / Philippe C. Dans cette affaire, le nom d’un médecin réputé était utilisé par un autre médecin à son insu dans une longue liste de mots clés inséré dans un bloc de texte caché enregistré en caractère minuscule de couleur grise sur fond gris et donc totalement invisible pour les visiteurs. Le TGI de Paris constate l’existence d’un trouble manifestement illicite résultant de la référence dans le contenu du site au nom du médecin réputé, enjoint le médecin en cause à supprimer du code source de la page de son site Internet toute référence à ce médecin sous astreinte de 150 € par jour de retard, et enfin ordonne, à ses frais, au médecin à l’origine de cette pratique illicite.
(2) Cf. Tribunal de Grande Instance de Paris, 29 octobre 2002, société Le Ludion / Orgues Odin. Dans cette affaire, un fabriquant et réparateur d’orgues de barbarie propriétaire de la marque « orgues Odin » a vu un de ses concurrents (la société LE LUDION), sur ce marché des orgues de barbarie, utiliser le nom de « Odin » à titre de méta tags pour son propre site Internet conduisant automatiquement l’internaute qui tapait ce mot clé dans le moteur de recherches sur le site du concurrent. Le TGI précise que «l’utilisation par la société Le Ludion du terme "Odin" comme mot-clé sur les pages de son site Internet www.leludion.com, sans l'autorisation de M. Odin, constitue une contrefaçon de la marque "Orgues Odin", au détriment de celui-ci et une atteinte au nom commercial ». « L’usage de ce nom par un concurrent sans autorisation et dans des circonstances telles qu’elles détournent la clientèle potentielle vers celui ci en profitant de la notoriété de cette enseigne porte incontestablement préjudice au fonds dont M. O est propriétaire et dont le nom constitue un des éléments ».
(3) Cf. Tribunal de Grande Instance de Paris, 26 janvier 2012, Webangelis / Laurent I. La société WEBANGELIS est titulaire de la marque « cokincokine » et du nom de domaine www.cokincokine.com. M. Laurent I. (titulaire des noms de domaine www.cokincokine.fr et www.conkinscokines.com sites ayant le même objet que celui de webangelis) utilise les termes cokin cokine (avec cette orthographe particulière) à titre de balises méta dans le code source de son site Internet www.hotmessenger.net. Grâce à ces balises, ce site apparait dans les 1ers résultats du moteur de recherche lorsque que l’internaute effectue une recherche avec les mots clés « cokincokine » ou « cokin cokine ». Le demandeur argue d’un risque de confusion qui croirait en un partenariat entre les deux sites. (alors qu’il a effectué d’importants investissements publicitaires). Le TGI précise que « la visualisation concomitante de la requête cokincokine et du résultat hotmessenger.com dans le référencement naturel crée un risque d’association entre les deux sites qui porte atteinte à la fonction d’identification d’origine de la marque. Il y a donc lieu de retenir que l’utilisation des mots « cokin cokine » dans le code source du site Internet du défendeur constitue un acte de contrefaçon de la marque de la demanderesse ». L’exploitation des noms de domaines www.cokincokine.fr et www.conkinscokines.com et l’inclusion des mots clés cokin et cokine dans la balise méta du site www.hotmessenger.net constituent une contrefaçon de la marque cokincokine et une atteinte au nom de domaine www.cokincokine.com constitutive de concurrence déloyale.
(4) Cf. Tribunal de Grande Instance de Paris, 9 juillet 2002, SA Finaxa, SA AXA c/ SA Online, SARL Mescal y Tequila, SA Free. La société Finaxa est titulaire de la marque « AXA ». Par l’adresse « axa.croisières-libertines.com », l’internaute accède à un site dénommé « AX.A » site X gratuit pour adultes qui présente les activités du club des amateurs de X amateur. Le terme « AX.A » est alors utilisé par Monsieur C. à titre de balise méta pour référencer son site. Le tribunal considère que l’emploi de la marque Axa ou AX.A pour désigner des activités à caractère pornographique porte un préjudice à cette dernière car son association à ce type d’activité la dévalorise. Par ailleurs, ce choix d’un signe renommé permet d’attirer les internautes et d’augmenter l’audience du site incriminé et constitue donc une exploitation injustifiée. Il précise que l’exploitation de la dénomination Axa ou AX.A pour désigner un site et une activité à caractère pornographique porte atteinte à la marque renommée Axa n° 1 282 650 dont la société Finaxa est titulaire et constitue une usurpation de la dénomination sociale de la société Axa et que M. C. est responsable de ces agissements fautifs en application des articles L 713-5 du code de la propriété intellectuelle et de l’article 1382 du Code civil
(5) Tribunal de Grande Instance de Paris, 26 janvier 2012, Webangelis / Laurent I. Op.Cit.Focus sur la jurisprudence dite « saveur bière » et la problématique des sites satellites
Dans une décision inédite en France, la Cour
d’Appel de Douai s’est intéressée pour la première fois à la technique des
pages satellites pourtant très répandue et admise par les moteurs de recherche.
Suivant cette décision, le fait de créer artificiellement des liens (ou netlinking) via des annuaires, des
communiqués de presse ou par tous autres moyens « non naturels » constitue
potentiellement un acte de concurrence déloyale.
La Cour
d’appel précise ainsi que la création de sites satellites est destinée à « tromper les moteurs de recherche sur la
qualité d'une page ou d'un site afin d'obtenir par un mot-clé donné un bon
classement dans les résultats de moteurs ». Les seconds juges motivent
cette appréciation par la constatation suivante : « en multipliant la réservation de noms de domaine comportant à de
nombreuses reprises le terme 'bière' favorisant la création de liens orientant
vers leur nom de domaine, le plaçant de ce fait en tête des moteurs de
recherche, les défendeurs ont commis des actes de concurrence déloyale en
privant le site appartenant à la demanderesse, qui exerce dans le même secteur
d'activité, d'être normalement visité». « la captation de clients potentiels par la redirection vers le site
Internet Saveurbière.com par le biais de sites satellites dont c’est la
seule finalité » aurait ainsi causé un préjudice commercial à la société
concurrente.
A notre sens, cette décision ne
condamne pas le fait d’utiliser des sites satellites comme technique de
référencement mais celui plus précis de se positionner, via cette pratique, sur
les mots clés et le terrain d’activité d’un concurrent direct à l’aide de noms
de domaine satellites ne proposant aucun service, afin de détourner du trafic
au préjudice du concurrent privé « d’être
normalement visité ».
En d’autres termes et faute de
nouvelles décisions dans ce domaine, il peut être avancé que la création de
sites satellites n’est pas en elle-même constitutive de concurrence déloyale sauf
dans les cas où il est démontré que l’objectif unique de ces sites satellites est d’optimiser le référencement
naturel su site principal.
Dans le cas d’espèce
« Saveur Bière », l’affaire a été portée au civil sur le terrain de
la concurrence déloyale et s’est résolue avec des dommages et intérêts.
L’identification des risques juridiques encourus par les professionnels du
référencement et leurs clients suppose néanmoins d’ouvrir le spectre de
l’analyse.
Ainsi, les techniques de création de pages satellites ou de spamdexing peuvent-elles également être source d’insécurité juridique :
- Au
regard des moteurs de recherche et de leurs conditions générales d’utilisation :
En fonction de leur propre politique éditoriale, chaque moteur de recherche
définit les techniques qu'il considère comme abusive. Le moteur de recherche
Google précise notamment dans ses conditions générales d’utilisation récemment
modifiées : « Vous ne devez
utiliser nos Services que dans le respect des lois en vigueur, y compris les
lois et réglementations applicables concernant le contrôle des exportations et
réexportations. Nous pouvons suspendre ou cesser la fourniture de nos
Services si vous ne respectez pas les conditions ou règlements applicables, ou
si nous examinons une suspicion d’utilisation impropre. » (Cf. CGU de Google).
En cas « d’utilisation impropre », la sanction peut aller jusqu’au blacklistage du nom de domaine : Le
site en question n’apparaîtra donc plus jamais sur Google, ou quelconque autre
moteur de recherche qui l’aurait blacklisté.
- Au regard du droit pénal et notamment de l’infraction d’atteinte
frauduleuse aux systèmes de traitement automatisé de données (STAD) : Si aucune décision ne semble avoir été rendue à ce jour sur ce
fondement, cette infraction peut à notre sens s’avérer constituée dans le cadre
de certaine pratiques déviante de référencement. Les techniques de spamdexing pourraient ainsi être
assimilées à une atteinte frauduleuse à un STAD en application des articles323-1 (*) et 323-2 (*) du Code pénal et
faire encourir à ses auteurs des peines pouvant aller jusqu’à cinq
d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
- Au regard des pratiques commerciales trompeuses sanctionnées par les
articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation : Le référencement lorsqu’il est abusif sert également à promouvoir un site
marchand. En cela, il constitue un moyen de publicité. Or, l'article L. 121-1du Code de la consommation sanctionne les pratiques commerciales trompeuses
y compris dans le cadre de relations entre professionnels.
Il pourrait ainsi être considéré que le spamdexing
fausse les résultats des moteurs de recherches, fait croire qu'un site bien
classé est pertinent et offre des produits ou services de qualité.
Dans ce cas
la sanction fait encourir l’auteur de telles pratique des peines pouvant aller
jusqu’à deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 37500 euros, l'amende
pouvant être portée à 50 % des dépenses de la publicité ou de la pratique
constituant le délit.
Conclusion : Blacklistage, responsabilité civile, fermeture de site sous astreinte, responsabilité pénale, etc. on le voit, l’opération de référencement naturelle n’est pas sans risque et impose une prise en compte de ceux-ci par les professionnels du secteur dans le cadre de la définition de leur mission, et, le cas échéant du périmètre de leur responsabilité vis-à-vis de leur client.