Spin-off et transition informatique : enjeux, impacts et bonnes pratiques

De l’importance d’intégrer au planning global du spin-off, la question centrale et complexe du choix de l’ERP de la nouvelle entité créée : cession/rachat de licences, format et mise à disposition des données, problématiques de confidentialités de données… autant de sujets à anticiper pour garantir la réussite du projet de spin-off IT.

Après les années 80 marquées par de nombreuses opérations de fusions-acquisitions, nous assistons depuis une quinzaine d’années, à une accélération significative du rythme des opérations de désinvestissements de la part de grands groupes nationaux ou internationaux, qui se recentrent sur leur cœur de métier.

Un nombre de spin-off en forte croissance

Alors qu’il existe différentes techniques de scission (spin-off, spin-out, carve-out ou rachat extérieur), le spin-off semble être le modèle privilégié de ces dernières années [i]. Il consiste en une opération de scission conscrite à une ou plusieurs branches d’activité d’une société, qui débouche sur la création d’une nouvelle entreprise. La société échange les anciennes actions du groupe contre les actions de la nouvelle entité.
Le spin-off permet de mieux convaincre les investisseurs (du fait d’une meilleure qualité des informations financières fournies), d’annoncer des choix stratégiques plus cohérents et de ne pas nécessiter de flux de trésorerie (la valorisation de l’entité cédée se faisant par l’attribution de droits sociaux). Le spin-off est aussi très utilisé pour le lancement de projets innovants ou technologiques, au travers d’une nouvelle entité plus flexible.
Qu’il s’agisse de spin-off ou plus globalement de scissions, ce type d’opération doit toujours prendre en compte l’ensemble des composantes de l’entreprise. Les problématiques légales, capitalistiques, fiscales, financières et humaines sont généralement très bien appréhendées par les experts intervenant sur ces projets : cabinets d’avocats, cabinets financiers, cabinets conseil, fonds d’investissements, banques…

Le choix de l’ERP, un sujet clé mais assez mal anticipé dans le cadre d’une scission

Mais les analyses a posteriori de ces opérations nous montrent encore trop souvent que la problématique informatique est inégalement traitée. Les aspects matériels (PC, serveurs, …) ou humains sont souvent bien anticipés et gérés, alors que la transition en matière d’ERP (licences, données, …) n’est généralement pas traitée à la hauteur des enjeux quelle représente.
Plus de 81 % des grandes entreprises françaises sont équipées d’un ERP [ii] et le chiffre frôle les 95 % pour les grands groupes internationaux. Cela signifie que la question de l’autonomie en termes d’ERP de la nouvelle entité créée s’impose à l’ensemble des groupes qui s’engagent dans une opération de spin-off et plus généralement de scission.
Comme le détourage des états financiers, le « détourage » de l’ERP est un sujet complexe qui doit être étudié le plus en amont possible. Il ne s’agit pas là de reproduire des méthodes de découpage standard mais bien de prendre en compte tous les aspects de l’utilisation actuelle et future de l’ERP.
Dans un premier temps, une analyse détaillée doit définir ou actualiser le paysage informatique complet (infrastructures, logiciels, flux, sécurité, …) et dessiner le contour de ce qui est à couper, conserver, remplacer et supprimer.
Cette analyse est d’autant plus pertinente et efficace qu’elle est menée par des équipes expérimentées qui permettront à l’entreprise-mère d’anticiper les besoins futurs, de bâtir la nouvelle organisation informatique autour d’une vision « métier » et plus simplement aussi de lister l’ensemble des aspects techniques (afin par exemple de s’assurer que le logiciel de BI– utilisé par un très petit nombre de personnes mais servant à la publication des comptes– a bien été intégré … car ce type d’omission peut avoir de lourdes conséquences à quelques jours de la « coupure »).
Dans la majorité des cas, la continuité d’utilisation de l’ERP de l’entité cédante est privilégiée. Cependant, dans certains cas, la solution ERP mise en place par la société-mère s’avère être vieillissante, inadaptée au cœur de métier ou à la taille de la future entité. La question du choix de la nouvelle solution ERP devient alors un élément stratégique pour cette dernière. Cette décision doit être anticipée et intégrée au planning global du spin-off.
Le choix du futur ERP doit être abordé dans un laps de temps très court souvent incompatible avec un cycle de décision de type : cahier des charges démonstration/sélection/choix. Lors de l’acquisition d’une nouvelle solution ERP par l’entité créée, il est préférable de n’étudier que deux solutions afin de permettre une prise de décision rapide sur des critères mesurables. Le passage par une approche « étude comparative » courte, sur les deux solutions majeures du marché, s’avère être un élément sécurisant et pertinent pour les clients.

Bien appréhender la question des licences et de la cession des données

Un autre aspect important de la transition informatique est lié à la cession/rachat de licences. En effet, la politique des éditeurs de solution ERP consiste, dans la majorité des cas, à interdire la cession de licences. La cession/rachat de licences, même si elle représente un poste immobilisable et amortissable, peut alourdir fortement la facture de mise en route de la nouvelle société… d’autant plus si ce coût a été sous-estimé ou omis.
La valeur de ces licences doit donc être incluse dans toutes les négociations préalables car ces aspects contractuels peuvent modifier considérablement la valeur de l’entreprise … un peu comme si l’on rachète une usine dotée d’un outil de production performant … mais qui s’avère finalement être un mirage.
Enfin, le format et la méthode de mise à disposition des données, des programmes et du paramétrage de l’entreprise peut devenir un sujet complexe avec des impacts sur les coûts et les délais de séparation, d’autant plus si la responsabilité et l’engagement de toutes les parties n’ont pas été clairement définis dans le plan de cession. C’est ainsi que l’on peut assister à des déconvenues comme le transfert des données sous la forme de fichiers plats, qui vont obliger la nouvelle structure à lancer un projet de ré-implémentation complète des données avec tous les risques et difficultés que cela peut comporter. En outre, l’entité cédante facturera chaque minute travaillée à la nouvelle structure.
A cela s’ajoute également, dans bon nombre d’opérations de spin-off, la problématique de confidentialité des données cédées, qui vient « pimenter » encore davantage une opération déjà complexe.
Comme en témoignent ces différents exemples, le risque est généralement d’arriver, faute d’anticipation et d’expertise, à une situation « subie » qui, dans un timing généralement serré, ne peut plus être traitée au même niveau que les questions capitalistiques, industrielles et humaines, et qui pourtant représente un facteur clé de réussite, dont l’impact est non négligeable sur la globalité du « deal » et sur sa rentabilité future.
Toutes ces problématiques doivent être abordées au plus tôt, par des équipes expertes dans la cession et le transfert d’ERP, afin de définir au mieux les jalons et les responsabilités entre la société cédante, la future entité et les partenaires (éditeurs, intégrateurs, prestataires..) impliqués. Ces équipes doivent aider les parties prenantes à bâtir et à réaliser ce projet de spin-off IT, avec le niveau de risque et de coûts le plus optimisé, afin de permettre à la nouvelle entité de se focaliser sur son seul véritable objectif : sécuriser, développer et rentabiliser la nouvelle activité !

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[i] Lire l’article : http://www.lenouveleconomiste.fr/le-temps-des-spin-off-16595/
[ii] Sources : Silicon.fr