Et si l’innovation et le digital ne pouvaient pas aider les grandes entreprises à se transformer ? (1ère partie)

Avec le plan de soutien de l’innovation publié dans un dossier de presse de Bercy en 2013, le buzz sur la nécessaire transformation numérique des entreprises avait connu une nette accélération en France et ne semble pas mollir depuis.

La santé des plus grandes entreprises technologiques, ou GAFA[1] en tête avec 350 milliards de $ de CA cumulé à eux quatre en 2014, a atteint des sommets inégalés jusqu’alors. Un récent rapport de la COFACE[2] plaçant même les investissements en R&D, le nombre de brevets, l'enseignement de qualité et la présence de leaders technologiques comme piliers des économies qui tirent aujourd’hui leur épingle du jeu.

En 1987, le prix Nobel d’économie Robert Solow énonçait pourtant un paradoxe devenu célèbre depuis : « L’ère informatique se retrouve partout, sauf dans les statistiques de la productivité[3] ». En mars 2013, un autre prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz[4], notait également combien il était difficile de chiffrer les bienfaits de l’innovation technologique dans le PIB.

Alors, suffit-il d’innover et d’être digital pour parvenir à se transformer et rester compétitif ?

L’innovation digitale, un mal nécessaire

Le digital offre de réelles opportunités aux entreprises soucieuses de répondre plus vite aux besoins de leurs clients, de diminuer le nombre d’intermédiaires sur la chaine de valeur, voire de défricher de nouveaux métiers.

« Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » Charles Darwin

Dans beaucoup de théories classiques du management d’entreprise, l’innovation doit permettre à l’entreprise de répondre aux nouvelles attentes de ses clients, de mieux rentabiliser les investissements passés  ou de conserver une longueur d’avance sur ses concurrents. La célèbre citation d’Henri Ford « Si j'avais demandé aux gens ce qu'ils voulaient, ils m'auraient répondu qu'ils voulaient des chevaux plus rapides » a été souvent utilisée pour critiquer cette approche. Cette citation a plus récemment connu une énorme résonance grâce à la biographie de Walter Isaacson consacrée à Steve Jobs, lorsque ce dernier expliqua que les plus grandes innovations d’Apple (iTunes, l’iPhone et l’iPad en tête) ne reposaient sur aucune étude de marché, mais sur une innovation technologique ouvrant un champ des possibles sur laquelle s’adossaient une intuition et une conviction du dirigeant de l’entreprise : « Les clients ne savent pas ce qu’ils veulent ».

Pour autant, toutes les entreprises ne veulent pas (ou ne peuvent pas) suivre Ford ou Jobs. Pour cette catégorie d’entreprises, nous pouvons observer deux grands types de stratégie de l’innovation : l’innovation par le client, l’open innovation.

L’innovation par le client  : à l’inverse du dogme Ford/Jobs, certaines entreprises placent le client à la source de leur stratégie d’innovation. C’est le cas d’Amazon, dont son président Jeff Bezos a toujours défendu l’importance de l’expérience client (visant même 100% de satisfaction client d’après le Forrester Research[1]), et la nécessité pour l’entreprise d’exploiter tous les moyens digitaux à sa disposition (Business Intelligence, CRM analytique, techniques de cross selling, Kindle), pour mieux capter, comprendre, voire idéalement anticiper les attentes du client.

Starbucks est un autre exemple célèbre, avec son site myStarbucksidea[2] qui invite les clients à s’exprimer quatre fois : 1) en déposant en ligne des idées de nouvelles recettes, 2) en votant en ligne pour les meilleures idées déposés, 3) en testant en magasin les recettes lauréates, 4) en votant une dernière fois en ligne pour élire les meilleures recettes testées en magasin (les lauréates faisant désormais partie du catalogue Starbucks au même titre qu’une recette interne).

C’est également  le cas du groupe La Poste, avec son plan stratégique 2020[3], qui vise à réinventer les métiers de la poste de demain, en invitant ses clients à proposer des idées de nouveaux produits et services, et faire leurs remarques sur ceux mis en place par la Poste.

L’open Innovation : face à des pure players capables de faire voler en éclat des chaînes de valeur bien établies (l’exemple de Uber, Airbnb et Booking pour ne citer qu’un secteur) ont poussé des entreprises à abandonner la sacro sainte culture du secret, et miser sur les principes de « l’innovation ouverte » chère à Henry Chesbrough[4], professeur à Berkeley. Ainsi, partant de l’idée que l’union fait la force et que les nouvelles idées sont issues des échanges, la SNCF, EDF ou Alcatel Lucent par exemple, ont choisi de mettre en relation les compétences et idées de leurs collaborateurs avec des laboratoires de R&D, PME et start-up externes. Dans leur cas, le digital n’est pas une fin en soi, mais plutôt un moyen de favoriser l’innovation en faisant tomber les distances et les barrières physiques et culturelles classiques.

Innovation digitale ≠ transformation numérique réussie

Il ne suffit pas d’être digital pour être innovant, et il ne suffit pas non plus d’être innovant pour être rentable 

Il faut toujours se méfier des raccourcis et donc se demander si le syllogisme idéologique et l’importance des montants investis dans l’innovation technologique ne sont pas un écran de fumée masquant l’incapacité des entreprises à pouvoir/vouloir réellement se transformer.

Certes, il n’y a qu’à consulter les sites Web corporate ou rapports d’activité des entreprises du CAC 40 pour constater que l’innovation est partout : 95% des entreprises observées ont un service de R&D, 20% une fondation pour l’innovation, 20% des dispositifs d’appels à idées & projets, 79% participent à des incubateurs et 40% ont une communication autour d’une stratégie digitale[5].



[1] Source
[2] Source
[3] Source
[4] Source
[5] Benchmark réalisé par VIATYS Conseil sur l’indice CAC 40 du mois de Mars 2015
[1] Google, Apple, Facebook et Amazon
[2] Source
[3] Source
[4] Source