IA en 2016 : artifice d'intelligence plutôt que science-fiction ?

Tous les éditeurs ou géants de la Silicon Valley y vont de leur fonctionnalité "propulsée par l'intelligence artificielle", mais où en est-on vraiment ? Le point.

C’était déjà le grand sujet avant l’été, on imagine que ce n’est que le début. Les bots commençaient à être sur toutes les lèvres. Comme pour chaque innovation un peu originale qui permet de montrer qu’on est à la pointe de l’innovation, le Facebook bot est devenu l’objectif de nombre de marketeurs digitaux. Être le premier, c’était le Graal, comme à chaque fois. On a donc vu fleurir depuis le mois d’avril de nombreux projets plus ou moins aboutis sur le sujet. J’en ai testé quelques uns (30 pour être exact, compilés ici). Dans 99% des cas la conclusion était la même : pourquoi avoir choisi le format bot ? Pourquoi appeler cela des expériences “conversationnelles” alors qu’on en est encore loin ?

Pour être honnête le titre n’est pas de moi, mais de Paul-Louis Belletante (co-fondateur de la plateforme de suivi santé/bien-être Betterise). C’est très juste dans le contexte actuel d’effervescence autour d’un sujet qui est plus du domaine du mythe que de la réalité. Malgré tout ce que les professionnels de la relation client ou du “commerce conversationnel” essayent de faire croire aux plus crédules de leurs prospects les moins au point sur le sujet.

Un bot, aujourd’hui, c’est quoi ?
Reposons les bases. Aujourd’hui de quoi sont capables les robots “conversationnels” qui fleurissent un peu partout autour de nous ? Pour faire simple, ils peuvent vous répondre B si il comprend que vous lui posez une question A que ses développeurs ont pensé à coder dans son arbre de décision. Si vous déviez ne serait-ce que d’un poil de la ligne définie c’est vite le drame. Combien de fois dans mes tests je me suis retrouvé face à un robot complètement perdu parce que je lui demandais bien  “MENU” (une action qu’il connaît), mais alors qu’il attendait “Cacahouète” ou “Pistache”. Et pas “MENU”, pas à ce moment là en tout cas. Alors que c’est ce menu qui permet de “naviguer” dans le bot.Avec cet exemple vous mesurez certainement le degré d’intelligence de 90% des bots disponibles aujourd’hui sur Facebook Messenger, Twitter ou Slack. Ils agissent selon un scénario préétabli qui n’autorise (quasiment) aucune sortie de route côté utilisateur. Pourtant on peut souvent faire mieux avec un outil gratuit comme Chatfuel qui est gratuit et facile à prendre en main, pour peu que l’on se donne la peine d’imaginer différents cas d’usage. Mais c’est un autre débat.

Une couche publicitaire de plus
Ou de génération de leads si on veut parler correctement le langage du marketing digital. Le but du bot de titre de presse ? Vous faire cliquer sur un lien pour vous faire venir sur son site. A base d’expérience sur mesure selon vos centres d’intérêt (plus simplement selon les données de cookies en mémoire via les différents trackers en place chez Facebook et chez l’éditeur) ou sur un mot clé donné (qui doit être reconnu et pré-programmé côté bot).Les marketeurs espèrent vous faire remplir un formulaire ou vous vendre quelque chose en s’engageant avec vous dans du “commerce conversationnel”. C’est vrai qu’il est bien plus facile d’essayer de commander avec un robot qui ne comprend pas toujours tout que via un formulaire ou une application mobile. Sans aucun doute.Autre dimension non négligeable, notamment dans Facebook Messenger, l’idée est aussi de réinventer les notifications mobiles. Plus besoin de récupérer le consentement via une application, il suffit de s’engager une fois avec un bot sur Facebook pour recevoir, par défaut, des notifications à chaque nouveau message. Un vrai plus dans la course à l’attention. Une façon de faire plus discutable du côté de l’expérience utilisateur. Bien entendu vous pouvez désactiver les sollicitations, mais bon courage pour trouver l’option…Deuxième étape : le cognitifC’est le deuxième mythe à l’oeuvre avec le développement de solutions comme le Watson d’IBM. Imaginez donc, ce super ordinateur serait capable de battre les meilleurs joueurs du jeu Jeopardy, réputé pour la difficulté de compréhension de ses questions. Au lieu d’avoir un script bien établi on entre dans une nouvelle ère de robots capables de comprendre et de contextualiser l’information avant de vous répondre de la façon la plus naturelle possible.En contextualisant des milliers d’informations pour les recouper en quelques dixièmes de secondes on passe à la vitesse supérieure. Et ça n’a plus grand chose à voir avec les bots ultra scriptés que l’on connaît aujourd’hui. Cela pourrait même être un formidable de levier de diffusion plus large d’une expertise complexe comme l’explique très bien Pascal Sempé, responsable Europe pour Watson Health chez IBM.

Soyons honnêtes, quand ces solutions seront adoptées par les industriels et couplées au big data on sera à des années lumières du retargetting actuel. Pour l’instant ces super robots capables de comprendre et d’analyser “comme des humains” sont réservés à des secteurs comme la santé où ils font déjà des miracles. On se rapprocherait déjà un peu plus d’une véritable intelligence artificielle, nourrie par des vrais humains dans les limites (techniques et éthiques) que ces derniers voudront bien leur implémenter.

La domination des machines ce n’est pas pour aujourd’hui !

Même si des éminents spécialistes nous sensibilisent déjà sur le droit des robots, ou sur les risques de dérives orwéliennes il faut savoir raison garder. Le marché de l’intelligence artificielle d’aujourd’hui n’en est qu’à ses balbutiements. Certains plus prometteurs que d’autres.