Pilotage Agile maîtrisé, affichage mural et métrique des changements

Parmi les valeurs Agiles se situent la communication et l’acceptation des changements. Il en découle une forme incontournable de mise en oeuvre : l’affichage mural.

La première qualité d’un affichage mural est sa simplicité

L’observation de nombreux projets dans diverses entreprises m’amène à préciser la raison d’être et le contenu du reporting Agile basique.  Un affichage mural élémentaire (figure suivante) comprend trois éléments :

La liste des freins et des obstacles (pas de post-it car facilement destructibles),

Le kanban de production, comprenant (à minima) les colonnes suivantes : fonctionnalités à  produire, taches découpées, éléments en cours de production, éléments testés techniquement, éléments acceptés fonctionnellement (done).

Le graphique d’avancement du projet  (Burn-Up chart). Il matérialise la vélocité des sprints exprimée en unités d’œuvre produites et acceptées par le propriétaire du produit.

Cette partie du reporting est nécessairement standardisée, car elle est partagée avec  les acteurs « hors équipe » souhaitant disposer d’une vision de l’avancement du produit en cours de réalisation. Il  découle de ce besoin que tous les projets doivent respecter le même format de post-it et de techniques d’affichage. Une autre partie distincte de cet affichage peut être spécialisée - par et pour l’équipe. En effet, chaque projet est souvent différent des autres en matière de contenu ou de préoccupations (de l’équipe ou des acteurs impliqués). Une zone d’affichage complémentaire à l’affichage standard peut alors être élaborée en regard de ces spécificités. Mais il faut  alors garder en permanence à l’esprit que la meilleure communication est celle du face à face direct et immédiat (première des valeurs agiles).

La seconde qualité attendue d’un affichage mural impose sa MAJ en temps réel

La mise à jour du Kanban (par déplacement de post-it) doit impérativement se faire en temps réel. Attendre le stand-up meeting pour le faire est une erreur. D’une part le modèle s’écarterait de la réalité et d’autre part, les acteurs pourraient très bien ne pas être là le lendemain. Les avantages de l’affichage mural temps réel sur les anciennes formes de reporting sont nombreux. Lorsque ces informations sont conservées dans des outils automatisés, il est rare que les dirigeants y accèdent. Lorsqu’ils souhaitent alors obtenir une vision de l’avancement, ils interrogent généralement le chef du projet, lequel dérangera alors à son tour l’équipe pour obtenir l’information à jour (en admettant que tous les membres soient présents). Avec le reporting mural temps réel, une personne formée à sa lecture dispose de l’information complète et la plus récente, d’un seul coup d’œil, et sans déranger personne. 

Note : la notion de « temps réel » doit être prise au sens propre. La tâche « encours » doit être passée à « testé technique » à l’instant même de sa finalisation. L’engagement de la tâche suivante, au moment même où la ressource débute son exécution.

L’illustration suivante (un cas réel), représente parfaitement la mise en œuvre de ce principe. Lequel représente un niveau de professionnalisme sans commune mesure avec les trois colonnes habituelles (en attente, en cours, terminée), qui néanmoins sont souvent suffisante au métier lorsqu’il pilote la production de sa liste des fonctionnalités (Backlog) comme un projet à part entière.

Dans les salles dédiées modernes, c’est l’ensemble des murs qui doit être magnétisé pour fixer les post-it avec des aimants. Généralement, il est aussi possible d’utiliser ces murs comme Paperboard.

La troisième qualité implique la maitrise des changements

Grace à la puissante simplicité d’une métrique formelle, la maîtrise d’un contrat Agile devient tout à fait possible. Elle se base sur l'évaluation du périmètre connu à produire avec une technique Agile comme le jeu d'estimation consensuelle (Planning poker game). Ce principe exprime, en unités d'œuvre - telle les journées idéales par exemple - un engagement de l’équipe sur des objectifs précis. Ces objectifs font l’objet du contrat-projet initial. Le contenu fonctionnel peut ensuite être modifié, en permanence et même en cours de développement, par la maîtrise d'ouvrage (troisième des valeurs agiles). Chaque modification est tracée sur la fiche de récit utilisateur de la fonctionnalité modifiée ou même abandonnée alors qu’elle se trouvait en cours de développement. Les parties de développement réutilisables sont ensuite réintégrées dans l’évaluation formelle des modifications ou des nouvelles fonctionnalités. Il y aura aussi quelques petites règles à respecter pour ne pas  pénaliser l’équipe ou le métier.

Le Post-it nécessaire à l’aspect « adaptatif » d’une production agile contrôlée, comme le montre la figure suivante, est en pratique un peu plus complet que ce qui se trouve généralement sur les murs. Il est d’ailleurs très rare que ce soit la vraie fonctionnalité complète et ses cas de tests réels qui y soient détaillés. De plus, l’aspect autocollant éphémère du Post-It impose que les fonctionnalités soient conservées sur un support plus pérenne (Excel ou outil spécialisé).

En ce qui concerne la rétrospective quotidienne, le « Daily, morning, stand up, meeting »,  dont le but est d’obtenir un feedback journalier, doit se réaliser devant cet affichage et la transparence doit être  totale.

La quatrième qualité nécessite la concision standardisée du graphe d’avancement

Dans le contexte d’un engagement Agile sur un contrat projet, l’équipe a pour obligation de livrer en fin d’incrément un nombre d’unités d’œuvre au moins égal à sa vitesse nominale prévue en début de projet (nombre de personnes* nombre de jours ouvrés de travail sur l’incrément) ; le nombre d’unités d’œuvre (UE) permettant de présenter graphiquement la productivité obtenue pour chaque incrément se compose alors ainsi : UE livrées au total = UE livrées utiles + UE livrées abandonnées. Ce principe se matérialise ensuite avec la forme de reporting Agile évolué nommé BurnUp chart (figure suivante). C’est à ma connaissance le seul moyen formalisé d’accepter le « changement » (la valeur Agile suprême) nécessaire à la satisfaction du « métier » sans perte de contrôle pour l’équipe de sa performance de développement.

L'acceptation du mode adaptatif permet au client de modifier ses exigences en cours de projet (quatrième des valeurs agile), mais aura pour conséquence l'éventualité d'un périmètre variable. Dans la plupart des projets conséquents ou stratégiques, des contraintes plus nombreuses doivent être prises en compte afin d'optimiser le pilotage de la réalisation.

Conclusion

Le "reporting mural" est indispensable à l’agilité. Selon mon expérience, après la priorité numéro 1 - qui consiste à doter l’équipe des environnements de travail et de production des fonctionnalités utiles au métier est satisfaite -  rien n’est plus utile à la maitrise du pilotage du développement. Ne nous y trompons pas, ces nécessités de mur physique et de Post-it papier perdureront aussi longtemps que la technologie ne permettra pas de fournir des écrans muraux tactiles d’une définition suffisante pour remplacer parfaitement cet affichage ancestral redevenu  indispensable à l'Agilité actuelle. D’ailleurs, à ce moment-là,  la distance entre les acteurs d’un projet disparaitra du même coup, puisque tous seront présents dans « la salle d’à côté » qu’elle soit située dans l’immeuble voisin ou sur un autre continent.