Survivre au "Far West Digital" grâce au DevOps

Dans la distribution, le Gartner qualifie l’environnement économique de "Far West Digital". Dans ce contexte de ruée vers l’or, ce sont les enseignes qui mettront à disposition de nouveaux services les premières qui retireront tous les bénéfices.

37 millions, soit le nombre de consommateurs qui ont fait un achat en ligne en 2016 et les tranches d’âge 25-34 et 34-44 sont celles qui consomment le plus en ligne. Selon la Fevad, l’année dernière, ces cyberacheteurs ont dépensé environ 2 000€ par personne pour une moyenne de 28 transactions. Dans un monde économique en plein bouleversement, les retailers traditionnels font face à la concurrence de géants du commerce en ligne, tels qu’Amazon ou encore Alibaba, pour ne citer qu’eux. En 2016, le chiffre d’affaires d’Amazon s’élevait à 136 milliards de dollars (en hausse de 27% par rapport à 2015) contre 23 milliards pour Alibaba en hausse de 56% en un an. Pourtant, s’ils dominent le secteur, les deux entreprises ont toutefois des modèles économiques sensiblement différents : Alibaba se positionnant comme une pure marketplace, tandis qu’Amazon a plutôt une logique de retailer.

Pour les enseignes de la distribution, si l’e-commerce constitue une importante manne financière et un véritable relai de croissance, elles doivent néanmoins faire face à la pression de ces géants tout en répondant aux nouvelles habitudes d’achat des consommateurs. Ces derniers recherchent de nouveaux services hybrides, allant de la livraison à domicile au retrait en magasin en passant par le point relais. Face à ces nouveaux usages, les marchands ont pour principal défi de multiplier les points de contact avec les consommateurs en leur proposant une offre unifiée et en améliorant leur expérience d’achat. Charge à eux, donc, de développer et faire évoluer le patrimoine applicatif qui supportera ces nouveaux services orientés client.

Un héritage IT lourd dans la grande distribution

Les enseignes traditionnelles qui s’appuient le plus souvent sur un système informatique historique peu agile, mettent généralement en place une séparation nette entre les équipes online et traditionnelles. Cette segmentation des projets a été largement décrite par le cabinet Gartner comme relevant du principe de l’informatique « Bi-Modale ». L’objectif principal consiste à isoler les activités innovantes de façon à ce qu’elles ne soient pas ralenties par les activités historiques, évoluant à un rythme plus lent.

Cette séparation a souvent été renforcée par le rachat d’acteurs du e-commerce, qui a permis aux enseignes traditionnelles de s’implanter plus rapidement en ligne et ainsi rattraper leur retard sur des concurrents 100% numériques. Exemple des Galeries Lafayette qui ont racheté, en 2016, Bazarchic, start-up spécialisée dans les ventes privées de grandes marques, consolidant ainsi leur dynamique d’ouverture de nouveaux canaux d’accès aux consommateurs. La même année, Walmart, distancé par Amazon, a acquis, la start-up Jet pour 3,3 milliards de dollars. Carrefour, a également avalé RueDuCommerce pour appuyer son réseau de près de 6000 magasins physiques.

S’il a le mérite du pragmatisme, le concept d’informatique « bi-modale » trouve néanmoins ses limites puisqu’il favorise la multiplication des systèmes et des méthodes. Sa pérennisation sur le long terme expose donc les entreprises à une informatique « multi-modale » organisée en silos étanches, ce qui reste peu propice à supporter les contraintes d’une véritable stratégie omnicanal.

En effet, dans une perspective omnicanal, l’objectif des enseignes n’est pas de se transformer en pure-players. Elles doivent capitaliser sur leurs points de vente physiques tout en développant une offre périphérique pour répondre aux nouveaux besoins et usages des consommateurs. Donc il s’agit bien de s’appuyer simultanément et d’intégrer les systèmes « online » et l’informatique magasin.

C’est le cas notamment de BUT, le spécialiste de l’ameublement, qui a entamé il y a 3 ans une refonte de son SI pour transformer ses points de vente. Dans le cadre de sa stratégie omnicanal, le groupe souhaite pouvoir identifier le client au point d’entrée, quel que soit son emplacement (physique ou online). Pour cela, BUT a mis en place sa démarche de transformation numérique en s’appuyant sur DevOps.

Répondre aux enjeux marché grâce au DevOps

L’idée fondatrice derrière DevOps consiste à rapprocher développeurs et équipes de production dans une démarche plus agile, s’appuyant sur des processus plus fluides. Une agilité indispensable pour accélérer la livraison de nouveaux services digitaux et améliorer la compétitivité des entreprises sur des marchés en mutation rapide. L’adoption de DevOps génère des bénéfices tangibles, selon le cabinet IDC, 50% des entreprises ayant mis en place DevOps ont un cycle de mise en production d’applications inférieur à deux semaines. Pour celles qui ont délaissé DevOps, moins de 30% d’entre elles peuvent prétendre à un délai de moins de deux semaines.

Notamment la forte adoption des technologies big data dans le domaine de la distribution promeut implicitement DevOps. Les approches projet habituellement utilisées s’avèrent en effet particulièrement inefficaces puisque d’un côté le volume énorme des données empêche la duplication dans un environnement de test, et de l’autre, la forte pression des métiers limite le temps imparti à la qualification. Il n’y a de ce fait plus matière à séparer les équipes développement et opérations lorsque vous ne pouvez valider la pertinence de vos algorithmes marketing qu’une fois en production.

Pourtant l’augmentation des cadences de changement dans le code des applications n’est pas sans risques sur la qualité des services proposés aux clients. L’automatisation et l’orchestration de la chaîne de livraison des applications constitue ainsi une des clés de la réussite pour DevOps. Sans automatisation, l’accélération du rythme du changement est synonyme d’erreurs humaines, goulets d’étranglement, retards et mise à jour catastrophiques.

Automatiser, automatiser et encore automatiser

Il reste encore beaucoup à faire dans l’orchestration de la chaine de livraison des applications. Si la plupart des équipes informatiques sont aujourd’hui plus productives grâce à des outillages spécifiques, l’automatisation reste compartimentée, notamment par domaine technologique (mainframe, ERP, systèmes ouverts, web). Cette approche s’appuyant sur des « ilots d’automatisation » et renforcée par le contexte « multi-modal » empêche une livraison fluide et continue des applications depuis le développement jusqu’à la production. En outre, le fonctionnement en silos complique fortement l’intégration nécessaire des différents systèmes animant l’expérience omnicanal.

Ce n’est donc pas le manque d’outillages, mais plutôt l’absence d’automatisation de bout-en-bout, qui peut mettre en péril les initiatives DevOps. En un sens, trop d’automatisations tue l’automatisation et empêche d’atteindre le nirvana applicatif promis par DevOps : la livraison continue des changements ou « continuous delivery ».

L’innovation est de plus en plus la clé du succès et de la compétitivité dans le vaste champ de bataille que constitue la distribution. Le cabinet d’analyse Gartner qualifie l’environnement économique actuel de « Far West Digital ». Dans ce contexte de ruée vers l’or, ce sont les enseignes qui mettront à disposition de nouveaux services les premières qui retireront tous les bénéfices, les autres se contenteront des miettes. Ainsi l’adoption de DevOps va tendre à se généraliser, avec en ligne de mire, la mise à disposition continue de nouveaux services basés sur des technologies comme le big data, l’intelligence artificielle ou encore l’internet des objets. Alors, pas de doute possible, « go west », et mieux vaut être du voyage !