Pas de data science sans stratégie et organisation

Pour créer de la valeur, la data science doit s’inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise et dans la réalité de son organisation avec pour objectif de servir son business.

L'explosion quantitative des données et l’enjeu de leur maîtrise ont généré des besoins en compétences spécialisées pour en exploiter toute la richesse. Cette tendance a non seulement entrainé la profusion des technologies (infrastructures, librairies de calcul ...) et des formations en data science (plus de 150 écoles et universités en disposent aujourd’hui dans l’Hexagone) mais également suscité d’énormes attentes du côté des entreprises.

Alors même qu'elles sont convaincues qu'une bonne exploitation des données procure un fort avantage compétitif, beaucoup de ces entreprises déchantent. Trop souvent, l’espérance liée à la création de valeur autour des données s’avère inversement proportionnelle à la précision des moyens mis en œuvre. Pour créer de la valeur, la data science doit s’inscrire dans la stratégie globale de l’entreprise et dans la réalité de son organisation avec pour objectif de servir son business.

En d’autres termes, la définition préalable des besoins de l’entreprise est une condition nécessaire à l’implémentation de modèles adaptés et efficaces. Ces besoins vont du pilotage de l’entreprise au management des opérations, en passant par l’évolution de l’offre (produit, pricing) ou l’optimisation de la segmentation client. L’adoption de plateformes de business intelligence répondra ainsi au besoin de pilotage en optimisant la prise de décision et l’efficacité opérationnelle alors que le travail de recherche statistique et mathématique sur la donnée s’inscrira dans un temps plus long dans le but par exemple de perfectionner un produit.

C’est parce que les besoins auront été bien identifiés que les missions du data scientist pourront être définies avec suffisamment de précision pour servir les attentes des entreprises mais aussi susciter l’intérêt des candidats qui n’aiment pas le flou ! La terminologie « data scientist » étant à la fois nouvelle et large, il vaut mieux bien prendre le temps de bien définir les attendus. Trop d’offres d’emploi se noient dans un assemblage confus de tâches ou de compétences se rapportant à la data science sans préciser la raison d’être (le pourquoi) et les missions (le comment) du poste proposé. L’entreprise Lyft, premier rival d’Uber dans le monde, a clarifié dans ce sens la sémantique des postes liés à la data science au sein de son organisation en distinguant :

  • d’un côté les analystes extrayant des informations des données, surveillant la santé de l’entreprise et contribuant à une meilleure prise de décision ;
  • et de l’autre côté les scientifiques construisant les modèles mathématiques et algorithmes alimentant les principaux composants du produit.

Si définir les missions constitue un moyen pour cibler au mieux les candidatures, nul doute de la responsabilité des sites d’emploi, chasseurs de tête et plateformes de freelances dans le rôle d’intermédiation entre l’entreprise et le candidat. Et face à ces nouveaux métiers, de nouveaux acteurs comme Welcome To The Jungle, Malt ou Comet font un travail remarquable.

Une fois recrutés, les data scientists doivent être intégrés selon une organisation qui utilise au mieux leurs compétences et savoir-faire. Si chaque entreprise déploie son propre modèle, trois grands modes d’organisation ont d’ores et déjà montré leur efficacité.

  1. En mode autonome comme chez LinkedIn et Facebook, les data scientists opèrent au sein d’une unité autonome parallèlement aux équipes techniques. Ainsi détachés des opérations quotidiennes, les data scientists ont l’occasion de s’investir dans des projets de recherche et développement à long terme même si le risque de déconnexion avec les équipes opérationnelles est important. Ce mode d’organisation ne peut fonctionner qu’au sein d’entreprises à forte culture technologique où les entités opérationnelles sont déjà complètement imprégnées de la dimension data.
  2. En mode intégré, les data scientists sont affiliés à des équipes qui en ont besoin et s’inscrivent au cœur du business opérationnel. En contrepartie les projets de long terme sont plus rares et les managers d’équipes doivent nécessairement comprendre les problématiques relatives à la donnée.
  3. Enfin dans une organisation embarquée, certainement le modèle le plus répandu, les équipes de data scientists viennent en aide aux différentes unités de l’entreprise (commerciale, opérationnelle, marketing…) pour identifier,  comprendre et résoudre leurs différentes problématiques. Ils interviennent ainsi sur des projets concrets à forte valeur ajoutée mais perdent en autonomie dans la mesure où les tâches leur sont assignées.

En définitive, c’est probablement en la démystifiant et en l’intégrant dans une vision stratégique et managériale que les entreprises tireront pleinement profit de la data science. Pour autant, face à l’explosion de la demande de data scientists, les organisations doivent relever le défi de l’attractivité et de la rétention de ces talents plutôt enclins au nomadisme.  Le fondateur de Kaggle, Anthony Goldbloom indiquait en effet en 2017 que "59% des personnes travaillant dans ce domaine passeraient en moyenne une à deux heures par semaine à chercher un nouveau poste".