Patrick Bertrand (Cegid) : "Nous sommes en très forte position sur ce qu'est véritablement le mid-market"

L'éditeur lyonnais a placé la fourniture d'applications métiers et d'ERP en mode SaaS au rang de ses priorités stratégiques. Face à SAP, Oracle et Microsoft, il montre les crocs sur le marché très convoité du mid-market.

Comment se répartissent vos gammes de solutions ?

Nous sommes présents sur 4 domaines de compétences : les ERP, la finance-fiscalité, la paie/RH et les ERP verticaux : mode, distribution, BTP, hôtellerie restauration, industrie... Et nous visons des positions de leader dans chacun de ces domaines.

Quelles solutions sont à envisager pour une PME de 50 personnes en mode utilisation a distance ?

Tout dépend bien sûr des applications fonctionnelles dont vous avez besoin. Si on raisonne de façon standard avec des besoins relatifs à la gestion commerciale, comptabilité-finance et paie/RH, nous sommes en mesure de mettre à la disposition d'entreprises de votre taille une solution en mode on demand.

Ce mode d'utilisation permet de disposer rapidement d'un système d'information dont l'exploitation est confiée à votre partenaire informatique. L'avantage supplémentaire que présente Cegid est que nous assurons nous-même l'hébergement : de ce fait, vous serez dans une relation bilatérale et non avec un troisième partenaire hébergeur comme c'est le cas la plupart du temps avec les autres éditeurs qui ont annoncé avoir une offre en mode on demand.

Groupama est entré à votre capital en septembre dernier : pourquoi ? Pour quels bénéfices ?

Ce partenariat avec Groupama apporte deux éléments essentiels à Cegid. Tout d'abord un actionnaire puissant ayant une vision à long terme et capable d'accompagner le développement du groupe. Mais aussi un accord industriel important qui se situe dans le contexte d'évolution de l'offre des éditeurs de logiciels.

En effet, les systèmes d'information ne peuvent plus se contenter d'être de simples outils de calcul et de traitement de la donnée, mais apporter du contenu et répondre à la problématique de gestion d'une chaîne métier. Par exemple, dans le domaine de la paie/RH, le système d'information doit non seulement gérer la paie mais aussi assurer le suivi réglementaire, les modules de calcul des indemnités de fin de carrière, de l'épargne collective, de la simulation des retraites complémentaires etc... Et tout cela doit être intégré et chaîné.

Les éditeurs doivent donc avoir des partenaire susceptibles de leur apporter la compétence dans les domaines concernés. C'est le sens du partenariat avec Groupama, avec lequel nous allons développer des modules de logiciels sur tous les sujets qui touchent à la retraite, l'épargne collective, le statut du dirigeant, etc...

Croyez-vous toujours au modèle économique reposant sur la vente de licences logicielles ? Si oui, pensez-vous être suffisamment agile pour le faire évoluer ?

La réalité du monde d'aujourd'hui, dans tous les domaines, est marquée par la diversité des comportements, des attentes, etc... Il en est ainsi, aussi, dans le domaine des systèmes d'information : la pensée unique n'existe plus.

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"Les business models traditionnels, du on demand et du Web 2.0 vont coexister encore très longtemps" © Cécile Genest

En réalité, les différents business model - à savoir on demand, traditionnel et Web2.0 - vont coexister encore pendant très longtemps. Cela relève aussi d'un raisonnement un peu archaïque de penser que le monde professionnel fonctionne dans des logiques de big bang.

Pour terminer, les principaux instituts d'analyse indiquent une part du SaaS de l'ordre de 25 % à l'horizon 2011... En conclusion, cela signifie que les éditeurs, et c'est le cas de Cegid depuis plusieurs années, doivent être en mesure de répondre à tous les modes d'utilisation. De même, nous développons au travers de notre portail comptanoo.fr un mode de développement très proche du modèle fondé sur les recettes publicitaires couplées avec la mise en ligne de logiciels payants.

J'ai lu que vous envisagiez de vous développer par le biais d'opérations de croissance externe, vous avez des projets en vue pour 2008 ? Et après ?

Le développement des éditeurs de logiciels passe aujourd'hui nécessairement par le couple croissance interne/externe. Cegid a montré au cours de ces dernières années qu'elle avait cette capacité à continuer à conquérir des parts de marché tout en maîtrisant l'intégration de nombreuses entreprises avec lesquelles nous nous sommes rapprochées. Nous allons poursuivre cette stratégie et prévoyons, bien sûr, de réaliser des opérations en 2008, et les années suivantes.

Accepteriez-vous une alliance avec un grand éditeur étranger ?

Je ne sais pas bien ce que signifie le mot alliance. En effet, si l'on va plus loin que la seule notion de partenariat, un rapprochement entre deux entreprises ne peut être réussi que s'il y a une véritable stratégie et une équipe de management unique pour la mettre en œuvre. C'est la condition de réussite d'un rapprochement, peu importe le sens dans lequel il est réalisé. Nous sommes bien évidemment ouvert à tout rapprochement qui s'inscrirait dans cette logique industrielle et permettrait à Cegid de continuer à se développer.

En quoi consiste votre stratégie SaaS ? Allez-vous innover ou dépoussiérer vos offres hébergées d'antan ?

Votre question est intéressante car elle me permet de dire que Cegid, grâce à son rapprochement avec CCMX, n'en est plus, comme c'est le cas de la plupart de nos confrères, aux effets d'annonce mais bien dans la mise en œuvre depuis plus de 6 années d'une véritable expertise en matière de solutions SaaS tant à destination des TPE que des moyennes/grandes entreprises.

Nos offres actuelles sont développées sur des technologies modernes et la quasi totalité de notre offre logicielle est disponible en mode hébergé. Le couple compétence hébergement de CCMX et technologie Web Access - au travers du client riche - de Cegid constitue sans doute un des plus beaux atouts du rapprochement que nous avons opéré.

Enfin, beaucoup en parle et peu sont en mesure d'annoncer des chiffres : pour Cegid, en 2007, plus de 11 millions d'euros de chiffre d'affaires ont été réalisé en SaaS, ce qui nous place en première place et de très loin, des éditeurs français.

Les prestations d'intégration sont-elles incluses aux mensualités ou payées à part ? Y'a t-il un engagement de durée minimale sur vos offrers SaaS et si oui, quelle est cette durée ?

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"L'appétence pour le SaaS varie beaucoup en fonction du secteur d'activité, du domaine fonctionnel et de la taille de l'entreprise" © Cécile Genest

Dans ce domaine, nous nous adaptons au choix du client, et il est bien évidemment possible d'intégrer les prestations d'intégration dans la mensualité. En ce qui concerne la durée, elle est mensuelle s'il s'agit d'une application simple, principalement solutions en mode ASP pour les TPE. pour les applications à destinations des entreprises moyennes et grandes, la durée moyenne est en général de 3 ans.

Craigniez-vous les éditeurs 100% SaaS ? Quels sont ceux qui pour vous sont le plus porteurs d'initiatives intéressantes dans le domaine de l'ERP ?

Pour éclairer le débat, j'ai lu récemment une étude très intéressante montrant qu'en réalité ce sont les éditeurs traditionnels qui vont bénéficier de l'évolution de la demande en matière de SaaS car ils bénéficient d'une base installée de clients fidèles qui seront naturellement enclins à suivre leur éditeur dès lors que celui-ci apporte une nouvelle offre dans ce domaine.

Mis à part le cas de Salesforce qui est particulier car il correspond à un momentum fort entre émergence du SaaS et arrivée de l'offre CRM, je ne connais pas de particulières réussites de pure player sur le mode SaaS dans le domaine des logiciels de gestion.

Comment analysez-vous la demande des entreprises en termes de SaaS ? Est-elle si importante que cela ? Qui est le plus concerné ?

La réponse ne peut pas être monolithique car en réalité, on constate que l'appétence pour le SaaS varie beaucoup en fonction du secteur d'activité, du domaine fonctionnel et de la taille de l'entreprise. Pour répondre plus précisément, nous constatons par exemple que les entreprises de la distribution ou du secteur des café, hôteliers et restaurateurs qui se développent en multipliant les points de vente apprécient de plus en plus le mode on demand.

De même, il y a une longue tradition dans le domaine fonctionnel de la paie/RH et enfin beaucoup de moyennes/grandes entreprises qui mènent des politiques actives d'externalisation sont demandeuses de SI en mode on demand. Concernant les TPE, il y a une montée en puissance progressive.

Quelle est votre position sur le marché par rapport à Oracle, SAP et Microsoft ? Vous sentez-vous en concurrence directe avec eux ?

La première réponse est de savoir de quel marché nous parlons, tant le flou existe et est même entretenu par certains, dans la définition de ce qu'est le mid-market. Très clairement, nous sommes en très forte position sur ce qu'est véritablement le mid-market, c'est-à-dire des entreprises de 100 à 2 000 personnes et nous n'avons pas le sentiment que les annonces répétées, faites notamment par SAP depuis 4 ans, traduisent une réussite de la stratégie des grands acteurs mondiaux sur cette cible de clientèle.

Sur le mid-market, tel que défini ci-dessus, nous sommes surtout en concurrence avec des acteurs spécialisés par domaines, plutôt qu'avec des acteurs qui ont une offre générique. Vous savez que cela a été une stratégie constante de Cegid de considérer que les utilisateurs attendaient des logiciels adaptés à leur métier et non des logiciels génériques qui vont à tout le monde et donc à personne ! J'observe d'ailleurs, que nombreux sont ceux qui essaient de rattraper ce retard en développant les acquisitions dans des domaines verticaux.

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"Notre chiffre d’affaires consolidé se répartit entre 30 % pour la profession comptable et 70 % pour les entreprises" © Cécile Genest

Dans les faits votre clientèle est plutôt tirée par les professions libérales et comptables. Quels moyens allez-vous vous donner pour élargir votre cible ?

Nous n'avons pas assez communiqué au cours des 10 dernières années ! Aujourd'hui, le chiffre d'affaires consolidé de Cegid est réparti entre 30 % pour la profession comptable et 70 % pour les entreprises. Au départ, surtout les petites entreprises (low end) et depuis 2 ans aussi sur les moyennes grandes entreprises (high end). C'est d'ailleurs ce dernier segment qui tire la croissance de Cegid, soit à hauteur de plus de 13% en termes de vente de licences et de services d'intégration en 2007.

Cegid n'est plus depuis longtemps un "éditeur de logiciels comptables pour les experts-comptables", mais un éditeur global de solutions de gestion dans les domaines de compétences rappelés ci-dessus.

Cegid prévoit-il de recruter cette année ? Si oui, combien de personnes et dans quels domaines ?

Oui, bien sûr, nous sommes constamment à la recherche de compétences et de personnalités dynamiques, notamment dans les domaines commercial, déploiement et recherche et développement. Nous avons un programme de plus de 100 recrutements... Venez nous rejoindre : le métier d'éditeur de logiciels est un métier passionnant, varié avec de fortes possibilités d'évolution.

Vous avez instauré la parité hommes-femmes en janvier dernier : quels changements concrets avez-vous apportés ?

Nous avons été parmi les premiers à signer un accord dans ce domaine après des discussions fructueuses et positives avec les représentants du personnel. Nous allons mettre en œuvre les dispositions prévues car nous sommes convaincus que le développement de l'emploi des femmes en entreprises est un facteur d'équilibre, de stabilité, et d'approches différentes. Tous ces éléments étant très positifs pour le développement de l'entreprise et en premier lieu pour développer la capacité de Cegid à recruter et bien recruter !

Pensez-vous pâtir de la morosité ambiante qui frappe actuellement l'économie ?

C'est une évidence de dire qu'un contexte économique a une influence sur le développement de l'investissement des entreprises. Cependant, les rencontres que j'ai effectuées depuis le début de l'année avec des clients, et collaborateurs, collaboratrices de Cegid, ne m'apportent pas d'informations alarmistes sur l'évolution des affaires, notamment en matière d'investissement informatique.

Nous sommes donc raisonnablement confiants et pensons que Cegid a beaucoup d'atouts pour continuer à se développer à plusieurs niveaux : chiffre d'affaires récurrent, largeur de la gamme de produits, importance de la base installée, peu d'exposition au secteur financier et bancaire, etc...

Patrick Bertrand est directeur général de Cegid.