Michel Germain (ClubNet / Arctus) "En 2008, le coût de réalisation des intranets propriétaires et Open Source a été voisin"

Projets, investissements IT, SaaS, effets de la crise... L'année qui vient de s'écouler a bousculé le monde des intranets. Retour sur les 12 derniers mois.

Quel bilan tirez-vous de 2008 en matière d'innovations dans les intranets ?

2008 confirme les tendances observées sur deux points principaux. Sous l'angle de l'innovation, les fonctionnalités ouvertes et interactives du Web social et 2.0 sont de plus en plus présentes dans l'entreprise, avec notamment l'adoption des principes de réseaux sociaux en interne pour dynamiser les échanges et la mutualisation des connaissances.

Sont également de plus en plus présentes l'utilisation des blogs et des wikis à des fins de collaboration ou de gestion des connaissances, l'utilisation accrue du rich média avec le podcasting, des Web TV internes et la généralisation de l'adoption des alertes RSS et du taggage.

Et sous l'angle organisationnel ?

Sous l'angle organisationnel, la maturité de l'intranet se traduit par un souci accru de la prise en compte de l'utilisateur, avec des mécanismes de profilage et de personnalisation plus élaborés. Ils sont destinés à mieux cibler les attentes des collaborateurs et surtout à favoriser l'appropriation.

Par ailleurs, la formalisation de l'organisation qui conditionne la dynamique de l'intranet confirme l'interdépendance du système technique et du système humain qui l'accompagne. On remarque, dans le même temps, l'exigence accrue des utilisateurs qui supportent de moins en moins le différentiel de service entre ce que leur propose l'univers riche d'Internet et les fonctionnalités parfois pauvres proposées par  l'intranet de leur entreprise.

"L'adaptation constante de parcs informatiques hétérogènes devient une contrainte insupportable"

Les technologies SaaS et ASP sont-elles aujourd'hui au cœur des stratégies de développement informatique des entreprises ?

Elles le deviennent pour les DSI des entreprises en mutation, conscients qu'un virage est en train de se prendre. La marge de manœuvre de l'entreprise n'est plus interne mais de plus en plus externe, au même titre que le constat qu'une part croissante de l'innovation de l'entreprise ne provient plus de l'intérieur mais de l'extérieur.

L'essor de la bureautique en ligne, des Google Apps et l'arrivée d'Office Live signent-elles la fin du logiciel en boîte ?

A mon sens oui, assurément. C'est même la chronique d'une mort annoncée ! Microsoft lui-même parle de façon feutrée de la disparition progressive du versioning logiciel au profit d'une adaptation et d'une évolution constante de ce dernier sur abonnement.

Une page se tourne. L'adaptation constante de parcs informatiques hétérogènes devient une contrainte insupportable dans un écosystème Internet fluide, évolutif et rapide.

2008 a-t-elle été favorable au développement et à la diffusion en profondeur de l'Open Source dans les SI en général et dans les intranets en particulier ?

Deux constats, surtout, retiennent mon attention. Le premier est d'observer, en me basant sur les appels d'offres récents effectués pour des clients, que pour la réalisation d'intranets complexes, le coût budgétaire entre Open Source et solutions propriétaires est désormais voisin.

La raison en est d'une part la nécessité de développer souvent dans l'Open Source des fonctionnalités spécifiques non prises en charge par la solution native, d'autre part le coût croissant de l'implémentation et de la maintenance.

Ensuite, le fait est que la force d'une solution repose désormais sur la généralisation de son adoption par le plus grand nombre comme sur la dynamique de partage de la communauté qui l'entoure, en termes de réseau social et de communauté de pratiques.

Attendez-vous beaucoup de l'arrivée des réseaux sociaux et du KM 2.0 au sein des entreprises ?

Les entreprises les plus matures commencent à tirer parti de la dynamique participative des réseaux sociaux pour mieux identifier leur capital de compétences internes, pour formaliser la nature de leur système de connaissance, pour favoriser la constitution de leur patrimoine de connaissance. Ainsi la conjonction d'un réseau social et d'un wiki constitue une opportunité favorable à la réalisation du patrimoine connaissance d'une PME.

"La crise financière va accélérer la e-transformation des organisations du travail"

Dans le même temps, il est nécessaire de rappeler que l'interactivité des réseaux sociaux ne se décrète pas. Elle ne saurait exister sans une solide acculturation aux mécanismes humains qu'elle nécessite par le biais du management, la formalisation de procédures définies, la mise en place d'un système de reconnaissance et de gratification qui fait de cette démarche un processus de la stratégie de l'entreprise et non pas un gadget de communication.

Par la capacité de formalisation de celui-ci grâce aux nouveaux outils de KM, le patrimoine connaissance de l'entreprise acquiert une matérialité et devient un véritable actif. Surtout, il n'est plus la seule affaire de quelques spécialistes, mais celle de tous.

En dépit de la crise, 2009 sera-t-elle propice à des investissements stratégiques de la part des entreprises ? Si oui, dans quels domaines ?

La crise constitue à la fois une épreuve dont les conséquences seront douloureuses, voire tragiques pour certains, en même temps qu'une opportunité pour d'autres. Par la confrontation brutale à la réalité à laquelle elle contraint les entreprises, elle peut convaincre de la nécessité d'engager les réformes maintes fois différées. Surtout, j'ai la conviction qu'elle va accélérer la mutation nécessaire indispensable de l'économie et c,e faisant, la e-transformation des organisations du travail.

La raison en est simple. Tant que l'intranet reste un outil d'information et de communication, il est au service d'une stratégie. Mais quand il devient, par sa dimension collaborative, le support incontournable de l'activité quotidienne, il est support de productivité, d'efficience individuelle et collective et participe à la réduction des coûts.

Quel événement de l'année 2008 vous a le plus marqué ?

La prise de conscience du plus grand nombre à l'égard de l'évolution d'Internet. Autrement dit, la conviction croissante qu'après le Web 1.0 déjà révolu et le Web 2.0 en cours de déploiement, vient de façon inéluctable l'échéance du Web 3.0, à savoir celui de la gouvernance, de l'interopérabilité et du Web sémantique.

Michel Germain est directeur associé d'Arctus, président de ClubNet et professeur associé au Celsa.