Sophie Chambon (Syntec Informatique) "Les entreprises ne voient pas encore la dématérialisation sous un angle environnemental"

Le Syntec Informatique publie un livre vert consacré aux bénéfices que la dématérialisation peut apporter aux entreprises pour réduire leur empreinte écologique. Pour y parvenir, une réflexion très en amont est nécessaire.

Comment positionnez-vous la dématérialisation dans une démarche de développement durable ?
La dématérialisation fait partie des outils à activer pour mettre en œuvre le développement durable dans l'entreprise. Mais elle n'est pas un pari gagné d'avance. Il faut en effet mettre en place des moyens adaptés pour relever le défi du "green IT".

Il faut également veiller à ne pas se focaliser uniquement sur l'usage ou non du papier. Ce serait une vision parcellaire et pas forcément justifiée des projets de dématérialisation. En revanche, dire par exemple que la dématérialisation est un moyen de limiter les besoins en déplacements - grâce aux transactions à distance, à la visioconférence, etc. - et qu'elle permet de réduire de manière drastique l'empreinte écologique de l'entreprise est un discours qui englobe de manière plus juste les enjeux de ce type de projet.

Le développement durable englobe également les problématiques sociétales. Sur ce point, la dématérialisation permet au plus grand nombre d'accéder aux services et à la connaissance, d'avoir accès au télétravail... La dématérialisation contribue ainsi à l'amélioration du confort social.

Quel type de dématérialisation est le plus efficace en termes de développement durable ?

Il est difficile de répondre à votre question car tout dépend des choix globaux qui vont être effectués dans l'entreprise. Il faut en effet appréhender les projets de dématérialisation d'amont en aval, notamment en ce qui concerne l'écoconception des applications, des bases de données, des matériels. Il faut choisir toutes ces infrastructures et solutions IT avec le développement durable comme critère de choix.

La politique d'achat et la gestion des déchets sont-elles responsables ? La gestion de l'emploi est-elle intelligente ? Quel est l'impact des projets de dématérialisation sur la société et ses salariés ? Des sessions de formation pour accompagner les personnes qui vont devoir évoluer sont-elles prévues ? En fin de vie, a-t-on pensé au recyclage des outils ?

Bref, il s'agit là d'une réflexion globale qui s'intégre dans la politique de développement durable globale de l'entreprise. D'une façon générale, il faut appréhender la dématérialisation en fonction de son cycle de vie et non uniquement au niveau des usages.

"Quand une entreprise décide de dématérialiser, elle le fait pour des raisons opérationnelles, mais elle ne traduit pas aujourd'hui ses bénéfices avec des indicateurs environnementaux"

Quels secteurs sont les plus actifs en matière de dématérialisation ?
Ce sont les secteurs où il y a les plus grands volumes : le secteur public et le secteur bancaire. Les PME sont encore très en retrait mais elles se lancent progressivement dans cette démarche. Et au sein des grandes structures, la dématérialisation touche avant tout des processus transverses.

Les entreprises sont-elles motivées par la dématérialisation dans une démarche de Green IT ?
Ce n'est pas un critère qui ressort actuellement. Quand une entreprise décide de dématérialiser, elle le fait pour des raisons opérationnelles, mais elle ne traduit pas aujourd'hui ses bénéfices avec des indicateurs environnementaux.

Cela pourrait par exemple être la réduction du nombre de kilomètres, du turn-over, des congés maladie, une amélioration du confort de travail... Les entreprises devraient, et c'est ce que nous recommandons dans notre livre vert, intégrer ces bénéfices en amont dans leur business plan.

L'usage du papier dans les entreprises est-il aujourd'hui encore bien ancré ?
Oui, plus de 90% des entreprises dématérialisent mais conservent les supports papier. Cela est notamment dû à la résistance au changement, purement humaine, le papier ayant valeur probante. Mais la loi donne valeur probante aussi à de nombreux supports électroniques...

Pour résumer, quels conseils pourriez-vous donner aux entreprises ?
Je leur dirais de ne pas avoir une vision purement informatique ou purement économique des projets de dématérialisation. Si elles intègrent très en amont la démarche, dans leur business plan par exemple, cela leur permettra d'évaluer aussi les bénéfices du développement durable et de maximiser les bénéfices de la dématérialisation, ce qui est un levier de communication et de performance globale pour elles.

Sophie Chambon a piloté le livre vert de Syntec Informatique sur la dématérialisation. Elle est par ailleurs responsable du développement durable chez Atos Origin.