La responsabilité de Google Images : TGI Paris, 20 mai 2008

Suite à une plainte pour contrefaçon ciblant Google Images, le tribunal a donné raison au moteur de recherche. Le TGI a appliqué l'article 5§2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 sur la protection du droit d'auteur.

Le moteur de recherche Google présente de nombreuses fonctionnalités, qui occasionnent régulièrement des litiges judiciaires. Si l’offre Adwords apporte à Google son lot de condamnations pour contrefaçon de marques, la fonctionnalité de recherche d’images sur Internet pose également problème, comme en atteste une récente décision du TGI de Paris.

En mode "images", le moteur de recherche propose les résultats sous forme de reproductions, en format réduit, des fichiers images qu'il a identifiés à partir de la requête de l'internaute. Or, en droit français, une reproduction, si petite soit-elle, suppose l'accord de l'auteur de l'œuvre, dès lors que cette reproduction n'entre pas dans le cadre d'une des exceptions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI).

La Société des Auteurs des Arts Visuels et de l'Image Fixe (S.A.I.F.) a donc assigné Google Inc. et Google France aux fins de voir constater que ces sociétés se livraient à des actes de contrefaçon par représentation et reproduction, en proposant aux internautes de visualiser des milliers d'œuvres relevant de son répertoire, et sans autorisation des ayants-droits.

Mais Google Inc. a invoqué l'application de la loi américaine au litige, et le Tribunal lui a donné raison. On note au passage que Google France a obtenu quand à elle sa mise hors de cause, au motif qu'elle n'était pas en charge de l'exploitation du moteur de recherche sur le territoire français.

Ainsi, le Tribunal a appliqué l'article 5§2 de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 sur la protection du droit d'auteur, qui dispose qu'en matière de délit complexe de contrefaçon intervenant sur le territoire de plusieurs états signataires, la loi applicable est celle du pays sur le territoire duquel s'est produit le fait incriminé. Google s'est donc logiquement fondée sur la localisation géographique de ses serveurs, en Californie, pour obtenir l'application de la loi américaine et notamment du Copyright Act de 1976.

A la différence du droit d'auteur français, cette loi prévoit l'exception du "fair use", entendu comme l'usage "légitime", non lucratif et dénué d'impact sur l'exploitation normale d'une œuvre de l'esprit. Afin de bénéficier de cette exception, Google Inc. a argué du caractère non commercial de son moteur de recherche, de l'absence de stockage des images (autre que celui nécessaire à l'affichage des résultats), et de l'incidence "positive" du moteur de recherche sur la visibilité des œuvres et la notoriété de leurs auteurs. Ces éléments correspondant aux critères du "fair use", Google a eu gain de cause.

A la différence des délits de presse, pour lesquels la loi applicable est celle du lieu où le dommage est subi, le droit d'auteur international entraîne l'application de la loi du pays du fait générateur. Le Tribunal a ici repris les principes posés par la Cour de cassation dans ses arrêts Sisro du 5 mars 2002 et Lamore du 30 janvier 2007.

Il s'agit d'une stratégie très pertinente de la part de Google, dans la mesure où les conditions d'application des exceptions du droit d'auteur français n'étaient probablement pas réunies. En effet, l'affichage des vignettes ne présente ni caractère critique, ni polémique, ni pédagogique, ni scientifique ou d'information.

Il s'agit du résultat d'une recherche informatique, portant sur des œuvres graphiques reproduites en intégralité mais sous la forme de vignettes. De précédentes jurisprudences avaient jugé que la reproduction intégrale sous forme de vignette ne pouvait bénéficier de l'exception de courte citation puisque par définition, la vignette reproduit intégralement l'œuvre (Cass. 7 novembre 2006).

Google Inc. a donc réussi à obtenir l'application du "fair use" américain sur un autre territoire que le sien, primant les exceptions classiques du droit d'auteur français. On assiste à une extension du champ d'application du "fair use" par le biais de la Convention de Berne.