HP rachète EDS pour devenir un acteur global

Pour 13,9 milliards de dollars, le constructeur informatique renforce sa présence sur le marché des services informatiques. Il achète des équipes, une place et un nom sur le marché, ainsi qu'une présence géographique.

En réussite, HP ne compte pas s'endormir sur ses lauriers. Premier constructeur de PC au monde devant Dell, premier acteur informatique en termes de chiffre d'affaires, HP s'imagine demain en multispécialiste, à l'instar du mastodonte IBM. Et c'est dans les services informatiques, domaine où HP souhaite se développer depuis longtemps, qu'il a donc décidé d'investir.

EDS se sera vendu pour 25 dollars l'action, soit une valeur totale de 13,9 milliards de dollars. Validée à l'unanimité par les comités de direction des deux entreprises, cette transaction doit désormais obtenir l'accord des actionnaires et des autorités de régulation des marchés. Si tout se déroule comme prévu, l'opération de fusion sera close d'ici la fin du second semestre 2008.

Ce rachat va donner naissance à un géant des services. HP Services réalisait en effet déjà 16,6 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2007, mais il totalisera désormais 38 milliards de dollars en combinant les deux activités respectives, et emploiera 210 000 salariés sur plus de 80 pays. La marque EDS, elle, sera conservée, de même que le directeur général, Ronald A. Rittenmeyer.

"Cette acquisition fait totalement sens pour une raison assez simple : si l'on compare HP à IBM, HP était resté relativement faible dans les services, même si ce constat n'est pas forcément vrai pour tous les pays. EDS va lui apporter une puissance de frappe plus importante. D'autre part, EDS est très présent dans les pays anglo-saxons. C'est un bon moyen d'aller vite dans cette course à la taille critique pour devenir un acteur global incontournable", explique Mathieu Poujol, du cabinet Pierre Audoin Consultants.

"L'opération n'est pas vraiment un saut dans l'inconnu, comme dans le cas où HP aurait racheté Accenture. EDS reste proche des métiers qu'HP maîtrise, comme l'outsourcing de l'infrastructure. De même, la société possède une culture américaine, plus facile à intégrer que d'autres acteurs possibles comme Capgemini, ou des acteurs indiens. C'est un choix logique, et avec peu de risques", estime le consultant.

Ce rachat intervient alors que la société essaie depuis l'an 2000 de diversifier davantage ses activités. A cette date, en effet, HP évalue la possibilité de racheter le spécialiste du conseil en informatique PriceWaterHouse Coopers. Finalement, le groupe laisse passer l'opération et c'est IBM qui met la main dessus deux ans plus tard. HP opte alors pour le rachat de Compaq en 2003, mais n'abandonne pas son idée d'origine.

Ainsi, le constructeur informatique se met à développer son activité logicielle restée jusque là en stand-by. D'une activité anodine de 300 millions de dollars en l'an 2000, le groupe est passé à une activité de 2,3 milliards de dollars en 2007. Malgré tout, cette activité ne représente que 2% du chiffre d'affaires total d'HP, quand les services sont déjà à 16%.

L'activité logicielle d'HP reste son point faible. Elle ne représente que 2% de son chiffre d'affaires total

"Les clients sont demandeurs de solutions. Vous prenez un compte comme Geodis en France : IBM leur fournit les machines, réalise l'outsourcing des machines et fournit les logiciels. C'est une solution clé en main. Les acteurs globaux ont aussi leurs inconvénients, mais ils peuvent offrir de la rapidité et de la simplicité aux clients par le biais de solutions packagées. Ils sont également les plus à même de satisfaire les besoins informatiques des multinationales", analyse Mathieu Poujol.

Cette acquisition renforce également l'activité B-to-B d'HP, alors que la marque est aussi présente auprès du grand public par le biais de ses produits PC, PC portables, écrans, appareils photos numériques, imprimantes et PDA. "A l'heure actuelle, dans les entreprises, les acteurs incontournables sont IBM, Microsoft, Oracle et SAP. HP sera peut être demain le 5e acteur incontournable de l'informatique d'entreprise, même s'il a toujours une faiblesse sur la partie logicielle et dans le domaine du conseil", note Mathieu Poujol.

A titre de comparaison, IBM réalise un chiffre d'affaires de 20 milliards de dollars par an dans le domaine des logiciels, et de 54 milliards de dollars dans le domaine des services. Et celui-ci s'est désengagé peu à peu des activités matérielles comme les disques durs, la fabrication de PC ou d'imprimantes.

Pour HP, la route est encore longue avant de devenir aussi équilibré qu'IBM sur ces 3 activités (matériel, logiciel et services). D'autant plus que l'intégration ne se fera pas du jour au lendemain vu la taille de l'opération. Il avait fallu presque 10 ans à IBM pour passer d'une logique de constructeur à celle de société de services, et 3 ans à HP pour digérer le gros morceau qu'était Compaq, pourtant sur le même marché que lui.