Pascal Imbert (Solucom) "La recomposition du paysage des SSII va s'accélérer avec la crise"

Les nouveaux contrats décrochés dans le secteur du conseil en systèmes d'information font plus que jamais l'objet d'âpres négociations commerciales. La sortie de crise n'est toujours pas prévue avant la fin 2009.

A mi-parcours de 2009, quel bilan tirez-vous de la période écoulée ?

Notre exercice annuel s'est clôturé au 31 mars, aussi nous n'avons pas tout à fait terminé notre premier semestre. Le début du semestre a cependant été marqué par un ralentissement très net de la croissance avec, sur les trois premiers mois, une croissance limitée de notre chiffre d'affaires à 2%. Cette tendance reste cependant en phase avec notre plan stratégique annoncé en début d'exercice.

Un coup de frein des investissements a été donné par les entreprises en fin d'année 2008, et s'est répercuté négativement sur nos comptes. On s'y attendait. Pour l'ensemble de l'exercice 2009, on table sur une croissance légèrement positive ainsi qu'une marge opérationnelle située autour de 8%. Le contexte de marché actuel est atone, marqué par une activité commerciale un peu difficile avec une demande très limitée de la part des clients. Cependant, il n'y a pas de décrochage non plus.

Sur un plan macroéconomique, on commence à entendre parler de perspectives de reprise. Mais dans le conseil en systèmes d'information, on ne ressent malheureusement pas ces signaux positifs. Jusqu'à la fin de l'année 2009, on va rester sur un marché identique au début d'année.

Quels types de projets s'en sortent le mieux ?

Chez nos clients, ce qui domine actuellement, ce sont des projets de rationalisation informatique, mais aussi d'entretien et de maintenance des actifs. Ce qui paraît clair, c'est qu'il devrait y avoir un rebond assez net des projets dans le secteur bancaire. Ce sont des clients très dépendants de leur systèmes d'information, et qui ont donné les premiers les coups de frein les plus marqués.

La pression commence donc à monter sur leurs besoins, avec un effet de rattrapage sur lequel on devrait compter d'ici fin 2009. Deux autres secteurs devraient aussi tirer leur épingle du jeu : le secteur public et l'énergie et, dans une moindre mesure, la pharmacie qui devraient garder une bonne dynamique. Je suis en revanche bien plus pessimiste sur l'industrie.

"On constate surtout un étalement des projets dans le temps, et un décalage des démarrages de nouvelles missions"

Les entreprises ressentent le besoin de faire mieux avec autant de moyens ou de faire autant avec moins de moyens. Il faut dire que le déblocage de nouveaux investissements pour développer de nouveaux services IT est quasi gelé.

Même lorsqu'ils ont obtenu leur budget, les clients sont sur la réserve, comme s'ils redoutaient un moratoire de dernière minute allant les leur couper. En revanche, il y a peu de projets purement et simplement arrêtés en cours de route, la situation n'est donc pas aussi critique que lors de l'explosion de la bulle Internet.

On constate surtout un étalement des projets dans le temps ainsi qu'un décalage des démarrages de projets. C'est un phénomène très marqué qui nous a quelque peu surpris par son ampleur. Nous sommes donc sur le pont pour assurer leur lancement dans les jours ou semaines à venir.

Ensuite, il y a également un retour de la pression sur les prix qui se ressent assez fortement. Alors que nous étions sur une progression de nos facturations de l'ordre de 2% jusqu'à l'année dernière, nous avons baissé nos prix de 1 à 2%. Mais nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'un phénomène majeur et de long terme. En revanche, les négociations sont encore plus vives, essentiellement pour celles qui concernent les nouveaux contrats. Les renégociations de tarifs en cours de contrat sont beaucoup plus rares.

La crise servira-t-elle d'accélérateur à une recomposition du paysage des SSII en Europe et notamment en France ?

Je suis persuadé qu'il va y avoir une accélération de la recomposition du paysage des SSII en Europe, et également en France. La crise a rendu la vie encore plus difficile pour les acteurs de taille moyenne. Beaucoup de dirigeants de sociétés de services de cette taille se font peur en ce moment. Cela va les amener à rechercher des adossements ou bien des acquisitions. Il faut dire que les valorisations actuelles rendent les mouvements de concentration plus faciles qu'auparavant.

En revanche, je ne pense pas que ce mouvement concernera les très grandes SSII et les très petites. Les premières car elles bénéficient toujours d'une excellente visibilité commerciale sur les grands comptes ce qui leur permet de voir venir, et les secondes car elles sont souvent très pointues dans un domaine IT en particulier ce qui assure leurs arrières.

En ce qui nous concerne, 60% de notre capital est détenu par les dirigeants ce qui nous protège d'un éventuel rachat hostile. De plus, nous ne nous positionnons pas sur le même terrain que les SSII mais sur le conseil en systèmes d'information, un domaine dans lequel nous sommes bien positionnés. Nous avons enfin une politique forte d'acquisitions : il y a deux ans avec Vistali, l'année dernière avec Cosmobay-Vectis. Cette année nous levons le pied en raison du contexte actuel mais nous comptons bien reprendre notre stratégie d'acquisitions quand la crise sera derrière nous.  

Pascal Imbert est président du directoire du cabinet conseil Solucom.