Jean-Luc Beylat (Systematic) "Nous allons accroître la part du financement privé"

Quel bilan pour le premier pôle de compétitivité français ? Quelle stratégie pour les années à venir ? Le nouveau président de Systematic fait le point.

JDNSolutions. Vous venez d'être élu président du pôle Systematic, succédant à Dominique Vernay qui en fut aussi le fondateur. Quel bilan pouvez-vous faire de Systematic, 6 ans après sa création ?

Jean-Luc Beylat. Il y a eu plusieurs étapes dans le développement. Lorsque le pôle a été créé, il s'agissait dans un premier temps de fédérer les acteurs de la R&D dans cette usine à projet, autour de plusieurs pôles thématiques, Logiciel Libre, Automobile et Transports, Sécurité et Défense, Outils de Conception et Développement de Systèmes et Telecoms. Entre 2009 et 2011, l'objectif a été de consolider le pôle, qui s'est aussi élargi aux nouvelles thématiques TIC & Santé, et TIC & Ville Durable.

Nous arrivons au terme de cette 2e phase. Mon prédécesseur a ainsi pu consolider et pérenniser ce cluster d'excellence de dimension mondiale dans les nouvelles technologies.

En juillet 2005, 125 membres avaient participé au lancement du pôle. Il en compte aujourd'hui plus de 600, dont 120 grands groupes et 380 PME. 1,2 milliard d'euros ont été investis dans la R&D du pôle, dont 450 millions d'euros d'aides venant de l'Etat, des collectivités territoriales, ou des agences ANR, Eureka, Feder et Oséo. A ce jour 258 projets collaboratifs ont pu être développés.

La fin de cette 2e phase coïncide également avec le développement à l'international du pôle. De nouveaux hubs ont ainsi vu le jour à Pékin et à Boston.  

Quels sont aujourd'hui les projets terminés et commercialisés ?

De nombreux projets ont pu être terminés, dans des domaines variés : caméra de surveillance panoramique infrarouge, des tokens-clés USB sécurisés, des technologies utilisant la réalité augmentée, des voitures qui se garent seules, des simulations pour sensibiliser à l'écoconduite, ou des crash test virtuels pour mieux sécuriser les véhicules, ou encore des librairies de logiciels libres utilisées dans l'industrie avionique...

Des entreprises promises à bel avenir, comme Robocortex, Kalray, Xedis et bien d'autres, ont été créées. Nous avons analysé en détail 45 projets. Tous sont devenus un produit ou un service. Ils ont créé 400 emplois directs, 11 entreprises, et généré 500 publications scientifiques de premier plan.

Quelle est la stratégie que vous allez suivre pour les prochaines années ?

Il est aujourd'hui en effet temps de passer à une troisième phase de développement que l'on a appelée Systematic Région 3.0 qui débutera en 2012 et se terminera en 2015.

Dans le cadre de ce plan, notre plus grande ambition est d'écrire le futur. Le pôle devra être présent pour répondre aux grands enjeux de demain : la confiance numérique, la distribution plus intelligente de l'énergie, l'explosion du Logiciel Libre, la gestion des données de plus en plus volumineuses, les profonds changements qui vont s'opérer dans le monde du transport, etc. Le pôle doit déjà répondre au marché, mais il va également devoir répondre à des demandes sociétales.

C'est pourquoi un nouveau groupe thématique a par exemple été dédié à la gestion de l'énergie et le périmètre du groupe sécurité s'est élargi à la thématique de la confiance numérique, incluant le secteur l'e-santé. Ce groupe est rebaptisé Sécurité et Confiance Numérique. Les problématiques des grands volumes de données, Big Data, et le Cloud Computing seront également couvertes.

L'export des PME issues du pôle a déjà commencé, mais le développement international va aussi se poursuivre, notamment en direction de l'Inde, du Brésil et de la Russie. Notre présence européenne n'est pas oubliée, au travers de projets comme EIT ICT Labs par exemple

D'ici 2012, nous allons aussi lancer un Plan méditerranée ciblant le Maroc et la Tunisie. Nous avons en effet été contactés par les responsables politiques du gouvernement transitoire tunisien, et réfléchissons encore aux modalités de la mise en oeuvre de ce Plan méditerranée.

Enfin, le pôle compte beaucoup d'acteurs, mais il en manque encore. Si les business angels sont présents dans le pôle, ils ne sont pas encore présents dans la gouvernance. Cela va changer avec la création d'un nouveau collège d'investisseurs privés. Une vingtaine d'entre eux se sont déjà manifestés. Trois d'entre eux seront membres du directoire.

Le but est d'accroître la part de financement privé dans le pôle. Si aujourd'hui, près de 40% de l'investissement est d'origine privé, cette proportion devrait atteindre 50%.

Jean-Luc Beylat, président d'Alcatel Bell Labs France, a été élu président du Pôle de compétitivité Systematic-Paris-Région le 15 juin 2011. Il était précédemment membre du bureau exécutif et vice-président en charge du développement international et de la stratégie du pôle depuis plus de trois ans.