Neutralité du Net : DSI et éditeurs prennent part au débat

Alors qu'aux Etats-Unis, le régulateur vient de faire connaître les règles voulant garantir la neutralité du réseau, en France, l'Afdel et le Cigref divergent sur la question de l'Internet à péage.

C'est l'Association Française des Editeurs de Logiciels qui a d'abord fait valoir ses arguments pour garantir la neutralité du Net. En mai dernier, l'Afdel a mis en ligne sa "Consultation publique sur la  Neutralité du Net", expliquant ses arguments sur un débat qui touche aussi le B2B et les décideurs informatiques. Les DSI du Cigref viennent d'ailleurs de communiquer aussi leurs positions : ils "encouragent les pouvoirs publics à organiser un Grenelle de l'Internet" qui leur permettraient de peser dans le débat. 

 

L'Afdel fustige les arguments des FAI

Avec leurs offres full Web et SaaS, "les éditeurs de logiciels et de services Internet sont donc concernés au premier chef par les enjeux de la neutralité des réseaux",  se justifie l'Afdel, qui veut l'intervention du régulateur pour garantir cette neutralité.  

L'Afdel s'inquiète de voir les opérateurs-FAI devenir aussi et de plus en plus fournisseurs de contenus.

Elle rappelle la nécessité d'une telle régulation car "certains cas de discriminations ont pu être relevés". "Certains réseaux sont actuellement fermés à certains fournisseurs de services Internet par les opérateurs télécoms. C'est le cas du réseau 3G pour les opérateurs de VOIP, de P2P ou certains contenus. Certains navigateurs n'ont volontairement pas adopté une démarche d'interopérabilité avec certaines technologies largement répandues", épingle le document signé de l'Afdel.

Cette dernière ne cache d'ailleurs pas non plus son opposition à certains arguments invoqués par les opérateurs FAI. Rappelant qu'elle investit aussi "considérablement" dans l'infrastructure (réseaux, datacenters, CDN), elle s'inquiète de voir les opérateurs-FAI devenir "de plus en plus" aussi fournisseurs de contenus, rentrant ainsi en concurrence frontale avec les éditeurs qu'elle défend. Ces derniers doivent donc se faire à l'idée d'utiliser le service de FAI devenus concurrents frontaux pour proposer une offre Cloud utilisant leur réseau.  

 

La gestion du trafic
 

Soutenant que la garantie d'une qualité de service passe par une gestion du trafic internet, l'Afdel milite aussi pour un Internet à péage. Il est, selon elle logique que demain l'utilisateur final soit tarifé en fonction de la bande passante consommée, ou peut être au niveau de la puissance processeur et du ping pour entreprise ayant souscrit une offre Cloud.

Son argument repose le dynamisme de l'industrie qu'elle représente et défend. "Faire payer le fournisseur de services reviendrait à mettre de facto une barrière à l'entrée pour les nouveaux acteurs, ce qui  favoriserait tendanciellement les acteurs les plus établis". Un tel scénario pourrait, selon elle, "porter atteinte à terme à la viabilité de la filière logicielle en France."

 

Le Cigref monte au créneau pour refuser l'Internet à péage

Le  Club informatique des grandes entreprises françaises a emboité le pas, justifiant sa présence dans le débat en expliquant que "la remise en cause de la neutralité du Net constituerait une entrave sérieuse à l'exercice des métiers des entreprises."

"Un péage créerait un Internet à plusieurs vitesses, et remettrait en cause le principe de neutralité du Net."

Le Cigref rejoint clairement l'Afdel pour mettre en garde contre la potentielle dérive des opérateurs FAI : "La volonté légitime [des FAI, NDLR] de monétiser le réseau (pour financer l'internet mobile, l'Internet des objets, accélérer les débits...) ne doit pas aboutir à créer une rente inadaptée pour les opérateurs et les équipementiers."

Cependant, contrairement à l'Afdel, le Cigref rejette clairement "l'idée de l'instauration d'un principe de péage conduisant à créer un Internet à plusieurs vitesses, en fonction des volumes, des capacités du réseau, du temps ou d'autres critères discriminants et remettent en cause le principe de neutralité du Net."

Le Cigref termine son communiqué en "encourageant les Pouvoirs Publics à organiser un "Grenelle" de l'Internet fixe et mobile afin que tous les acteurs puissent débattre et élaborer collectivement des réponses aux problèmes que pose la neutralité du Net.


Un tel débat qui n'a pour l'instant pas eu lieu. Les Etats Unis sont plus avancés : Le régulateur, la FCC, vient de dévoiler ses règles supposées garantir la neutralité. Elles ne vont pas dans le sens du Cigref, et sont plutôt favorables aux opérateurs, en ouvrant notamment la voie à cet internet à péage et offrant la possibilité aux opérateurs de faire payer plus cher les grosses consommations de bande passante. Ces règles sont encore soumise à un vote de la commission de la FCC, qui aura lieu le 21 décembre.