Michel Calmejane (Colt ) "Considérer Google comme un concurrent est notre gageure"

Disposant de son propre réseau haut débit de 25 000 km et de 19 datacenters Colt multiplie les offres Cloud Computing. Il compte s'appuyer sur ses compétences d'opérateur et d'hébergeur pour faire la différence.

JDN Solutions. En tant que spécialiste, entre autres, de l'hébergement d'applications critiques, que répondez-vous aux sociétés qui craignent pour la sécurité de leurs données dans le Cloud Computing ?

Nous avons récemment financé une étude pour sonder les attentes et les craintes des entreprises en matière de Cloud Computing. Si la réduction des coûts et la flexibilité de l'offre Cloud les attirent, la sécurisation des données les inquiète. Cette crainte dissuade plus des deux tiers des décideurs d'adopter des services de Cloud Computing.

Mais nos arguments sont simples et peuvent les faire changer d'avis. Non seulement nous sommes aux normes ISO 27001, mais nous jouissons aussi d'une double expertise d'opérateur et d'hébergeur. Nous sommes donc capable de maîtriser notre offre de bout en bout, jusqu'à la sécurisation des données que nous transportons et hébergeons.

Par ailleurs, nous comptons parmi nos clients des banques ou des assureurs, et nous transportons les données et les transactions financières de sept bourses. Dernièrement, l'ouverture des paris en ligne en France nous a aussi permis de signer des contrats et de rappeler notre expertise dans la sécurisation des données sensibles.

Nous avons aussi par exemple aussi remporté un contrat d'ampleur pour fournir des services de virtualisation et d'infrastructures d'hébergement au groupe de média hollandais Sdu Uitgevers, qui propose du contenu sensible, utilisé par les municipalités, le gouvernement hollandais ou d'autres organismes publics.  Il s'agissait de déménager leurs infrastructure de La Haye vers notre datacenter à Amsterdam. Il fallait migrer et donc de sécuriser plus de 450 applications, dont certaines très critiques.

"Nous sommes portés par la croissance insolente de certains acteurs du e-commerce qui sont nos clients"


Offre de IaaS, construction de datacenter clé en main, partenariat avec EMC... Vos dernières offres Cloud se succèdent. Quels seront les prochaines étapes ?


Chez Colt, nous avons la chance d'avoir un président visionnaire. Je suis d'ailleurs revenu dans cette société en partie pour cela. Je pense que l'économie numérique n'a pas fini d'émerger : elle n'a montré que sa pointe, il y a aussi la face immergée de l'iceberg, qui reste à venir.  Notre mission est d'accompagner l'émergence de ce nouveau continent. Nous avançons parfois en territoire inconnu : il y a encore beaucoup de cow boys, de pionniers et quelques indiens !

Notre rêve ou notre gageure serait de considérer Google comme un concurrent. Cela peut sembler fou, mais notre infrastructure vaut plus de 5 milliards d'euros et nous avons un bon cash flow. Nous sommes portés par la croissance insolente de certains acteurs du e-commerce qui sont nos clients et nous avons aussi un investisseur puissant qui nous soutient. Par ailleurs, être opérateur et hébergeur nous offre un avantage concurrentiel.

IBM possède les datacenters, mais n'a pas le réseau. Pour Orange, ou BT, c'est l'inverse. Toutes ces entreprises, qui pourraient être des concurrents, sont aussi nos clients...

Attention, nous savons aussi rester lucides et raisonnables. Le marché Cloud du IaaS est de 1 milliard d'euros quand celui du de l'IT, uniquement en B2B, est 43 fois plus élevé. De plus, nous restons une société à taille humaine, en France nous sommes 400 personnes où tout le monde s'appelle par son prénom. 

"Le Cloud sera à l'informatique ce que le chemin de fer a été à la révolution industrielle"

Le Cloud est une révolution pour vous ?

C'est un sujet très à la mode, et ceux qui en parlent le plus ne sont pas toujours ceux qui le font. Je crois à une nouvelle urbanisation des systèmes d'information. Je crois aussi beaucoup au collaboratif, facilité par le Cloud.

Le Cloud va permettre de nouvelles choses, dans le domaine de la diffusion de la culture notamment. Le secteur des médias, au sens large, va avoir de gros besoin de storage, avec tous les services de vidéos à la demande par exemple... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons récemment signé le partenariat avec EMC que vous évoquiez.

Toutes proportions gardées, le Cloud sera à l'informatique ce que le chemin de fer a été à la révolution industrielle, et ce n'est pas le chemin de fer qui a fait tout seul cette révolution.

La nouvelle économie et le numérique nous ont fait passer dans une nouvelle ère. Je crois que le nouvel eldorado ce sont les données. Celui qui en est propriétaire est assis sur un puits de pétrole, mais rien ne l'obligera à les migrer vers le Cloud... 

De plus, je ne pense pas que toutes les applications migreront dans le nuage. Toutes n'y seront pas éligibles. Il y a des bases de données trop sensibles. De plus, il reste encore un certain nombre de question en suspens, notamment le problèmes des standardisations, qui devrait être réglé au niveau européen, voire mondial.

Michel Calmejane, diplômé de l'ESC Pau, a commencé sa carrière comme expert comptable chez PWC.  En 1989, il entre chez Nortel Networks où ses postes évoluent dans la finance, jusqu'aux fonctions de CFO France Middle East Africa. En 2002 il crée la société Vobiscom, spécialisée dans le service et le conseil en télécoms, et prend en charge sa direction financière jusqu'en 2004 où il intègre Colt Télécommunications France en tant que directeur financier. Il rejoint le groupe BT France en septembre 2006 en tant que directeur financier, avant de revenir en janvier 2008 au sein de Colt Télécommunications France au poste de directeur général..