Michael Carney (SkySQL) "Nous anticipons 20 à 25 millions d'instances MySQL en 2014"

Un an après son lancement, SkySQL fait le bilan de son activité de support autour de la base Open Source. La société de services affirme signer en moyenne un nouveau client toutes les 10 heures.

JDN Développeurs. Comment évolue la gouvernance du projet MySQL chez Oracle, depuis le lancement du SkySQL il y a un an ?

Michael Carney. La gouvernance du projet évolue plutôt bien. MySQL 5.5 qui est sorti en novembre 2010 est une bonne version. Et la version 5.6 s'annonce également comme un bon cru. Oracle fait son travail. L'écosystème MySQL est aussi très dynamique. Je suis actuellement à la conférence de la société de services Percona à Londres [Percona Live MySQL Conference NDLR]. Nous sommes environ 200 personnes de l'écosystème regroupées ici, à la fois clients et prestataires. Certaines de nos principaux clients ont fait le déplacement. C'est le cas d'Orange ou de Virgin Mobile. Il y a aussi des représentants d'Oracle.

A la différence d'autres projets Open Source issus du rachat de Sun, tels OpenOffice et OpenSolaris, Oracle n'a donc par laissé tomber MySQL. Sur ce point, votre analyse des raisons de cette stratégie est-elle la même qu'il y a un an ?

Il est vrai que les engagements d'Oracle vis-à-vis de l'Union Européenne l'obligent à opter pour cette stratégie. Il s'est notamment engagé sur le fait que MySQL et InnoDB devaient rester Open Source pendant encore plusieurs années. MySQL représentait aussi 1 million de chiffre d'affaires annuel, et 15 millions d'instances installées. Même si c'est relativement peu du point de vue d'Oracle en termes de résultats financiers, Larry Ellison ne pouvait pas se permettre d'abandonner cette activité, à la différence manifestement des autres projets Open Source que vous évoquez.

"Pour MySQL 5.6, Oracle se concentre notamment sur la gestion de la réplication"

Enfin, l'écosystème MySQL s'est beaucoup renforcé depuis un an, notamment du fait de la création de sociétés de services comme la nôtre. Face à cette nouvelle concurrence, Oracle ne peut donc pas abandonner ce produit. Et s'il décidait de le faire, nous pourrions pousser à tout moment MariaDB, le fork de MySQL maintenu par notre partenaire éditeur Monty Program. 

Qu'en est-il des principales évolutions de MySQL que vous mettez en avant ?

La version 5.5 avait apporté des améliorations autour des performances du moteur InnoDB en termes d'extensibilité. Mais, Oracle s'est contenté sur ce point d'intégrer des développements qui avaient été réalisés par Google et Facebook. Pour la version 5.6, Oracle se concentre notamment sur la gestion de la réplication. Les ingénieurs de l'ancienne équipe MySQL de Sun qui ont décidé de rester chez Oracle sont en effet très compétents dans ce domaine. En revanche, rappelons que les spécialistes de l'Optimizer MySQL sont passés chez Monty Program.

Oracle a annoncé le lancement de modules propriétaires autour de MySQL, en exploitant notamment les possibilités offertes par la licence GPL 3 en matière de cohabitation avec les logiciels non-libres. Comment réagissez-vous à cette annonce ?

C'est de bonne guerre. Oracle exploite comme vous dite une possibilité de la licence GPL. C'est dans l'ADN d'Oracle de vouloir faire du cash. Une brique d'authentification a par exemple été annoncée aux côtés d'autres modules. Nous prenons néanmoins les devants. Pour chacun de ces modules, notre partenaire Monty Program va développer une alternative Open Source que nous allons embarquer dans notre offre.

Comment évolue le parc MySQL installé ?

De 15 millions d'instances il y a deux ans, nous anticipons 20 à 25 millions d'instances MySQL en 2014. Cette estimation se base sur les projections de l'évolution du nombre de serveurs chez les principaux opérateurs. On anticipe par exemple 2 millions d'instances MySQL chez Amazon d'ici trois ans. Nous enregistrons par ailleurs 60 000 téléchargements par jour sur le serveur du projet.

"Je crois beaucoup à l'émergence d'architectures hybrides, combinant SQL et NoSQL"

Au sein de SkySQL, nous signons en moyenne un client toute les 10 heures. Parmi nos principaux clients en France, je peux citer La Poste, qui utilise MySQL pour gérer les données liées au tri du courrier, mais aussi le Club Med qui s'adosse à MySQL pour décharger les choix de vacances réalisés en ligne dans ses mainframes, et Booking.com qui a déployé la base de données pour toute sa production. Au niveau européen, Vodafone nous fait confiance, mais également Deutsche Telecom qui est notre plus important client avec 2 000 serveurs et le choix de la base de données MySQL comme standard au niveau du groupe.

Que pensez-vous de la vague d'annonces à laquelle nous assistons en ce moment autour des technologies NoSQL ?

C'est un nouveau type de solution qui a pour but de répondre aux problématiques de fortes volumétries de données, pour peu qu'elles soient non-critiques. Les bases NoSQL se limiteront aux applications qui ne nécessitent pas toutes les garanties d'un système transactionnel, et pour lesquelles la perte d'une transaction n'est pas un problème. Dans un contexte où le volume des informations explose, ces technologies représentent de vraies solutions. Pour ma part, je crois beaucoup à l'émergence d'architectures hybrides, qui combineraient des bases SQL avec des serveurs de données NoSQL en fonction du degré de criticité des données notamment.

Deux grandes écoles d'éditeurs s'opposent sur le terrain du traitement de données en masse. D'un côté, on trouve des offres de serveurs de données propriétaires, comme Vertica de HP ou Exadata d'Oracle, avec des tickets d'entrée de l'ordre de 100 000 dollars. De l'autre des alternatives Open Source de bases NoSQL comme Cassandra / Hadoop, mais aussi des serveurs de données en colonnes comme InfoBright et InfiniDB que nous commercialisons dans notre offre. Ces serveurs sont intéressants à partir de 1 Tera de données. Nous avons par exemple mis en place InfiniDB au sein du groupe La Poste. 

Oracle vient également de sortir une base de données NoSQL Open Source : Oracle NoSQL Database. Et Microsoft a annoncé qu'il développait une distribution Hadoop pour Azure, et un connecteur Hadoop pour SQL Server 2012. Qu'en pensez-vous ?

Concernant Microsoft, cette annonce ne m'étonne pas. L'Open Source impose un autre rythme. Microsoft n'a pas d'autre choix s'il veut rester dans la course. Reste à savoir jusqu'où il ira... Quant à la base NoSQL d'Oracle, il semble à première vue qu'il s'agisse d'une démarche d'Open Core, avec une version complète du produit mise à disposition sous licence propriétaire. Mais, nous attendons de voir.