Modération salariale de Pierre Gattaz : de nouveaux entrepreneurs français en désaccord !

En prenant position pour la modération salariale et une diminution du SMIC, le MEDEF de Pierre Gattaz entend réduire les coûts supportés par l'entreprise. Ces propositions, qui risquent surtout d'augmenter le clivage salarié/dirigeant, ne font pas l'unanimité auprès de tous les patrons.

De nouveaux entrepreneurs du numérique, à l'image de Gilles Babinet ou David Layani, revendiquent une vision du patronat bien éloignée de celle prônée par le syndicat patronal. Un sondage publié par Opinion Way en juin 2013, interrogeant plus de 400 chefs d'entreprises, avait ainsi montré que la priorité principale des patrons restait la diminution des charges sur le travail. Une baisse des charges qui doit rester l'élément moteur, vecteur de croissance, des entreprises françaises.

Les positions du Medef ne représentent pas l'ensemble du patronat

Dans une interview au JDD datée du 11 mai, Pierre Gattaz prône une généralisation du principe de modération salariale à l'ensemble des entreprises. Selon lui, l'augmentation des salaires ne devrait pas excéder 1 % par an et être calée sur l'inflation. Des positions qui mettent en avant la vision actuelle du MEDEF : plutôt que de voir l'entreprise comme un tout dans laquelle l'ensemble des collaborateurs auraient une direction commune, le syndicat des patrons dirigé par Pierre Gattaz favorise le clivage entre patronat et salariés. La modération salariale appliquée à l'ensemble des salariés aurait ainsi des répercussions en terme de plan de carrière ou de pouvoirs d'achat, ceci au détriment de la croissance. Le véritable vecteur de croissance des entreprises doit rester la baisse des charges sur le travail et devenir la véritable cause commune de l'ensemble de l'entreprise.
Les prises de positions de Pierre Gattaz sont surtout sensées représenter le point de vue de l'ensemble des dirigeants français : de plus en plus d'entrepreneurs français ne s'y retrouvent pourtant pas. Si le MEDEF est sensé représenter l'ensemble du patronat, les petites et moyennes entreprises, notamment celles du secteur numérique, restent particulièrement sous-représentées par le syndicat patronal. Financé à hauteur de 43 % par le paritarisme, les fédérations les plus puissantes comme l'UIMM gardent la main mise sur l’organisation patronale, avec des répercutions logique en terme de représentativité.

De nouveaux entrepreneurs du numérique s'opposent à la vision du patronat de Pierre Gattaz

Les acteurs français de l'économie numérique, auraient pourtant largement besoin d'être soutenus auprès des institutions publiques : la France, qui pointe à la 19ème place au classement des nations en terme de développement numérique, n'est pas à la place qu'elle mérite malgré ses atouts en matière de formation, d'ingénieurs, d'innovation numérique ou encore de par son fort noyau d'entrepreneurs. Particulièrement ces acteurs du numérique en France ont souvent une vision bien différente de l'entreprise, des stratégies de croissance ou des relations humaines de celles des entreprises plus « traditionnelles » reprises par le MEDEF.
Des acteurs clés du numérique français se sont positionnés dans ce sens afin que leurs revendications soient mieux prises en comptes par le syndicat patronal et prendre leur distance avec les positions de Pierre Gattaz, notamment vis à vis de la modération salariale. Guy Mamou-Mani, président du Syntec Numérique (syndicat de l'industrie du numérique qui regroupe 1200 entreprises du secteur) le regrette : « pendant des années, l’un de nos grands enjeux a été de sensibiliser le Medef aux problématiques du digital...

Le Medef a accepté le diktat de l’UIMM considérant que le secteur des services n’avait qu’à payer

Ce type de décision nuit à notre compétitivité. Cela favorise les offres offshore donc celles des concurrents étrangers. Heureusement, l’un des grands thèmes de la prochaine université d’été du Medef sera le numérique. » Peu après son arrivée à la tête du Medef, Pierre Gattaz décidait pourtant de retirer la thématique numérique prévue de son université d'été. Même constat pour son pacte de responsabilité publié au mois de mars où n’apparaît pas une seule référence au numérique dans les 25 engagements du MEDEF pour le pacte de responsabilité.
David Layani, président du Groupe Onepoint spécialisé dans le conseil et les services numériques (800 collaborateur dans le monde), a lui aussi une vision du patronat et de l'entreprise bien différente de celle prônée par le MEDEF. Il fait partie de ces jeunes entrepreneurs (à 35 ans, il a déjà 12 ans d’expérience à la tête de son groupe), soucieux du partage des richesse et d'une collaboration active de ses employés aux objectifs de l'entreprise. La culture de son groupe s'articule autours de trois axes : engagement, agilité et métissage. Dans une tribune publiée dans le Huffington Post, David Layani se positionne à contrario des positions sur la modération salariale de Pierre Gattaz : « à titre personnel, je rêve au contraire d'une croissance salariale pour mes employés! Je rêve qu'ils puissent ainsi augmenter leur pouvoir d'achat, relancer la croissance, participer d'un regain de confiance de notre pays. (...) Je pense plutôt que nous devons poursuivre l'effort de baisse des charges. Nous devons au contraire faire adhérer tous nos concitoyens, et en premier lieu nos salariés, au projet de redressement de leurs entreprises, de notre économie."».

Autre personnalité du numérique à s'être exprimé sur le sujet : Gilles Babinet, Digital Champion et responsable des enjeux de l'économie numérique pour la France auprès de la Commission Européenne, réclame lui aussi une meilleure représentativité du secteur numérique et des PME au sein du syndicat patronal : « Au sein du Medef, je constate cependant que les préoccupations des entrepreneurs divergent souvent radicalement de celles des managers d'entreprises, du CAC 40 par exemple. Ce sont deux statuts qui n'ont que peu à voir ; personnellement, je n'ai rien à voir avec le comportement et les idées de certains patrons de grandes entreprises françaises (…) Le Medef doit faire le grand écart entre les intérêts des grandes entreprises et ceux des petites. Et comme je viens de le dire, ce ne sont pas du tout les mêmes. »