Crowdfunding : si la consultation gouvernementale aboutit, la France adoptera un cadre juridique plus favorable qu'aux USA

Le financement participatif, ou crowdfunding, est une méthode de financement vieille comme le monde. Grâce au Net, elle prend une autre dimension et attire le regard des instances de régulation qui souhaitent protéger les utilisateurs mais aussi donner plus de transparence au secteur.

En organisant le 30 Septembre 2013 à Bercy, les premières Assises du financement participatif, le gouvernement français a envoyé un signal très fort. Celui de la reconnaissance du financement participatif comme une véritable force de soutien financier pour les projets culturels, artistiques mais aussi les startups et PME françaises.
Les déboires de la finance traditionnelle ont contribué au développement d’un tel système : transparent et sans intermédiaire. Un système dans lequel le pouvoir est redonné aux particuliers qui souhaitent choisir la destination de leur épargne.

Rappel utile : qu’est ce que le crowdfunding ?

L’idée du crowdfunding est simple : rassembler sur le web une communauté d’individus pour le financement d’un projet donné.
Il existe trois types de financement dans le crowdfunding :
  • le don (caritatif ou bien pour le préachat d’un produit),
  • le prêt (rémunéré ou pas),
  • l’investissement en fonds propres (l’individu devient actionnaire de l’entreprise qu’il finance).
Outre le symbole, ces Assises avaient pour but la présentation de réformes permettant au financement participatif de se développer plus librement.
Plusieurs propositions ont dont été faites par Fleur Pellerin, qui a également ouvert une période de consultation de six semaines à l’issue de la journée.
Cette consultation permet aux professionnels du secteur de donner leur avis et éventuellement présenter des contres propositions sur les réformes envisagées par le gouvernement.

Pourquoi une réforme ?

La réglementation actuellement en vigueur pour les opérations de financement concerne presque exclusivement les établissements bancaires. Elle n’est donc pas adaptée au modèle des plateformes de financement participatif qui sont des structures plus légères. Et fonctionnent sur des circuits courts avec des coûts très bas pour les entreprises et les investisseurs.

Quelques exemples plus concrets :

  • Les plateformes proposant de devenir actionnaire d’entreprises doivent obtenir les mêmes agréments que les banques, qui coutent entre 70 000 et 700 000€ de fonds propres bloqués.
  • Un particulier effectuant plus de deux prêts (rémunérés) est passible de sanctions pénales et d’une peine d'emprisonnement pour violation du monopole bancaire ;
  • De même un entrepreneur annonçant publiquement une levée de fonds de quelques centaines de milliers d’euros pourrait se voir reprocher de faire appel à l’épargne publique (obligation de déposer un prospectus de plus d’une centaine de pages auprès de l’Autorité des Marchés Financiers).
Conscient de ces freins, le gouvernement et les organismes de tutelle (AMF et ACP) ont élaboré ensemble le projet de réforme du secteur.

Parmi les principales évolutions proposées

  • La création d’un statut particulier pour les plateformes proposant des prises de participation (en actions) dans les sociétés ;
  • L’autorisation des activités de prêts rémunérés (sous certaines conditions).
En proposant ainsi la création d’un statut à part entière pour les plateformes de financement participatif en fonds propres, au même titre que les banques ou sociétés de gestion, le gouvernement envoie un signal fort.
Et fait ainsi des plateformes de financement participatif, des acteurs à part entière dans la (fragile) chaine de financement de l’innovation et des PME.

France 1 - US 0

Un symbole d’autant plus fort à l’heure où les États-Unis peinent à faire évoluer le secteur. Pourtant précurseurs, car le Président Obama a ratifié un ensemble de lois pour le développement des PME en Février 2012 : le JOBS Act.
Le JOBS Act contient une importante provision concernant le financement participatif, notamment via un accès facilité aux capitaux à l’aide des plateformes de crowdfunding.
Mais cette provision peine à faire ses preuves et fait l’objet d’allers retours incessants entre la SEC (organe de régulation équivalent de l’AMF français) et le Congrès américain. Presque deux ans après aucune décision n’a été prise dans le bon sens et la provision recule peu à peu.
Les PME auront bel et bien le droit de communiquer ouvertement sur leur recherche de capitaux (avancée majeure), mais seuls les internautes les plus aisés pourront contribuer (patrimoine supérieur à 1M$, plus de 200 000$ de revenus annuels etc.).

Un essai à transformer

Mais bien que le cadre proposé par le gouvernement paraisse séduisant, comme souvent, le diable se cache dans les détails. Une consultation de six semaines est désormais ouverte pour parvenir à un consensus entre toutes les parties prenantes.
L’équation n’est pas simple pour le régulateur. Comment favoriser ces nouvelles formes d’investissement désintermédiées tout en garantissant la protection des épargnants ?
Parmi les évolutions proposées par les acteurs via l’association professionnelle Financement Participatif France nous retrouvons les points ci-dessous.
  • Capacité pour les PME de lever jusqu’à 1M€ sans obligation de déposer un prospectus auprès de l’AMF ;
  • Niveau de fonds propres minimum pour obtenir le nouveau statut de Conseiller en Investissement Participatif ;
  • Clarification des règles de rémunération des plateformes et d’accès aux projets pour les internautes ;
  • Création d’un véhicule (holding) pour faciliter la prise de participation au sein des sociétés référencées ;
  • Rehaussement du niveau maximum pouvant être prêté par un internaute (250€ dans le projet actuel).
Si la consultation aboutit à un travail constructif, la France pourrait être le premier pays à légiférer en faveur du crowdfunding. Une belle avancée pour un marché en plein essor qui pourrait représenter, à horizon 2020, près de 8 milliards d’euros en France.