Ces start-up qui dérangent les acteurs traditionnels SnapCar : "Les taxis veulent notre mort"

La lutte entre les taxis traditionnels et les Voitures de tourisme avec chauffeurs (VTC) a pris une dimension toute particulière ces jours derniers, alors que des taxis en grève se sont attaqués violemment à une voiture Uber (lire l'article : "En grève, les taxis s'attaquent à une voiture Uber", du 13/01/14). Mais ce n'est qu'un nouvel incident dans la bataille qui oppose le lobby et les nouveaux arrivants depuis plus d'un an.

"En 50 ans, la manière de fonctionner des taxis n'a pas changé"

Yves Weisselberger et Dave Ashton fondent la société de VTC SnapCar en juillet 2012. "Le paysage ne bougeait pas, explique Yves Weisselberger. Le numerus closus sur les taxis et l'existence d'un radio-taxi dominant dans la capitale, G7, contribuaient à figer les choses. En 50 ans, la manière de fonctionner des taxis n'a pas changé".

yves weisselberger, co-fondateur de snapcar.
Yves Weisselberger, co-fondateur de SnapCar. © S. de P. SnapCar

La concurrence avec les taxis ? "On l'avait plus ou moins prévue, bien sûr, se souvient Yves Weisselberger. Sauf que les VTC marchent avant tout sur les platebandes des radio-taxis qui, elles, permettent de réserver à l'avance. "La concurrence est plus frontale dans ce cas... Mais c'est une concurrence entre sociétés privées dans un système capitaliste, tout à fait normale !"

Pour Yves Weisselberger, la réaction des taxis, et en particulier de G7, a été celle, typique, d'un acteur dominant et quasi monopolistique dont le marché est bouleversé par une rupture technologique. "Première étape : il nie le problème et se dit qu'il ne craint rien. Mais le sol se dérobe peu à peu sous ses pieds. Ensuite, quand il ne peut plus le nier, il se demande comment il peut réagir. Et plutôt que d'adapter son business model et d'accepter, pendant un temps, une baisse de son chiffre d'affaires et de ses marges, il essaie de supprimer son concurrent en faisant pression auprès du gouvernement."

"Le sol s'est dérobé sous leurs pieds"

L'arrivée de la technologie dans les business traditionnels est pourtant inéluctable. "Essayer de faire interdire les nouveaux acteurs, à mon avis, est une mauvaise stratégie, presque jamais couronnée de succès. Les taxis trouvent que l'arrivée de VTC est difficile, comme l'arrivée des voitures a été compliquée pour ceux qui avaient un fiacre !", ironise Yves Weisselberger.

Si le lobbying des taxis n'a pas réussi à éradiquer les VTC, ils ont malgré tout gagné quelques batailles. Une grève lancée en janvier 2013 a provoqué des concertations entre le gouvernement, les taxis et les VTC. Elles donnent finalement lieu à des décisions comme le renforcement de la formation des conducteurs, l'interdiction de signaux lumineux sur les VTC et de compteurs... En somme, les mesures visent à éviter toute confusion entre les acteurs traditionnels et les nouveaux arrivants. Ce n'est qu'en juin 2013 qu'apparaît dans le discours des taxis la demande d'un délai imposé aux VTC entre la commande et la prise en charge du client. "Les taxis ont fait pression et G7 a engagé un lobbying intense auprès du gouvernement", raconte Yves Weisselberger. Ils réclamaient notre mort ! Ou, au moins, un délai d'une heure pour nous pénaliser." Les taxis obtiennent finalement un délai de 15 minutes, "sans concertation, de manière occulte".

Recours devant le Conseil d'Etat

Commence alors un travail du côté des VTC "pour rencontrer les personnes des ministères et expliquer pourquoi la mesure n'est pas bonne, se rappelle le co-fondateur de SnapCar. On a failli obtenir gain de cause." En effet, en octobre, le gouvernement assure une exception au délai de quinze minutes pour les abonnés des VTC. Tollé immédiat chez les taxis : en 48 heures, le gouvernement inverse sa décision (Lire l'article : "le lobby des taxis gagne une bataille contre les VTC", du 14/10/13). "On n'a jamais pu ensuite inverser la vapeur, et le décret a été adopté en décembre", regrette Yves Weisselberger. Et ce, malgré l'avis de l'Autorité de la concurrence, publié le 16 décembre, estimant que la mesure constitue "une distorsion de concurrence", "ni nécessaire ni proportionnée aux impératifs d'intérêt général qui sont poursuivis" (lire l'article : "L'Autorité de la concurrence soutient les VTC", du 20/12/13). SnapCar, Chauffeur-privé, Le Cab et Allocab ont depuis déposé des recours devant le Conseil d'Etat pour faire annuler le décret.

"Pas les mêmes acquis relationnels avec le gouvernement"

"Le G7 a été très instrumental dans le décret des 15 minutes, déplore Yves Weisselberger. Je le comprends, on a tous besoin de défendre son bifteck. Mais le monde change. Avant, ils étaient sûrs de faire du chiffre quel que soit leur comportement. Ils doivent aujourd'hui se remettre en cause." Les VTC, démunis par rapport à la force de frappe des taxis ? Sans aucun doute, répond le fondateur de SnapCar : "Eux ont des missiles, nous des arcs et des flèches. Nous n'avons pas la même influence et les mêmes acquis relationnels avec le gouvernement." Avant d'ajouter : "La force que l'on a, c'est que le grand public est largement de notre côté."

Les taxis peuvent-ils aller plus loin dans leur demandes ? "C'est sûr qu'il y aura du lobbying en ce sens, mais je pense qu'on est arrivés à la limite du tolérable. Toute mesure complémentaire viserait clairement à détruire notre secteur, pourtant créateur d'emplois."  Mais pour empêcher de nouveaux décrets, les VTC vont devoir se battre : à la suite de leur grève du lundi 13 janvier, les taxis ont réclamé des courses à 60 euros minimum pour les VTC et un délai de 30 minutes avant la prise en charge... Le combat continue.