La technologie Bitcoin, ce qui ne la tue pas la rend plus forte

Ce n'est pas la première fois que le réseau Bitcoin connait des difficultés à surmonter, et probablement il en rencontrera d'autres. Certains crieront qu'il est mort. Ce n'est pas très grave. Jamais leurs cris ne pourront nier cette invention scientifique majeure qu'il sera difficile de 'dés-inventer' ou de réduire à néant.

Vendredi, la société Mt.Gox a déposé le bilan. Elle faisait face à une cruelle réalité: elle n'était plus capable de rendre les dépôts en bitcoins ou même en devises qu'elle tenait à la disposition de ses clients.  Pour rappel, Mt.Gox est une place d'échange de bitcoins contre des devises, basée au Japon et créé par Mark Karpèles, un jeune français arrivé au Japon il y a seulement quelques années.
Cette place permet d'échanger des bitcoins contre des devises. Elle permet soit à de nouveaux entrants dans la monnaie cryptographique de pouvoir échanger des devises contre des bitcoins, soit des détenteurs de bitcoins (souvent des mineurs qui sont les membres du réseau qui valident les transactions et qui sont payés en bitcoins) de pouvoir les échanger contre des dollars ou d'autres monnaies.
Elle a été rapidement dépassée par son succès grandissant, brassant grâce aux achats spéculatifs quelques centaines de millions de dollars par mois. Depuis plus de six mois déjà, la communauté du réseau Bitcoin était très suspicieuse de la bonne gestion de cet opérateur devenu très important sur le réseau. Ce succès qui dépassait les espoirs du jeune français lui sera fatal.  Mais, Mt.Gox n'est pas le réseau Bitcoin. Mt.Gox n'est que l'une des activités qui entendait vivre au-dessus de ce réseau.
Pour rappel, les places d'échanges doivent maîtriser ou du moins opérer trois métiers. La tenue de compte en devises, la tenue de compte en bitcoin et l'échange, c'est-à-dire d'échanger des bitcoins contre des devises grâce à un système qui est celui de toute bourse d'échange.
En Europe, la directive dite "de moyens de paiements" protège les consommateurs, une société ne peut pas gérer des comptes de devises de clients, pour ce faire, elle doit passer par un établissement de paiement agréé ou en devenir elle-même un. Le principe est simple et clair. On s'étonne simplement qu'il ne s'applique pas à tous sur le territoire de la communauté européenne. En effet, il arrive qu'aux frontières de l'Europe, certains puissent ouvrir des places de marchés aux normes de sécurité plus légères. En France, il semblerait que la plateforme européenne bitcoin-central applique la loi de façon la plus stricte que possible.   
Pour ce qui est des bitcoins, l'exercice est délicat, parce qu'il est menacé par les activités beaucoup plus agressives des pirates qui, compte tenu de la valeur du bitcoin, 577$ euros ce lundi, voient un bénéfice assez grand à produire les efforts pour tenter d'accaparer ces valeurs. Accaparer pour les pirates veut dire, dans l'environnement bitcoin, pouvoir discrètement effectuer des transactions vers des milliers de comptes qui appartiennent aux voleurs.  La chute de Mt.Gox est un moment important pour les monnaies cryptographiques parce que sur le fond c'est une double tragédie pour le Bitcoin.
D'une part une partie de la communauté et des détenteurs perdent des avoirs importants. Et d'autre part, cette situation crée un déficit de confiance envers la crypto-monnaie. Il s'agit d'un coup dur. 
En effet, assez rapidement ceux qui doutaient le plus de la cryptomonnaie ont pris la parole. Lorsque l'on parcourt  la façon dont l'événement est traité on observe plusieurs positions qui ne tiennent pas à l'épreuve des faits, mais qui ont la vie dure : 
  • Mt.Gox n'est pas Bitcoin. Un point de réseau qui s'écroule ne permet pas d'écrouler le réseau. C'est dans le concept même d'une application distribuée.
  • La valeur du bitcoin ne s'est pas écroulé après les annonces, il est même passé de 400 dollars au plus bas dans la journée de mercredi à une moyenne de 550 dollars dans les jours suivants. Il semblerait que le marché des investisseurs ait largement anticipé le fait que Mt.Gox fut défaillant depuis plusieurs mois.
  • Le protocole n'est pas défaillant. Il n'y a pas de valeur qui soit  perdue ou volée par une faille du protocole nouvelle ou inconnue. En effet, les pirates ont utilisé des techniques parfaitement connues depuis plusieurs mois, mais dont la société Mt.Gox n'a pas pu pour des raisons encore inconnues, mettre en place des contournements comme c'est le cas dans les autres places. 
Or, lorsque l'on interroge la communauté, c'est plutôt un soulagement que l'on entend. Le fait que l'on puisse repartir sur des bases saines avec des dizaines de places d'échange beaucoup plus sures et plus transparentes.
Les experts sont confiants : cet événement oblige les places de marché à continuer de renforcer les dispositifs de sécurité, principalement en innovant. Aujourd'hui, une nouvelle ère va s'ouvrir et des travaux sont déjà entrepris pour continuer d'améliorer ce jeune protocole qui fait chaque jour plus d'émules.
Des méthodes vont être mises en place pour proposer des tests de solvabilité, sans compromissions des informations privées des détenteurs. Ce qui est tout à fait innovant parce que nous n'avons pas réellement ceci dans une banque aujourd'hui. A nouveau la confiance sera remplacée par un algorithme qui pourra répondre à la question est ce que mes bitcoins pourront m'être rendu.  Une autre piste consiste à améliorer le stockage sécurisé des bitcoins, le stockage à froid étant une extrême, mais il faudra trouver. Mais la piste la plus naturelle consiste à continuer d'accélérer l'éducation des utilisateurs pour s'assurer qu'ils ne prennent que des risques qu'ils consentent. Pour ceci il faut faire l'évangélisation nécessaire sur tous les éléments de la chaine.  Nous sommes à l'époque qui ressemble à la période Pre-Netscape du développement de l'internet, quelques entreprises vont mourir et l'environnement comme un tout va progresser.
L'implémentation de cette nouvelle invention qu'est le protocole Bitcoin ne se fera pas sans tentative, sans essai, sans erreur. Mais elle avance à grands pas.
La preuve est apportée par le nombre de marchands électroniques ou physiques qui expérimentent l'une des premières fonctions de Bitcoin : le paiement aux frais très faibles, le paiement par plusieurs consommateurs simultanés, les paiements irrévocables, les possibilités de ne plus stocker les informations privatives des utilisateurs et encore moins d'informations bancaires. Le célèbre marchand Fancy a décidé de rendre les frais de transactions à ces clients qui payent en bitcoin. L'économie des transactions bancaires est retournée aux clients. En résumé, avec cet épisode des premières échecs des organisations particulièrement mal gérées qui vacillent, se déploie sous nos yeux une véritable évolution similaire à celle des espèces vivantes. Dans un mouvement darwinien, les individus les plus faibles qui, au sens cryptographique, sont les plus menacés par les pirates, vont disparaitre au profit des individus les plus robustes et les plus transparents.
Comme nous le savons, ce n'est pas la première fois que le réseau Bitcoin connait des difficultés à surmonter, et probablement il en rencontrera d'autres. Ce n'est pas la première fois que, sans vraiment avoir étudié le sujet, certains crieront qu'il est mort. Et ce n'est pas très grave. Jamais leurs cris ne pourront nier cette invention scientifique majeure qu'il sera difficile de 'dés-inventer' ou de nier.  L'invention d'un système peer to peser permettant de transférer des valeurs sans autorité centrale est un événement majeur dans l'évolution du monde digital.
Cette invention disruptive heurte nos convictions profondes. Nous sommes très attachés à l'idée que la valeur d'une monnaie est défendue par une économie et une armée. Cette fois-ci, la valeur intrinsèque est une puissance répartie dans un réseau d'utilisateurs volontaires et libres. C'est une puissance sans précédent parce qu'elle est librement choisie et largement répartie sur la planète.