La French (Ad) Tech Valley

A l’heure où notre ministre Fleur Pellerin promeut la « French Tech », la France est en fait déjà sur les marches du podium mondial de l’ « Ad Tech » - les technologies de publicité en ligne.

Nous pouvons nous réjouir des derniers chiffres publiés par le SRI sur l’incroyable succès du RTB (Achat Programmatique) en France. Ce mode d’achat et de vente de publicité sur Internet, qui fait de la technologie le principal outil de la transaction, a connu une croissance record de 125 % entre 2012 et 2013, faisant de la France le deuxième marché au monde, en part d’investissement, devant l’Angleterre et juste derrière les USA (le programmatique représente 16 % du display en France, 15 % en Angleterre et 18 % aux USA).
Derrière ce dynamisme exceptionnel, c’est une vraie révolution culturelle qui s’est opérée en un temps record ces deux dernières années en France : nous l’attendions depuis longtemps et, enfin, pour la première fois dans l’histoire de l’Internet (voire des technologies en général) notre beau pays s’est doté d’un écosystème complet - une “mini Silicon-Valley” – autour de « l’Ad Tech » !

La comparaison avec la Silicon Valley n’est pas anodine

Tous les éléments qui ont permis à la Silicon Valley de gagner sa renommée et développer sa puissance créatrice sont rassemblés aujourd’hui en France: des talents, des start-up, des investisseurs, des grands groupes  et des success-stories. 
Ces éléments sont généralement liés les uns aux autres par un cercle vertueux : les success-stories entrainent un afflux de capitaux et de talents, qui amènent une nouvelle génération de start-up, qui ont besoin de lever des fonds, puis se font acquérir par des grands groupes, et ainsi de suite. C’est un mécanisme qui est dur à enclencher, mais une fois en route, nous sommes face à une véritable machine à innovation !
Qu’on se le dise : TOUS les maillons de la chaine existent aujourd’hui au sein de la « French (Ad) Tech Valley ».
  • Des talents : outre le développement informatique/web, pour lequel la France constitue un vivier reconnu de talents, la compétence  technique clé dans cette industrie est la « data science » qui nécessite une expertise en mathématiques. Or les Français excellent en la matière : la France est le deuxième pays au monde en nombre de médaille Fields, équivalent du Prix Nobel pour les maths.  D’autre part, du côté business, la génération « digital native » qui a fait ses armes depuis les années 2000 chez les géants américains de l’époque (AOL, Microsoft, Yahoo, etc.) est maintenant mature et occupe des postes de décideurs ou d’entrepreneurs, à même de dynamiser le secteur.
  • Des start-up : une myriade de start-up Ad Tech existe aujourd’hui en France dans tous les domaines clés de cette industrie : vérification, analyse de données, visuels publicitaires, etc. La plupart de ces sociétés sont d’ailleurs des spin-out des leaders locaux (Orange, Criteo, Hi-Media, Havas, etc.).
  • Des investisseurs : les fonds de VCs français n’ont jamais été aussi actifs dans l’Ad Tech. Aujourd’hui, environ 10% du total des levées de fonds du web en France sont consacrés à ce domaine. A noter par exemple l’initiative originale du fonds Orange-Publicis géré par Iris Capital. D’autre part, l’exit de Criteo a permis à ses investisseurs de constituer une expertise unique, en plus de l’afflux de capitaux. Enfin, les récentes levées de fonds à des niveaux conséquents (par exemple plus d’un million d’euros en amorçage pour Appsfire, Ezakus, Adomik, AlephD) ont montré que les VCs français étaient prêts à suivre avec force des projets ambitieux et risqués dans le domaine.
  • Des grands groupes : on oublie souvent que la publicité est un secteur concentré et que les donneurs d’ordre  sont les 6 grandes agences de communication mondiales : WPP, Omnicom, Dentsu/Aegis, Publicis, Havas, IPG. On oublie aussi que parmi les 6, deux sont françaises : Publicis et Havas et une troisième, Dentsu / Aegis, est très enracinée en France (Aegis est né de la fusion du français Carat et de l’anglais WRCS). Le leader mondial en train d’éclore, Publicis Omnicom Group, sera par ailleurs franco-américain et conservera un siège opérationnel à Paris.
    La présence de ces mastodontes a des retombées naturelles sur l’écosystème français.
    Par exemple Havas a récemment fait l’acquisition de MFG Labs (une société française créée justement par un lauréat de la médaille Fields), et a choisi Paris pour installer son centre mondial de compétences dans le Programmatique. La France est aussi riche en grand groupe médias d’envergure mondiale (comme Vivendi ou Lagardère) et l’offre nationale est pléthorique. Ces groupes ont su se montrer innovant Orange a été le premier groupe média européen à constituer son ad-exchange.
    L’exemple des régies nouvelle génération, La Place Media et Audience Square, ces spécialistes du programmatique, véritables start-up incubées par les grandes sociétés de médias plus traditionnels (journaux, magazines, radio, chaines de télé) a prouvé que ces acteurs savent aussi se réinventer. Ces deux projets, sont par ailleurs les seules réussites connues de projet d’incubation comptant autant de partenaires différents.
  • Des success-stories : l’éclatante réussite de Criteo, première société française de technologie cotée au NASDAQ depuis Business Objects en 1995, a finalement montré qu’il était possible de construire des leaders mondiaux depuis la France. Le parcours tout aussi exceptionnel de sociétés comme Hi-Media, leader européen de sa catégorie, ou encore la récente acquisition de Neolane par Adobe, sont autant de modèles dont le succès peut inspirer les entrepreneurs et dynamiser l’industrie.
Dans un monde où Internet est aujourd’hui devenu si central, on oublie parfois que son modèle économique de gratuité repose principalement sur la publicité. A l’heure où cette publicité numérique devient intimement liée à la maitrise de la technologie, notre « French AdTech Valley » est un atout unique pour le développement économique du pays, et un secteur très prometteur que nous nous devons de continuer à cultiver.