Joan Burkovic (CEO Bankin) "L'analyse anonyme des données bancaires nous permet de transformer la publicité en service grâce au ciblage"

Joan Burkovic a cofondé l'application Bankin, qui permet de gérer ses finances personnelles, en 2011. Depuis deux ans, il peaufine le business model de l'appli qui compte déjà un million d'utilisateurs.

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Joan Burkovic, CEO de Bankin. © Bankin

JDN. Pouvez-vous présenter l'application Bankin ?

Joan Burkovic. Bankin permet d'avoir une vue globale et une meilleure compréhension de ses compte bancaires. L'application synchronise chaque matin les comptes puis analyse et catégorise automatiquement où part l'argent pour que l'utilisateur comprenne ses dépenses, en voit l'évolution. Il peut éventuellement se fixer des limites de budget pour mieux prévoir son solde à la fin du mois et augmenter son épargne. L'utilisateur reçoit des alertes mails et push sur les transactions importantes, s'il le souhaite. Il peut aussi recevoir quotidiennement les soldes de ses comptes, ainsi qu'un récapitulatif de ses comptes et une analyse des sorties d'argent chaque semaine. L'entreprise a été fondée en janvier 2011, lorsque nous avons intégré l'accélérateur Le Camping, et la première version de Bankin est sortie en octobre. Nous sommes quatre cofondateurs et aujourd'hui, Bankin compte une dizaine de collaborateurs.

L'application est-elle payante ?

Nous avons mis en place un modèle freemium. L'application peut être téléchargée gratuitement, mais avec des fonctionnalités limitées et dans ce cas, l'utilisateur peut recevoir des messages de partenaires. Bankin+ débloque des fonctionnalités et permet aussi d'enlever les publicités.

Pourtant, Bankin apparaît parfois sur les stores d'applications à 4,99 euros ?

Faire varier le prix de l'appli pour contrôler la croissance

Depuis la création de Bankin, on fonctionne par sas. L'application requiert une sécurité lourde et passer notre application à 4,99 euros nous a permis de maitriser notre croissance. Dès que l'on passait un pallier d'utilisateurs, l'application redevenait payante. Et lorsque l'on se sentait prêts, on la repassait en gratuite et l'on voyait notre base d'utilisateurs croître rapidement. C'est plus un levier pour ralentir la croissance qu'une source de revenus. Cela nous permet d'offrir une qualité de service irréprochable. Aujourd'hui, l'application est gratuite la plupart du temps.

Combien comptez-vous d'utilisateurs ?

Un million d'utilisateurs

Nous comptons un million d'utilisateurs. Les abonnés premium représentent quelques pourcents de notre base. Nous ne faisons pas d'acquisition massive, nous ne procédons que par bouche à oreille. On a donc une croissance naturelle mais pas non plus une explosion. Nous ne sommes présents qu'en France.

Prévoyez-vous de vous lancer à l'international ?

Nous avons une ambition internationale depuis nos débuts. Mais nous travaillons depuis 18 mois pour bâtir un business model rentable, et nous ne voulions donc pas nous engager dans une acquisition massive d'utilisateurs avant que cela ne soit fait.

Quel est donc votre business model ?

La publicité présentée comme un service

50% de nos revenus viennent des comptes Bankin+, ainsi que des comptes Bankin Pro, réservés aux professionnels (chefs d'entreprises, PME, professions libérales...). 50% viennent des messages de professionnels sponsorisés, que nous affichons à nos utilisateurs. Avec la masse d'utilisateurs dont on dispose, on est déjà très performants sur les messages des partenaires. On veut que la publicité soit perçue comme un service, et on travaille beaucoup là-dessus, pour répondre aux besoins de l'utilisateur. On sait que notre business model marche mais on travaille sur la manière de présenter de manière pertinente l'offre des marques à l'utilisateur. Une fois qu'on sera à l'aise sur ce modèle-là, alors on accélèrera, et aussi à l'international.

Quels clients visez-vous ?

D'abord, l'univers bancaire. Nous apportons alors des opportunités de marché aux utilisateurs. Par exemple, on met en relation les utilisateurs qui ont un crédit immobilier avec un partenaire qui propose un meilleur taux. C'est de la publicité mais aussi un service, une vraie opportunité.

Analyser les données bancaires pour cibler la publicité

Ensuite, l'univers des marques, de tous secteurs. Par exemple, on propose à un utilisateur qui paye 70 euros pour un forfait téléphonique une offre moins chère. Ou un e-commerçant comme Showroom-Privé ou Vente-privée peut récompenser les clients de leur fidélité en envoyant une offre à tous ceux qui ont fait trois achats. Il peut aussi choisir d'envoyer une offre à ceux qui achètent chez le concurrent. La marque peut aussi demander à Bankin d'étudier l'impact d'une campagne télé de son concurrent, par exemple. Nous pouvons alors lui dire "entre telle et telle date, il y a eu une augmentation de x% des ventes, une augmentation de x euros du panier moyen, sur tel profil de la population". On peut aussi regarder si les personnes touchées restent fidèles à la marque dans le temps. Nous pouvons diffuser le bon message à la bonne personne, selon des critères précis. Toutes les données bancaires sont analysées de manière anonyme par notre technologie.

Comment vous financez-vous ?

Une levée de fonds pour accélérer à l'international

Nous avons levé quelques centaines de milliers d'euros auprès de trois business angels en 2012. On aurait pu lever plus mais on a préféré faire entrer au capital des entrepreneurs avec qui échanger et partager notre expérience. Aujourd'hui, on s'autofinance grâce à notre travail sur le modèle économique, et on arrive à en vivre. On maitrise notre croissance et on n'est pas en péril même sans lever des fonds. Mais la situation de Bankin aujourd'hui est très propice au financement. On a répondu à beaucoup de questions, sur l'équipe, le business model, on a montré que nos utilisateurs restent actifs... On déclenchera le processus de levée quand on sera prêts à accélérer à l'international... Au mieux en 2015.

Comment se différencier des banques, qui innovent de plus en plus en la matière ?

Nouvelle fonctionnalité pour les notes de frais

D'abord, pas loin de 50% des français sont multi-bancarisés, et on est les seuls à pouvoir lier leurs différents comptes. Mais surtout, l'enjeu pour nous est d'innover continuellement, d'investir dans la R&D. Par exemple, nous venons de lancer une fonctionnalité de budget qui prévoit le solde à la fin du mois pour éviter les découverts. On va aussi sortir une solution sur les notes de frais, pour les abonnés premium : ils pourront prendre en photo leur note de frais, qui sera lue par notre technologie. Les infos extraites seront matchées automatiquement avec la transaction. L'utilisateur n'aura alors plus qu'à transférer le document. La fonctionnalité sera lancée en béta cette semaine, puis pour tout le monde d'ici à fin février.

Quels sont vos principaux concurrents ?

Aux Etats-Unis, le marché est extrêmement mature, avec Mint par exemple. En Europe, des start-up ont récemment bouclé de grosses levées : le suédois Tink [qui a levé quatre millions d'euros en septembre 2014, ndlr], ou encore le suisso-allemand Numbrs, rebaptisé depuis Centralway [qui a levé 7,7 millions de dollars en mai 2013]. On sent que l'environnement devient favorable en Europe pour ce type d'applications et qu'il est temps de prendre le marché. On est confiants parce que ces start-up sont des acteurs très récents et qu'elles n'ont pas encore de place forte sur leur marché national. La qualité de service est primordiale, surtout pour une appli qui traite des informations bancaires sensibles : si ces start-up accélèrent trop vite, elles vont gaspiller de l'argent. Nous avons un modèle plus vertueux et un meilleur service, donc on optimisera mieux l'argent levé.

Joan Burkovic a co-fondé Bankin en 2011 avec son camarade de promo, Robin Dauzon, alors qu'ils étaient encore étudiants. Bankin est passé par l'incubateur Essec, école dont Joan est sorti diplômé en 2012. La start-up a ensuite intégré l'accélérateur Le camping (Saison 1).