Meilleurs extraits : "On m'avait dit que c'était impossible", de Jean-Baptiste Rudelle, CEO de Criteo Sur le best-seller de l’économiste Thomas Piketty, Le Capital au XXIème siècle

"En France, où pourtant les inégalités sont moins criantes, ce livre gêne aussi dans un certain milieu. C’est devenu une blague avec ma femme quand nous sommes invités à dîner et que je lui dis : "On se fait un Piketty time ce soir ?" C’est le nom de code pour lâcher le pavé dans la mare au moment du dessert : "Au fait, qu’est-ce que vous pensez du Capital au XXIème siècle ?" Rien de tel pour voir monter d’un coup la tension autour de la table. En général, les réactions ne se font pas attendre.

Il y a les hostiles de principe, comme l’économiste libéral Nicolas Baverez, qui a joliment labellisé l’ouvrage de "marxisme de sous-préfecture". Dépeindre Piketty en dangereux agitateur bolchevique permet d’esquiver habilement le fond du débat.

Je rencontre aussi souvent des idéologues adeptes de la théorie du complot : "Bienvenue en URSS ! Piketty manipule les chiffres pour prôner de taxer les riches à 90 %."

Très classique aussi, la position du déni de principe : "Mais qui prouve que les inégalités augmentent ? Encore des contrevérités de journalistes. Il y a plein de statistiques qui prouvent le contraire." (Ne leur demandez pas leurs sources, en revanche, cela les énerve.)

Vient ensuite le tour des darwinistes sociaux. Ceuxlà ont le mérite d’assumer une position claire et cohérente : "Les inégalités ne sont pas une mauvaise chose en soi, au contraire. Les inégalités permettent à la société d’être plus efficace. Cela s’appelle la méritocratie. C’est ce qui a fait la force de l’Occident."

Si je voulais être un peu cynique, je pourrais traduire cela par : "Qu’importe l’explosion des inégalités, tant que je suis du bon côté du manche."