Bernard Liautaud (Balderton Capital) "Les investisseurs étrangers trouvent la politique fiscale française dramatique"

Fondateur de Business Objects et associé chez Balderton Capital, Bernard Liautaud explique pourquoi le gouvernement français doit rapidement s'interroger sur l'attractivité du pays pour les entrepreneurs.

JDN. Pouvez-vous présenter Balderton Capital et son activité ?

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Bernard Liautaud, associé chez Balderton Capital © Balderton Capital

Bernard Liautaud. Balderton Capital est né il y a 10 ans et était à l'époque la branche de Benchmark Capital en Europe. Sur cette période nous avons levé 4 fonds, les deux premiers l'étant sous le nom de Benchmark Europe, pour un montant de 500 millions de dollars et de 350 millions de dollars. Depuis 5 ans nous sommes devenus Balderton Capital suite à une désolidarisation amicale de Benchmark Capital qui souhaitait concentrer ses activités sur la Silicon Valley. Nous avons levé deux fonds de 500 millions de dollars chacun sous le nom de Balderton, destinés à cibler les sociétés européenne de technologie, dans l'e-commerce et plus largement dans l'e-business.

Qu'en est-il de votre dernier fonds ? Quels sont vos objectifs en matière retour sur investissement ?

Notre dernier fonds a quatre ans et nous permettra de réaliser encore trois à quatre opérations mais pas davantage. Nous commençons donc à lever une nouvelle poche d'investissement qui sera cette fois de 400 millions de dollars. Un montant inférieur aux précédents fonds puisque nous souhaitons passer d'un cycle d'investissement de quatre ans à des cycles de trois ans.

Nous cherchons à investir principalement dans des sociétés européennes à portée internationale, en espérant un multiple minimal de 10 par opération. C'est une moyenne, nous avons déjà réalisé des sorties nous offrant des multiples de retour sur investissement de 50.

En tant qu'investisseur localisé au Royaume-Uni, quel regard portez-vous sur l'écosystème français et notre actualité législative ?

"Les pays voisins ont clairement compris qu'il y a un réel enjeu d'attractivité et donc de compétitivité auprès des entrepreneurs"

Mon regard sur la France est affligé au regard de ce que fait ou ne fait pas le gouvernement. Les entrepreneurs ont un vrai besoin d'accompagnement. Les pays voisins ont clairement compris qu'il y a un réel enjeu d'attractivité et donc de compétitivité auprès des entrepreneurs d'où l'idée de Londres de tenter de regrouper tous les entrepreneurs européens dans une unique ville. Il est temps que les responsables du gouvernement français réalisent que la France est perçue à l'étranger de manière dramatique.

Cela va-t-il changer votre politique d'investissement en France ? Quels sont vos critères ?

"la sélection ne se fait pas en fonction d'une politique fiscale mais sur la qualité des projets et de ceux qui les portent"

Nous avons déjà investi en France par exemple dans Talend ou encore dans VestiaireCollective.com et mon opinion sur la politique fiscale en France n'est en aucun cas un désaveu de la qualité des entrepreneurs français. Notre position n'exclut pas des prises de participation en France car la sélection ne se fait pas en fonction d'une politique fiscale mais bien sur la qualité des projets et ceux qui les portent. Nous cherchons avant tout des projets en early stage bien que nous faisons également un peu d'amorçage. Il est important d'accompagner un entrepreneur le plus tôt possible.

Quelles sont vos derniers investissements ?

Nous sommes très actif dans l'e-commerce comme l'illustrent nos participations dans Thehut.com, Achica, le spécialiste de la commercialisation de produits lourds Worldstores ou encore le site de ventes privées russe KupiVip. Nous avons également investi dans des modèles alternatifs que sont le concurrent d'Airbnb, Housetrip et Wonga, une société à la croissance extraordinaire qui propose au Royaume-Uni un service de prêt à la consommation de petits montants et de courte durée. Nous sommes également au capital du géant allemand du social gaming Wooga ou encore de Justyle, un site e-commerce chinois spécialisé dans la mode masculine.

Diplômé de Centrale Paris et de de Stanford, Bernard Liautaud débute sa carrière en 1986 chez Oracle en tant que responsable des ventes et du marketing pour le marché français. Il fonde et dirige Business Objects de 1990 à 2008, une société spécialisée en business intelligence comptant 6 700 salariés qu'il revend à SAP 6,8 milliards de dollars en 2008, époque à laquelle il rejoint Balderton Capital en tant qu'associé.