Qobuz en sauvegarde judiciaire : "Nous avons 4 mois pour lever des fonds"

Qobuz en sauvegarde judiciaire : "Nous avons 4 mois pour lever des fonds" Le site de musique en ligne vient de se placer sous sauvegarde judiciaire. La start-up a échoué à boucler un troisième tour de table pour soutenir sa croissance.

Les prochains mois seront décisifs pour l'avenir du site de téléchargement et de streaming de musique haute définition Qobuz. La start-up s'est placée, mi-août, en procédure de sauvegarde. Qobuz, qui a déjà levé 10 millions d'euros auprès d'Innovacom et de Sigma Gestion, n'a pas réussi à boucler un troisième tour de table et se trouve à cours de financement. Depuis octobre 2013, la start-up cherchait à lever 20 à 25 millions d'euros supplémentaires pour financer son expansion en Europe. Sans succès. Les fonds historiques n'ont pas voulu refinancer Qobuz, qui n'a pas non plus trouvé un nouveau fonds intéressé.

"Le secteur n'est pas stabilisé, et est complexe à comprendre, justifie Yves Riesel, directeur et cofondateur de la start-up. Peu de gens détiennent les grilles d'analyse de risques. Les fonds que nous avons rencontrés veulent par exemple que nous fassions d'abord nos preuves sur le marché français avant d'aller à l'international. Mais c'est une erreur pour la musique en ligne : il n'y a aucun espoir d'arriver à la rentabilité dans un seul pays, il faut passer à l'échelon continental. D'autant que le marché français n'est pas assez mature. C'est paradoxal, parce que c'est l'un des meilleurs marchés pour le streaming, mais les acteurs n'ont pas su créer un consentement à payer pour la musique. Le nombre d'abonnements payants y est beaucoup plus faible qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni." Qobuz vient seulement de lancer, il y a quelques mois, le streaming dans huit pays étrangers (dont la Grande-Bretagne et l'Allemagne), ainsi que le téléchargement depuis quelques jours. "Lorsque nous avons lancé le streaming à l'étranger, notre base d'abonnés a immédiatement augmenté d'un tiers !" Un peu tard ?

Acquisition clients et Internationalisation à la traîne

Qobuz a fait le choix de miser sur la qualité du produit, plutôt que de s'internationaliser rapidement. "Il y a deux ans et demi, nous nous apprêtions à boucler une levée de fonds de six millions d'euros auprès de nos investisseurs historiques et du FSN [BPI], se souvient Yves Riesel. Le FSN a fait échouer la levée. Leur argument : "Il y a Spotify et Deezer, nous n'avons besoin de rien d'autres". Les fonds ne comprennent pas que le marché va se segmenter, avec des offres plus qualitatives."

Le directeur considère alors que Qobuz n'a pas assez d'argent pour se lancer sur tous les fronts. "Plutôt que de brûler nos fonds en marketing sur le marché français, pas encore mûr, ou de se lancer à l'étranger, nous avons décidé d'améliorer notre produit. Nous avons ajouté la possibilité de télécharger, et misé sur l'innovation et la qualité de son, ainsi que la recommandation." Qobuz se targue de miser sur un service plus haut-de-gamme, dans lequel le client est accompagné non pas par un "algorithme approximatif", mais grâce au travail éditorial d'experts. Une promesse qui coûte cher à la start-up.

Chiffre d'affaires en hausse de 60%

"Le téléchargement marche bien, mais le streaming beaucoup moins, avoue Yves Riesel. Le recrutement d'un abonné coûte cher, et nous sommes en état d'anémie commerciale, nous ne pouvons pas investir en marketing." Le service compte 25 000 abonnés payants, à 9,99 ou 19,99 euros par mois selon la qualité du son. La start-up devrait atteindre, fin septembre, un chiffre d'affaires de 9 millions d'euros pour la dernière année fiscale, en hausse de 60%.

Dernière chance pour Qobuz : boucler une levée de fonds dans les mois à venir. "On va repartir à l'attaque et on espère que cette fois les pouvoirs publics vont nous aider. Nous avons bénéficié d'une bonne couverture à l'étranger après le lancement de Qobuz à l'international, et depuis l'annonce du placement sous sauvegarde judiciaire, nous recevons de nombreux soutiens."  Yves Riesel se donne quatre mois pour lever au moins 10 à 12 millions d'euros, afin de mettre en place un plan de développement sur un an. Les fonds serviront à l'acquisition client et à continuer à développer le produit.

Licenciements

Et en cas d'échec ? "C'est une hypothèse que je n'envisage pas, assure le directeur. Nous trouverons d'autres solutions, qui seront peut-être moins favorables pour le service, mais nous ne fermerons pas." Pour l'heure, afin de réduire les coûts, des licenciements économiques vont avoir lieu au sein de l'équipe de 57 employés, "en essayant de ne pas toucher à la technique, essentielle, et aux experts qui assurent la qualité de préconisation."