Slava Rubin (IndieGogo) "30% des fonds levés sur Indiegogo le sont en dehors des Etats-Unis"

Pourquoi passer par le crowdfunding pour financer sa start-up ? Le cofondateur d'Indiegogo, Slava Rubin, répond au JDN et évoque les ambitions internationales de la plateforme.

JDN. D'où vient  l'idée d'IndieGogo ?

slava rubin indiegogo 275
Slava Rubin est le cofondateur et CEO d'Indiegogo © S. de P. Indiegogo

Slava Rubin. Indiegogo est né de la frustration rencontrée par moi et mes deux cofondateurs alors que nous tentions de trouver des financements pour l'un de nos projets. Nous sommes partis du constat que beaucoup de choses avaient été démocratisées grâce au développement du web, mais pas l'accès aux capitaux. Nous avons donc créée la plateforme de crowfunding Indiegogo pour permettre à n'importe qui de financer ses idées et ses projets.

Les plateforme est aujourd'hui disponible en 5 langues, 4 devises et opère dans près de 140 pays. C'est aujourd'hui le plus grand site de crowdfunding dans le monde. Environ 70 personnes travaillent pour Indiegogo à l'heure actuelle.

Il existe pourtant un grand nombre de plateformes de crowdfunding...

Depuis que nous avons lancé cette industrie du crowdfunding en 2008, des milliers de plateformes ont fait leur apparition et ont essayé de nous suivre. Pour l'anecdote, certaines d'entre elles ont même utilisé Indiegogo pour se financer. La bonne nouvelle est qu'aucune de ces plateformes ne prend la direction que nous prenons.

Quelles sont justement vos différences avec toutes ces plateformes, et notamment KickStarter, votre principal concurrent?

Nous avons fait le choix de nous développer comme une plateforme ouverte et très orientée vers le consommateur afin de permettre à chacun de lever des fonds pour n'importe quel type de projet. Notre présence très marquée à l'international est également un élément différenciant avec Kickstarter.

D'un point de vue produit, nous nous différencions avec des fonctionnalités comme le "Gogofactor". Il s'agit d'un algorithme qui, à l'instar de Google avec son pagerank, va sélectionner les campagnes qui seront mises en avant sur notre page d'accueil en utilisant un certain nombres de critères. Cela permet de donner davantage de visibilité aux projets les plus intéressants.

Sur quoi repose votre modèle de revenus ?

Direction l'Europe, l'Amérique du Sud et l'Australie

Nous touchons une commission de 4% sur les sommes levées via notre plateforme. Nous laissons également la possibilité à nos utilisateurs de pouvoir démarrer une campagne flexible qui, contrairement à une campagne fixe, va permettre de conserver les fonds levés même si les objectifs n'ont pas été atteints. Dans ce cas, notre taux de commission s'élève à 9%.

Où en est votre croissance à l'international ?

En Europe, notre volume de transaction a triplé en 2012, notamment grâce à l'ajout de nouveaux langages et de devises. Notre empreinte mondiale permet ainsi à n'importe qui de lever de l'argent auprès d'une audience globale et dans plusieurs devises parmi lesquelles le dollar, la livre sterling et l'euro.

Nous transférons désormais de l'argent dans environ 70 à 100 pays chaque semaine et environ 30% des fonds levés via la plateforme ne sont pas américains. Accélérer notre internationalisation est d'ailleurs l'une de nos priorités cette année. Nous pensons en effet qu'il existe de belles opportunités pour nous en Europe, en Australie et en Amérique du Sud.

De plus en plus d'entrepreneurs font aujourd'hui appel au crowdfunding afin de valider l'existence d'un marché pour leur produit ?

Une plateforme comme Indiegogo peut en effet se révéler très utile pour évaluer la demande. Cela peut également aider des entrepreneurs à convaincre des investisseurs réticents. Nous avons par exemple vu des cas où des investisseurs, qui avaient d'abord refusé d'investir dans un projet, ont par la suite changé d'avis après avoir vu le succès de la campagne sur Indiegogo.

Un investisseur cherche en effet à évaluer les risques de son investissement et le fait de lui prouver qu'il existe une réelle demande pour son produit est un élément rassurant. Enfin, cela bénéficie également aux entrepreneurs qui peuvent négocier une valorisation plus élevée en cas de succès d'une campagne.

Quels sont vos conseils pour réussir sa campagne de crowdfunding ?

"Dans 10 ans on ne parlera plus de crowdfunding"

Les 3 clés d'une campagne réussie sont d'abord d'avoir une page bien présentée, de la faire vivre autant que possible et de réussir à toucher une audience intéressée par votre projet. Intégrer une vidéo, faire régulièrement des mises à jour et demander à votre entourage de participer dès les premiers jours sont autant d'éléments qui augmenteront avec certitude les chances de succès de votre campagne.

Si par exemple vous atteignez 25% de votre financement au cours de la première semaine, vous avez alors 5 fois plus de chances d'atteindre vos objectifs de campagne.

Un certain nombre de pays, dont la France et les Etats-Unis, cherchent actuellement à réguler le secteur du crowdfunding. Que pensez-vous de ces initiatives ?

L'accès aux capitaux est une question globale. Je pense qu'il est important de trouver le juste équilibre pour à la fois protéger au mieux les investisseurs, mais sans pour autant mettre un frein à l'innovation en réglementant de manière excessive. Beaucoup de gouvernements travaillent actuellement à la rédaction de leur propre régulation sur le sujet et, d'après ce que j'en ai vu, cela semble aller dans la bonne direction. Je pense qu'il va être intéressant d'observer comment les différents modèles vont évoluer dans les années à venir et, à terme, voir celui qui fonctionne le mieux.

Comment voyez-vous le secteur du crowdfunding évoluer dans les années à venir ?

Je pense que nous n'en sommes encore qu'au tout début. Le crowdfunding est aujourd'hui ce que les réseaux sociaux étaient en 2003, où seule une petite poignée de personnes les utilisaient avant qu'ils ne soient massivement adoptés par le reste de la population. Mon opinion est que dans dix ans on ne parlera plus du crowdfunding comme aujourd'hui, car il sera devenu un mode de financement comme un autre et sera entré dans les mœurs. Il y a fort à parier que beaucoup d'idées et de causes seront plus facilement financées à l'avenir qu'elles ne sont dans le système de financement actuel. Notre objectif est véritablement de démocratiser l'accès aux capitaux.

Slava Rubin est le fondateur et CEO d'Indiegogo, la plus grande plateforme de crowdfunding à l'international. Avant cela, Slava a exercé pendant près de dix ans en tant que consultant en stratégie pour des clients comme MasterCard ou encore FedEx. Il est également le fondateur de l'événement "Music Against Myeloma", un gala de charité annuel qui récolte des fonds au profit de la lutte contre le cancer. Slava Rubin est diplômé d'un Bachelor de la Wharton School de l'Université de Pennsylvanie.