Taavet Hinrikus (TransferWise) "Dans le futur nous n'utiliserons plus une seule banque mais une multitude de services"

Premier employé de Skype, Taavet Hinrikus est désormais à la tête de Transferwise, un service de transfert d'argent à l'international qui s'attaque au monopole des banques.

Comment est né le concept de Transferwise ?

taavet hinrikus 275
Taavet Hinrikus est cofondateur et président exécutif de Transferwise © S. de P. Transferwise

Moi et mon cofondateur Kristo Käärmann sommes originaires d'Estonie. Nous avons créé l'entreprise à la suite d'une frustration personnelle. Je travaillais à l'époque pour Skype (Taavet a été le premier employé de l'entreprise, ndlr), et j'ai déménagé à Londres. Là un problème est apparu : mon salaire étant toujours versé en Estonie, il me fallait transférer chaque mois cet argent. Il s'agissait là d'un procédé long, coûteux et frustrant. A la même époque, mon cofondateur Kristo cherchait, lui, à envoyer de l'argent en Estonie depuis Londres. Nous nous sommes immédiatement dit qu'il n'y avait nul besoin de procéder à un transfert d'argent à échelle internationale : le plus simple était simplement de nous échanger cet argent. Nous avons alors vite réalisé qu'une plateforme de transfert d'argent "peer to peer" serait utile pour beaucoup de personnes à travers le monde. Le concept de Transferwise était né ! Basée en Grande-Bretagne et en Estonie, l'entreprise emploie aujourd'hui près de 250 employés.

Comment fonctionne la plateforme ?

De manière très simple. Admettons que vous vouliez envoyer de l'argent depuis Paris à l'un de vos amis basé à Londres : il vous suffit de vous rendre sur notre site Internet pour y entrer votre numéro de carte bleue puis de préciser l'email ou le numéro de compte en banque de votre ami. Une fois ces informations complétées, nous procédons alors au transfert, que nous trouvions une correspondance avec un autre utilisateur ou non. A noter que le destinataire n'a pas besoin d'être inscrit sur TransferWise pour toucher cet argent.

Sur quoi repose votre modèle de revenus ?

"Les start-up FinTech proposent des services plus performants que ceux des banques"

Il est clair et transparent : nous prenons une commission de 0.5% sur chaque transfert. Depuis que notre création, nous avons transféré près de 3 milliards de livres sterling, ce qui signifie que nous avons permis à nos clients d'économiser plus de 150 millions de livres sterling en frais bancaires ! La transparence est d'ailleurs l'une des principales valeurs de notre marque. C'est même l'une des raisons pour laquelle nous avons décidé de créer cette entreprise. A l'inverse des banques, nous n'appliquons aucun frais cachés.

Quel est le profil de vos clients ?

Il s'agit de personnes qui ont le plus souvent des amis ou de la famille à l'étranger. Mais nous remarquons également que de plus en plus de petites et moyennes entreprises utilisent notre plateforme pour payer leurs employés ou leurs fournisseurs.

Comment voyez-vous l'avenir des banques, de plus en plus concurrencées les start-up FinTech ?

Si vous regardez le monde actuel, vous vous apercevez que beaucoup de services se révèlent plus performants dans leur domaine que les banques, que ce soit dans des secteurs comme le paiement, le transfert d'argent, les prêts entre personnes, etc. Les banques font face à une réelle concurrence de la part des start-up FinTech. Raison pour laquelle je pense que le rôle de la banque est amené à évoluer dans le monde de demain.

Dans le futur, nous n'utiliserons probablement plus une seule banque pour toutes nos opérations mais plutôt un panel de services qui répondront à des besoins bien spécifiques. Mon sentiment est que les banques devraient fonctionner de la même manière qu'un Spotify ou qu'un Skype, autrement dit en proposant un service qui fonctionne en ligne, peu onéreux et facile à utiliser.

Pensez-vous que les stars de demain de la Fintech pourraient venir d'Europe ?

Absolument ! Il y a actuellement une réelle concentration de start-up évoluant dans le secteur de la finance en Europe, en particulier à Londres. Et c'est une réelle bonne nouvelle à la fois pour la ville mais aussi pour l'Europe. Car ce n'est ni New-York ni la Californie, mais bien Londres qui est la capitale des FinTech aujourd'hui !

Vous avez été le premier employé à rejoindre les rangs de Skype. A cette époque, quelle a été la stratégie de la plateforme pour acquérir ses premiers utilisateurs ?

"Londres est la capitale des FinTech aujourd'hui"

Les débuts de Skype ont été en réalité assez similaires à ceux de Transferwise aujourd'hui. Le succès des deux services est en effet directement lié au fait que les gens les trouvent utiles et prennent eux-mêmes l'initiative d'en parler à leur entourage. Aux débuts de Skype, nous avions par exemple simplement invités nos amis à utiliser la plateforme. Puis le bouche-à-oreille a vite fonctionné. La raison ? Nous proposions à l'époque quelque chose qui n'existait pas : le fait de pouvoir converser à distance avec quelqu'un sans que cela ne coûte rien. De ce point de vue là, je pense que Skype a changé le monde et entamé une véritable révolution dans le secteur des télécommunications.

Quel serait votre conseil n°1 à destination des entrepreneurs ?

De ne surtout pas attendre et de démarrer le plus vite possible ! Beaucoup de gens parlent de créer une start-up, mais ils sont aussi très nombreux à abandonner. Le conseil que je peux leur donner est avant tout de se concentrer sur des objectifs à très court terme pour pouvoir apprendre et s'améliorer rapidement. En clair, au lieu de faire un plan sur un an, faîtes le plutôt sur un mois ! Créez un prototype et allez vite le présenter à des utilisateurs potentiels.

Vous avez levé 58 millions de dollars en janvier dernier auprès d'investisseurs de renom, parmi lesquels Peter Thiel ou encore Richard Branson. Comment comptez-vous dépenser cet argent ?

Notre objectif est touours le même : faire en sorte qu'il y ait autant de personnes que possible qui utilisent Transferwise ! Nous comptons donc utiliser ces fonds pour nous développer à l'international. Nous avons par exemple récemment ouvert un bureau à New-York pour attaquer le marché américain. Nous gardons également un œil attentif sur l'Asie. Transferwise devrait aussi être lancé en Australie très prochainement.

Taavet Hinrikus est le cofondateur et Président executifu de TransferWise, une plateforme spécialisée dans les transferts d'argent internationaux, où il supervise le marketing et le développement Produit. La start-up a levé au total plus de 90 millions de dollars auprès d'investisseurs prestigieux tels que Peter Thiel, Richard Branson, Max Levchin ou encore le fonds Andreessen Horowitz. Avant Transferwise, Taavet a été le directeur de la stratégie de Skype jusqu'en 2008. Il est notamment connu pour avoir été le premier employé de l'entreprise. Il est également business angel et advisor dans plusieurs start-up parmi lesquelles OMGPOP, Betaworks ou Tweetdeck.