Ezula, l'autre passager clandestin de l'e-pub
Par le Journal du Net (Benchmark Group)
URL : http://www.journaldunet.com/0111/011113ezula.shtml
Mardi 13 novembre 2001

Les éditeurs de sites en quête de ressources publicitaires et les amateurs de MP3 frelatés en seront pour leurs frais. Après l'épisode Gator, qui a défrayé la chronique aux Etats-Unis au cours de l'été (cette petite application remplace les bannières des sites visités par les siennes), un nouveau programme de publicité intrusive commence à se répandre comme une traînée de poudre. Greffé à des logiciels en libre accès -freeware-, ce programme est notamment véhiculé en cachette par les dernières versions de Kazaa ou d'iMesh, deux applications d'échange de fichiers MP3 en pleine gloire depuis le déclin de Napster. Babylon, Cute FTP, Gif Animator, Opera ou encore WinEdit en seraient potentiellement les autres vecteurs. Résultat : quelques 8 millions d'internautes dans le monde, dont 3 millions aux Etats-Unis, auraient déjà gobé la "chose" sans vraiment le savoir.


Exemple de mot-clé détecté. En cliquant sur le lien, l'internaute aboutira sur le site de Consumerinfo. L'organisme de crédit a ainsi acheté plusieurs mots-clés liés à son activité.

Les symptômes ? Quel que soit le site visité, une barre marron apparaît sous certains mots anglais. Au passage de la souris (voir ci-contre), les mots ainsi repérés se retrouvent surlignés en jaune. Si l'internaute clique sur ces mots, s'ouvrent alors des fenêtres sur le navigateur renvoyant sur des liens précis. Derrière ce phénomène se trouve une petite application lancée au printemps dernier par la société américaine Ezula. Il s'agit d'un "adware" (logiciel publicitaire) qui se déclenche dès qu'une page comporte certains mots-clés.

Pour se répandre, ce petit adware marie subtilement information et publicité. Dans sa version TopText, proposée en téléchargement libre sur le site d'Ezula, le programme est présenté comme une sorte d'encyclopédie dynamique. TopText comporte une série de mots-clés paramétrables, souvent techniques, pour lesquels il renvoie vers des fiches explicatives. C'est le cas des mots XML, Unix ou, actualité oblige, anthrax. En revanche, dans sa version ContextPro, Ezula commercialise auprès d'annonceurs l'achat de mots-clés afin de les faire pointer vers leur propre site. A ce jour, plusieurs dizaines de sociétés américaines ont déjà fait appel à ContextPro en achetant un ou plusieurs mots-clés. Parmi elles se trouvent Casino-On-Net, ConsumerInfo (exemple de site de redirection), First Union, Omnis Network, Motorola, Nobel, Verisign ou encore le Wall Street Journal. Le quotidien américain s'est offert plusieurs mots-clés liés à la Net-économie, comme "start-up", "franchise" et "entrepreneur". Ceux-ci pointent tous vers une rubrique dédiée de la version électronique du Wall Street Journal.

Entre 30 cents et 1,2 dollar
le clic

Depuis son lancement, Ezula aurait déjà écoulé plus de 10.000 mots-clés en anglais auprès d'annonceurs. Le mode de commercialisation proposé par la société américaine se calcule au clic. Chaque mot-clé est facturé entre 30 cents et 1,2 dollar le clic, selon son potentiel. En clair, un annonceur qui décide d'acheter sa propre marque sur ContextPro paye sur la fourchette basse, soit moins de 50 cents. Sur les mots génériques comme "travel" ou "credit", capables de générer de gros trafic, les tarifs flirtent en revanche avec la barre du dollar. 20 à 40% de cette manne est reversée aux programmes permettant la diffusion de ContextPro (comme Kazaa et iMesh).

Difficile de juger de l'efficacité de cet adware, tant la société Ezula reste discrète sur la liste des annonceurs recrutés et sur ses chiffres. Mais, selon certains spécialistes du secteur, ContextPro bénéficierait d'un effet de surprise favorable parmi les internautes nouvellement contaminés. Une grande partie d'entre eux cliquerait sur ces mots-clés, croyant découvrir une nouvelle fonctionnalité proposée par leur FAI ou leur moteur de recherche habituel. Le taux de conversion parmi les internautes ayant cliqué approcherait au final les 25%.

"Cela s'apparente à l'affichage sauvage"

Du côté de l'IAB France, l'organisme en charge de la régulation sur le marché de la publicité interactive, on ne cache pas son mécontentement face à de telles pratiques. "De façon générale, nous considérons que toute action effectuée sur un site sans que son éditeur ait été formellement prévenu est une intrusion, explique Guillaume Buffet, le président de l'IAB France. Cela s'apparente à l'affichage sauvage qui couvre les quatre par trois pendant les élections. Ce type d'action est donc parfaitement attaquable au plan juridique." Tout comme dans l'affaire Gator, où l'IAB Etats-Unis a lancé une procédure juridique, le dossier Ezula devrait se régler outre-Atlantique. "Mais le plus désolant dans ces affaires, poursuit Guillaume Buffet, c'est que des annonceurs se soient engouffrés dans la faille alors que le marché de la publicité en ligne est en recherche de crédibilité."

Un point devrait rassurer les acteurs de l'e-pub : en terme de business model, Ezula et Gator apparaissent comme des épiphénomènes basés sur le détournement d'un modèle économique. Ces activités opportunistes ne disposent généralement que d'une seule fenêtre de tir : à l'émergence d'un secteur d'activité. Même Microsoft, qui avait prévu d'intégrer à Windows XP une application semblable à ContextPro, baptisée SmartTags, s'est empressé d'abandonner son bébé au cours de son procès antitrust.

. [Ludovic Desautez, JDNet]

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